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L’interview

Éline Nicolas : « L’entreprise attractive ne peut pas être une boite noire »

L’interview | publié le : 12.07.2016 | Éric Delon

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Éline Nicolas : « L’entreprise attractive ne peut pas être une boite noire »

Crédit photo Éric Delon

Afin d’attirer les meilleurs talents et de les fidéliser, les DRH doivent s’approprier et développer les outils les plus performants en termes de marketing relationnel RH et de marque employeur, et ainsi vendre les emplois comme on vend un produit.

E & C : Pourquoi, en 2016, est-ce un enjeu particulièrement stratégique pour les DRH de bien gérer les mécanismes du marketing RH et les nouveaux outils qui y sont associés ?

Éline Nicolas : La démarche de marketing RH emprunte la logique de pensée marketing pour attirer et fidéliser, en considérant les collaborateurs – présents ou potentiels – comme des clients au sens le plus noble du terme. Le passage d’un marketing dit transactionnel à un marketing relationnel dans la plupart des secteurs a changé les codes de la consommation – one to one, consumer relationship management (CRM), personnalisation… Force est de constater que les attentes sont identiques en GRH. Chacun veut s’approprier le “produit-emploi”, donner son avis – par exemple le site HappyTrainees permet aux stagiaires de noter leur entreprise d’accueil –, voire le modeler à son image. On évoque parfois le terme de “GRH cafétéria” pour illustrer ce produit-emploi que chacun pourrait composer selon ses envies, ses attentes, ses besoins en termes de formation, d’évaluation, de conditions de travail, etc. L’individualisation de la relation d’emploi conduit à créer un employee relationship management (ERM) à l’image du CRM, voire un candidate relationship management (CRM) comme les sites carrières et les applications dédiées – par exemple l’application iPhone “Dr Job” de BNP Paribas. Les DRH doivent de plus en plus réfléchir à leur “mix RH” pour développer un produit-emploi adapté, un “My Job” attractif sur le marché du travail. De nombreuses entreprises utilisent déjà des pratiques de marketing pour comprendre les attentes de leurs publics et créer un produit-emploi conforme à leurs attentes. Par exemple, l’Orange graduate program, qui propose à de jeunes diplômés d’intégrer un programme sur trois ans comprenant des outils de développement tels que le parrainage et le mentoring, durant lequel le collaborateur se verra proposer deux postes différents. Il s’agit d’une démarche particulièrement pertinente de réponse aux attentes actuelles de la génération Y, qui veut apprendre et aime zapper. La démarche de marketing RH considère l’emploi comme un produit mis à disposition sur le marché et cherche à séduire ses publics cibles externes et internes pour les attirer et les fidéliser.

Comment mettre en place une communication d’attraction performante ?

Il est primordial de s’inscrire dans une véritable proximité avec ses publics. L’ERM et le CRM supposent de mettre en place des outils permettant à chacun de s’inscrire dans une relation quasi sur mesure avec l’entreprise. Les publics doivent être finement ciblés. De même, les démarches de communication doivent être le plus possible personnalisées. Par ailleurs, le marketing relationnel appliqué à la GRH suppose de créer un attachement à la marque employeur. Une étude récente du cabinet Randstad a montré qu’entre le 29 janvier et le 27 février derniers, 40 000 publications ont été émises sur cette thématique, contre 10 000 seulement sur celle de la banque en ligne, et ce sur des réseaux qui ne sont pas forcément professionnels, comme Twitter. La marque employeur est une thématique assez centrale pour les entreprises. Elle relève de plus en plus d’une coconstruction avec les publics cibles à travers notamment leur présence digitale. Les cosmétiques Merci Handy ont ainsi récemment sollicité leur communauté pour donner leur avis sur le recrutement du futur Community Manager.

La politique RSE de l’entreprise et la marque employeur sont-elles liées ?

La mise en œuvre d’une politique RSE permet à l’entreprise de répondre aux attentes de la société, qu’elles soient sociales ou environnementales. De cette façon, elle améliore non seulement son attractivité en qualité d’employeur vis-à-vis des publics cibles externes mais elle dope aussi, pour ses propres collaborateurs, la fierté d’appartenir à une entreprise “vertueuse”. Elle agit positivement sur leur fidélité. Il en va de même lorsque les entreprises mettent en œuvre des démarches de RSE à l’attention de leurs salariés afin de favoriser l’expression de valeurs communes ou d’améliorer le bien-être au travail. Les salariés, ambassadeurs de la marque employeur – et, faut-il le reconnaître, légèrement instrumentalisés –, jouent un rôle non négligeable quant à l’attractivité de leur entreprise, notamment par le biais de leurs contributions sur les réseaux généralistes ou sur des sites spécialisés, qui proposent aux salariés de noter et de donner leur avis sur leur employeur.

Quel rôle la DRH peut-elle jouer dans cette démarche ?

Comme dans de nombreux domaines liés à la RSE, il est souvent indispensable de rassurer les parties prenantes sur les pratiques de l’entreprise. En termes de marque employeur, cela passe par le triptyque “faire, faire contrôler et faire savoir”, et donc par le recours aux normalisations, labellisations, classements et autres appréciations par la “geekosphère”… afin de communiquer sur l’évaluation de ses pratiques par des tiers. L’entreprise attractive ne peut plus être une boîte noire.

Comment intégrer cette communication RH à la communication globale de l’entreprise ?

Bien entendu, il est nécessaire de mettre en cohérence toutes les formes de communication de l’entreprise. Celle sur la marque employeur doit s’insérer dans une communication corporate comprenant également les communications produits, finance, environnement… À cet égard, Mc Donald’s représente un excellent exemple. Le géant américain alterne depuis plusieurs années des campagnes télévisées pour communiquer sur ses produits de manière traditionnelle mais aussi sur sa politique RH, sur des thématiques telles que la diversité, l’accès des jeunes à l’emploi ou le développement des compétences par exemple. Il s’agit de créer un attachement à la marque entreprise et non uniquement à la marque produit. Le développement des démarches RSE illustre parfaitement cette préoccupation “globale” de la part des entreprises.

Éline Nicolas enseignante en GRH

Parcours

> Éline Nicolas est maître de conférences en gestion des ressources humaines à l’IAE d’Orléans, codirectrice du master MESC2A (management des entreprises de la santé, cosmétiques et agroalimentaires) et responsable du parcours GRH de la licence gestion.

> Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages, dont 14 Cas de GRH. Études de cas d’entreprises avec corrigés détaillés (Dunod 2e édition, 2016) et Vers un développement durable, l’offre bio de la PME (Presses universitaires européennes, 2010).

Lectures

Recruter les meilleurs à l’ère digitale, Charles-Henri Dumon, Eyrolles, 2016.

Internet Marketing, sous la dir. de Soraya Cabezon et Marine Lapierre, Electronic Business Group, 2015.

À quoi ressemblera la fonction RH demain ?, Michel Barabel, Olivier Meier et André Perret, Dunod, 2014.

Auteur

  • Éric Delon