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Sur le terrain

Retour sur… La digitalisation de l’actionnariat salarié à Veolia

Sur le terrain | publié le : 12.07.2016 | Nicolas Lagrange

Fin 2015, le groupe Veolia a donné la possibilité à 111 000 salariés dans 20 pays de souscrire à une opération d’achat d’actions de façon entièrement dématérialisée. Avec une communication digitale ad hoc et un simulateur de résultats à moyen terme.

Lorsque les dirigeants de Veolia entérinent le lancement d’une opération d’actionnariat salarié en décembre 2014, cela fait plus de quatre ans que le groupe n’en a plus organisé. « Le Pdg, Antoine Frérot, souhaitait un dispositif accessible au plus grand nombre – notamment les premiers niveaux de rémunération – et facile d’utilisation partout », souligne Éric Bachellereau, DRH adjoint groupe.

Les objectifs initiaux sont ambitieux pour un groupe de 180 000 salariés, composé à 80 % de cols bleus : atteindre un minimum de 15 % de souscripteurs (contre 11 % en 2010) et compter à moyen terme un tiers de salariés actionnaires. Pour y parvenir, Veolia fixe un plancher de souscription à 15 euros (correspondant à une action), une décote à 20 % et un abondement de 100 % sur les 300 premiers euros investis. Des paramètres simples, qui favorisent la lisibilité de l’opération.

Création de Sequoia

Deuxième levier : la dématérialisation. « Nous avons créé un site dédié, Sequoia, en concertation avec les directions de la communication et de l’informatique et avec l’appui de l’agence Proches, conseil en communication, précise Éric Bachellereau. Pendant six mois, nous avons défini les contenus, traduits dans 13 langues à destination de 20 pays. Avec un double leitmotiv : donner envie aux salariés de naviguer sur le site, alors que le sujet est technique et souvent aride, et leur fournir toutes les informations nécessaires à une prise de décision autonome. » « Nous avons suggéré un message vidéo du Pdg à destination du personnel, explique Pierre-Yves Frelaux, fondateur de Proches. Un booster d’audience sur la forme permettant, sur le fond, d’inscrire cette opération dans le prolongement de la nouvelle stratégie de transformation organisationnelle et de recentrage industriel de Veolia. Nous avons travaillé sur des contenus en responsive design [adaptés à tous types de supports, NDLR], au vu du fort taux d’équipement des collaborateurs en smartphones, tablettes et ordinateurs dans la plupart des pays du monde. »

Un millier d’ambassadeurs

Un simulateur permet au salarié d’indiquer son investissement envisagé et de visualiser les résultats en cas de revente de ses actions au bout de cinq ans, selon les hypothèses d’évolution du cours qu’il a sélectionnées. « Sur trois semaines, avant et pendant la période de souscription, Sequoia a enregistré 2 855 connexions par jour en moyenne », constate Éric Bachellereau. Grâce aussi à un didacticiel facilitant le “remplissage des cases” et à un millier de volontaires (ambassadeurs), mobilisés pour assister les salariés.

Bilan à l’issue de l’opération, en décembre 2015 : un taux de souscription moyen de 26,30 %, avec de fortes disparités selon les pays (lire p. 30), pour un montant moyen de 500 euros. « Plus de 29 000 collaborateurs ont acquis des actions, dont 11 000 nouveaux, détaille Éric Bachellereau, ce qui porte à 32 % la proportion de salariés actionnaires. Nos objectifs ont été dépassés. En outre, nous nous sommes épargné les difficultés logistiques d’achat de tonnes de papier, d’impression, de stockage et de distribution. Près de 60 % des salariés ont effectué l’ensemble des opérations de souscription en ligne et les autres ont rempli le formulaire papier, mais en l’imprimant via Internet. » La direction pourrait renouveler l’opération tous les deux ans.

Agrégation régulière de contenus

Fort de cette digitalisation réussie, le géant mondial de l’eau et des déchets s’est appuyé sur son nouveau site début 2016 pour organiser l’élection des représentants des salariés au conseil de surveillance du FCPE. En avril et en mai, Sequoia a également accueilli des informations sur les nouveautés de la loi Macron, puis sur les primes annuelles de participation et d’intéressement, avec des SMS pour attirer l’attention des salariés. « De fait, l’agrégation régulière de contenus au fil de l’eau autour d’une thématique forte est porteuse, estime Pierre-Yves Frelaux. Or de nombreuses entreprises gèrent encore leurs différentes opérations comme une succession d’événements ponctuels déconnectés les uns des autres. »

À terme, Veolia souhaite faire de Sequoia un site de référence pour tout ce qui relève de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié.

Des effets plus limités dans l’Hexagone

L’opération d’actionnariat salarié digitalisée a été plébiscitée en République tchèque avec une participation de près de 90 % du personnel. En Pologne, le taux de souscription atteint 70 %, contre 20 % aux États-Unis, même s’il s’agit d’un bon score pour une première participation, selon la direction. En France, la proportion de souscripteurs n’a pas progressé (un peu en dessous de 15 %), malgré la dématérialisation et la présentation de l’opération au CCE, assortie d’une démonstration. « L’effondrement des cours en 2000 et 2008 reste gravé dans les mémoires et, avec elle, la défiance à l’égard des marchés boursiers », affirme Jean-Paul Duret, président CFE-CGC de Veolia, qui regrette néanmoins qu’il n’y ait pas d’avantage de possibilités de souscription, notamment lorsque les cours sont bas. « Un certain nombre de salariés ne peuvent pas bloquer quelques centaines d’euros pendant cinq ans, soutient pour sa part Jérôme Garèche, représentant syndical adjoint CFDT au comité de groupe France. Même si les risques paraissent limités. Ils ont besoin d’argent tout de suite, d’autant que les montants d’intéressement et de participation se sont réduits ces dernières années, que les mesures d’abondement sont peu attractives et que les NAO ont conduit à des mesures salariales très limitées. »

Auteur

  • Nicolas Lagrange