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L’interview : Antoine de Gabrielli président de Happy Men et de l’association mercredi-c-papa

L’enquête | L’interview | publié le : 30.08.2016 | Violette Queuniet

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L’interview : Antoine de Gabrielli président de Happy Men et de l’association mercredi-c-papa

Crédit photo Violette Queuniet

« Dévaloriser les talents des femmes, c’est se priver aussi des talents de beaucoup d’hommes »

Qu’est-ce que Happy Men et pourquoi avez-vous créé ce réseau ?

Happy Men a été lancé en 2013. C’est un réseau interentreprises de top managers engagés pour l’égalité professionnelle. Nous formons des référents qui créent ensuite un cercle Happy Men de 5 à 15 participants. Ils réfléchissent ensemble aux enjeux de l’égalité professionnelle, à la fois en termes de performance, de management et de partage des responsabilités familiales. Il y a aujourd’hui 12 entreprises adhérentes*, 33 cercles et 350 Happy Men.

Spécialiste en transformation managériale, j’ai créé le réseau sur la base d’un constat : celui d’un véritable gâchis des talents des femmes, mais aussi des talents de pas mal d’hommes, notamment ceux qui cherchent une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie privée. Les cercles sont volontairement réservés aux hommes, pour leur permettre une plus grande liberté de parole et pour faire avancer les choses. Les réseaux mixtes ne sont fréquentés que par les 5 % d’hommes déjà convaincus. Ce sont les 90 % d’indifférents à l’égalité professionnelle – je mets à part les 5 % très opposés – qu’il faut convaincre. Car ce sont les hommes qui détiennent encore l’essentiel des leviers du pouvoir dans les entreprises.

Comment convaincre un manager homme de l’intérêt de promouvoir l’égalité professionnelle ?

En présentant la problématique sous l’angle de la performance et de la qualité managériale. Quand une organisation compte autant de femmes que d’hommes cadres dans la fourchette 25-30 ans et que, vingt-cinq ans plus tard, il ne reste plus que 10 % de femmes, cela signifie qu’elle a perdu 80 % de ses ressources féminines. Mais elle a aussi perdu des hommes, ceux qui ont les mêmes contraintes que les femmes et ont préféré démissionner. À partir de là, cela amène à interroger toutes les pratiques managériales. Est-il vraiment nécessaire de tenir trois postes à l’étranger pour accéder à un poste de cadre dirigeant ? Décliner une réunion à 20 heures fait-il de vous un collaborateur désengagé ? Ce sont des pratiques discriminantes pour les femmes, mais elles sont aussi très coûteuses pour les hommes. Si les femmes sont confrontées au plafond de verre, les hommes sont rivés à un plancher de verre : ils sont culturellement enfermés dans le monde professionnel qui leur dénie le droit de répondre à leurs besoins dans le monde privé. Les cercles Happy Men sont l’occasion pour les hommes d’échanger sur des situations très personnelles, sur leur vie de couple, leur vie familiale, choses qu’ils avaient du mal jusqu’alors à évoquer.

En trois ans de fonctionnement, les cercles Happy Men ont-ils fait évoluer les pratiques des entreprises ?

Ces cercles existent pour l’instant uniquement dans les grands groupes. Ceux-ci ont tous signé des accords d’égalité professionnelle et ont mis en place, notamment, des mesures favorisant la conciliation vie privée-vie professionnelle. La question est de savoir ce qu’il se passe quand on les utilise, que l’on soit homme ou femme. Si je prends mon mercredi, est-ce que je serai considéré comme un mauvais manager ? Tout l’enjeu des cercles Happy Men est d’amener les hommes managers et les dirigeants à faire évoluer leur regard sur ces pratiques. Et cela commence à être le cas.

* Coût annuel de l’adhésion : 10 000 euros. Parmi les entreprises adhérentes : Engie, SNCF, Orange, BNP Paribas, Caisse des Dépôts… www.happymen.fr

Auteur

  • Violette Queuniet