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Loi travail : les principales dispositions

La semaine | publié le : 19.07.2016 | Emmanuel Franck, Laurent Gérard, Élodie Sarfati

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Loi travail : les principales dispositions

Crédit photo Emmanuel Franck, Laurent Gérard, Élodie Sarfati

La loi Travail achèvera, le 20 juillet, un parcours législatif qui aura duré quatre mois. Sous réserve d’ultimes modifications, voici ses principales dispositions en matière de dialogue social, de temps de travail et de formation.

Négociation collective

Les accords majoritaires en trois temps

La validité d’un accord d’entreprise sera subordonnée à sa signature par des organisations syndicales ayant recueilli plus de 50 % (et non plus 30 %) des suffrages en faveur d’organisations représentatives (et non plus des « suffrages exprimés »). Si cet accord recueille entre 30 % et 50 % des suffrages, l’un des signataires pourra demander l’organisation d’un référendum de validation auprès des salariés. L’accord sera valide s’il est approuvé par la majorité de ces derniers. Les conditions de la consultation seront définies par décret.

Cette nouvelle règle s’appliquera en trois temps : dès la publication de la loi pour les nouveaux accords visant à préserver des emplois ; à compter du 1er janvier 2017 pour les accords sur la durée du travail ; le 1er septembre 2019 pour les autres accords.

Les accords d’entreprise pourront déroger aux accords de branche sauf…

Les accords d’entreprise pourront être moins favorables que les accords de branche sauf en matière de salaires minimaux, de classifications, de garanties collectives de solidarité (L. 912-1 du Code de la Sécurité sociale), de mutualisation des fonds de la formation professionnelle, de prévention de la pénibilité et d’égalité professionnelle. Les accords de branche pourront définir les thèmes sur lesquels les accords d’entreprise ne pourront être moins favorables, à l’exclusion de ceux pour lesquels la loi prévoira la primauté de l’accord d’entreprise. Les branches auront deux ans pour définir cet ordre public conventionnel.

Renforcement des accords de méthode

Le calendrier des négociations, y compris celles qui sont obligatoires, pourra être fixé par accord de branche ou par accord d’entreprise. Toutefois, la périodicité des négociations annuelles ne devra pas excéder trois ans, cinq ans pour les négociations triennales et sept ans pour les négociations quinquennales. À noter qu’un signataire de l’accord pourra demander qu’une négociation sur les salaires soit mise à l’ordre du jour sans attendre la fin de la période. À noter également que seules les entreprises déjà couvertes par un accord ou un plan sur l’égalité professionnelle pourront modifier la périodicité de la négociation sur ce thème.

Accords et effets à durée déterminée

Lorsqu’un accord ou une convention arrivera à expiration, il cessera d’office de produire ses effets. Actuellement, les effets de l’accord cessent seulement s’il le stipule. Par ailleurs, à défaut de précision sur la durée d’un accord, celle-ci sera fixée à cinq ans.

Publicité des accords

Les accords seront rendus publics et versés dans une base de données nationale. Les signataires pourront cependant décider qu’une partie de l’accord ne sera pas publiée. Sous certaines conditions qui seront précisées par décret, un signataire pourra demander que l’accord soit anonymisé.

Une rémunération remplace les avantages acquis

Lorsqu’une convention ou un accord mis en cause, par exemple à la suite d’une fusion ou d’une cession, n’aura pas été remplacé dans un délai d’un an, les salariés des entreprises concernées conserveront une rémunération dont le montant annuel ne pourra être inférieur à ce qu’ils ont perçu au cours des 12 derniers mois. La rémunération comprend toutes les sommes versées en contrepartie du travail (L 242-1 du Code de la Sécurité sociale). « Je suis dubitatif sur cette disposition, commente Patrick Thiébart, associé au cabinet d’avocats Jeantet. Une définition de la rémunération aussi favorable aux salariés va dissuader les repreneurs. » Actuellement, en l’absence d’accord de substitution, les salariés conservent les avantages acquis dans le précédent accord.

IRP dans les réseaux de franchisés

Dans les réseaux d’exploitants d’au moins 300 salariés liés par un contrat de franchise, une organisation syndicale représentative pourra demander l’ouverture d’une négociation visant à mettre en place une instance de dialogue social commune à l’ensemble du réseau.

Augmentation du nombre d’heures de délégation

Les représentants des salariés verront le nombre de leurs heures de délégation progresser. Par exemple, dans les entreprises de 151 à 499 salariés, un délégué syndical disposera de 18 heures par mois au lieu de 15 heures.

Création d’un congé de participation aux instances paritaires

Lorsqu’un salarié sera désigné pour siéger dans une instance administrative ou paritaire traitant d’emploi et de formation, l’employeur lui accordera « le temps nécessaire » pour participer à cette instance.

Dialogue social dans les PME

Suppression des commissions de validation de branche

Les accords d’entreprise conclus par des élus non mandatés seront valides dès lors qu’ils auront été signés par des élus représentant 50 % des suffrages aux dernières élections. Cette seule condition suffira : ils n’auront plus besoin d’être également validés par une commission paritaire de branche. « Il s’agit d’un amendement gouvernemental de dernière minute », explique MaryLise Léon, secrétaire nationale de la CFDT. Ces commissions étaient critiquées par des organisations patronales, qui estimaient qu’elles ne se contentaient pas de se prononcer sur la légalité des accords qui leur étaient soumis (lire Entreprise & Carrières n° 1282 du 29 mars 2016). Toutefois, les accords devront toujours être transmis aux commissions pour information.

Élargissement du champ de négociation des salariés mandatés

Jusqu’ici limités à négocier des mesures dont la mise en place suppose un accord, les salariés mandatés pourront désormais négocier sur la totalité du champ.

Accords de branche type pour PME

Un accord de branche étendu pourra comporter des stipulations spécifiques pour les entreprises employant moins de 50 salariés, sous forme par exemple d’accords types indiquant les différents choix laissés à l’employeur. L’employeur pourra appliquer unilatéralement cet accord type après en avoir informé les délégués du personnel, s’il y en a, et les salariés.

Formation

Compte personnel d’activité

Le Sénat a tenté de limiter le compte personnel d’activité (CPA) au seul compte personnel de formation (CPF), mais l’Assemblée nationale a rétabli le compte personnel d’activité tel qu’il avait été conçu par les partenaires sociaux durant la négociation interprofessionnelle de février dernier. Ce devrait donc être un dispositif articulé autour du compte personnel de formation, du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) et du compte d’engagement citoyen (CEC), destiné à transcrire en droits à la formation les activités bénévoles réalisées dans le secteur associatif reconnu d’utilité publique ou le service civique. Mais ce n’est peut-être qu’une étape, car le texte de loi final prévoit la possibilité, pour les partenaires sociaux, d’ouvrir une concertation, dès le mois d’octobre 2016, qui étudierait les possibilités d’extension du dispositif à d’autres outils sociaux, comme le compte épargne-temps.

Ouvert dès l’âge de 16 ans (15 ans pour les mineurs en contrat d’apprentissage) jusqu’au décès de la personne, le CPA sera alimenté à raison de 24 heures par année d’exercice jusqu’à l’acquisition d’un crédit de 120 heures, puis de 12 heures par année de travail dans la limite d’un plafond de 150 heures. Dans un premier temps, le CPA concerne les salariés, les demandeurs d’emploi, les travailleurs indépendants, les professionnels libéraux, les professionnels non salariés et leurs conjoints collaborateurs ainsi que les artistes auteurs.

Les abondements complémentaires nécessaires au financement d’une action de formation pourront être versés par l’employeur de l’individu, sa branche professionnelle, l’État, la région, les Opca ou Pôle emploi. Le projet de loi prévoit d’instaurer une alimentation particulière de 48 heures par an avec un plafond maximal de 400 heures pour tout salarié qui ne disposerait pas d’une qualification inscrite au Répertoire national de la certification professionnelle (RNCP) correspondant au niveau CAP.

Apprentissage : expérimentation en région

L’article 33 ter du projet de loi autorise, à titre expérimental, deux régions volontaires à déroger aux règles de répartition des fonds non affectés par les entreprises de la fraction “quota” de la taxe d’apprentissage et de la contribution supplémentaire à l’apprentissage. Les organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage transmettront à chaque région volontaire une proposition de répartition de ces fonds non affectés par les entreprises sur son territoire. Cette proposition fera l’objet d’une concertation, et le président du conseil régional notifiera aux organismes collecteurs de la taxe sa décision de répartition. Ces organismes procéderont alors au versement des sommes aux centres de formation d’apprentis et aux sections d’apprentissage conformément à la décision notifiée par la région. Cette expérimentation sera mise en place du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019. Chaque région volontaire devra en faire un bilan. Le gouvernement remettra au Parlement, avant le 1er juillet 2020, un rapport sur ces expérimentations et leur éventuelle généralisation.

Emploi

Accords de compétitivité : un troisième régime juridique

Jusqu’à présent, les entreprises pouvaient signer des accords de compétitivité “ordinaires” – les éventuels refus de modification des contrats de travail pouvant se solder par un PSE – ou des accords de maintien de l’emploi (AME) en cas de « graves difficultés économiques conjoncturelles ». Sur la base de l’article 11, elles pourront également conclure des « accords de préservation et de développement de l’emploi ». Ces accords (majoritaires) « se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération et de durée du travail », sans pouvoir réduire la rémunération mensuelle. En cas de refus, le salarié est licencié sur la base d’un motif reconnu comme ayant une cause réelle et sérieuse (donc non contestable), selon les modalités d’un licenciement économique individuel. L’accord « pourra » prévoir une clause de retour à bonne fortune, ainsi que les conditions dans lesquelles les dirigeants fournissent des « efforts proportionnés ».

Licenciement économique : combien de trimestres ?

Maintes fois réécrit, l’article 30 redéfinit le motif économique du licenciement. Reprenant les catégories issues de la jurisprudence (notamment la sauvegarde de la compétitivité), il cherche en outre à objectiver la notion de difficulté économique. Ainsi, le motif économique sera admis en cas de baisse « significative d’au moins un indicateur économique » (chiffre d’affaires, résultats d’exploitation, trésorerie, etc.). Cette dégradation devra perdurer pendant une durée prédéterminée – de 1 à 4 trimestres consécutifs, selon la taille de l’entreprise – et « en comparaison avec la même période de l’année précédente ». Par ailleurs, les difficultés économiques continueront de s’apprécier au niveau du secteur d’activité du groupe, comme actuellement. Ces dispositions entreront en vigueur le 1er décembre 2016.

Temps de travail

Flexibilité négociée

L’article 2, qui a cristallisé les mécontentements, définit en matière de durée du travail ce qui relève de l’ordre public (dispositions auxquelles il n’est pas possible de déroger, comme la durée légale de 35 heures hebdomadaires), de la négociation collective ainsi que les dispositions supplétives (applicables en cas d’absence d’accord collectif). Outre qu’il préfigure la future architecture du Code du travail, cet article introduit davantage de flexibilité, en donnant la primauté aux accords d’entreprise dans quasiment tous les domaines.

Comme aujourd’hui, l’accord d’entreprise aura la priorité sur l’accord de branche pour déterminer le contingent annuel d’heures supplémentaires et les modalités des forfaits en heures et en jours. Mais il le deviendra également pour définir, entre autres :

– la majoration des heures supplémentaires, avec un seuil minimum de 10 % ;

– sous certaines conditions, les modalités de dépassement des durées maximales du travail et les dérogations au repos minimal ;

– la mise en place des astreintes et du travail de nuit ;

– l’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine, sachant qu’à défaut d’accord, l’employeur pourra unilatéralement organiser cette répartition sur une période pouvant aller jusqu’à neuf semaines dans les entreprises de moins de 50 salariés (jusqu’à quatre semaines, comme actuellement, dans les plus grandes).

Par ailleurs, les entreprises pourront fixer par accord la période de sept jours permettant de décompter le temps de travail – qui peut donc ne plus être la semaine civile – et ainsi neutraliser certaines heures supplémentaires. L’accord de branche restera la norme s’agissant des heures d’équivalence, de la dérogation aux 24 heures hebdomadaires minimales pour les temps partiels (cette durée devenant supplétive) et de la mise en place de compléments d’heures par avenant. Il pourra également prévoir une modulation du temps de travail sur une période comprise entre un et trois ans.

À noter également que l’article 3 reprend la même logique (ordre public, négociation d’entreprise prioritaire, dispositions supplétives) s’agissant des congés spéciaux, avec un nombre de jours minimal fixé par la loi pour les congés familiaux (certains ayant été revus à la hausse par rapport au Code du travail actuel).

Forfaits-jours : sécuriser les accords bancals

Il faut sauver le soldat forfait-jours… Depuis 2011, la Cour de cassation a déclaré illicites plusieurs conventions collectives, entraînant l’annulation potentielle des conventions individuelles des salariés. Le risque juridique perdure donc dans nombre d’entreprises, pour lesquelles le projet de loi prévoit une sorte de filet de sécurité. Ainsi, le texte détermine les points obligatoires des accords, notamment les modalités de suivi de la charge et de mise en œuvre du droit à la déconnexion. Mais, à défaut de telles stipulations, les conventions individuelles restent valables dès lors que l’employeur met en œuvre ces garanties, même unilatéralement. Néanmoins, le projet de loi confirme que les salariés en forfait-jours ne sont pas soumis aux durées maximales de travail, bien que la Cour de cassation exige que les accords collectifs « assurent la garantie du respect » de ces durées.

Auteur

  • Emmanuel Franck, Laurent Gérard, Élodie Sarfati