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Du côté de la recherche

Chronique | publié le : 12.07.2016 | Denis Monneuse

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Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Pifomètre ou bonnes pratiques ?

Je m’autorise ici à reprendre le titre un brin provocateur d’un très sérieux article publié il y a tout juste dix ans par Alexandra Kalev, Frank Dobbin et Erin Kelly, trois des plus grands chercheurs dans le monde sur les questions de diversité. En 2006, ils s’étaient en effet demandé dans l’American Sociological Review si les “bonnes pratiques” diffusées par les consultants et autres évangélistes de la diversité étaient réellement efficaces. Verdict : non. Faute d’évaluation des plans d’actions en faveur de la mixité, les consultants faisaient surtout preuve de “pifométrie”, et les pratiques qu’ils recommandaient (les formations à la diversité en premier lieu) se révélaient relativement inefficaces.

Les mêmes auteurs (à ce ceci près que Daniel Schrage a remplacé Erin Kelly) se sont reposé la même question neuf ans plus tard dans la même revue. À partir des données de 816 établissements privés américains sur plus de trente ans, ils dressent le palmarès des actions les plus et les moins efficaces pour faire augmenter la diversité des managers, c’est-à-dire pour qu’il y ait plus de managers femmes et/ou issus des minorités visibles.

Commençons par les mesures efficaces. Les programmes mettant en place des recrutements et des formations spécifiques marchent bien. Contrairement aux simples sensibilisations à la diversité, qui ont des effets limités – voire contre-productifs –, en activant les stéréotypes à l’encontre des femmes et des minorités visibles, ces programmes ont l’avantage de faire diminuer les préjugés des managers en les mettant directement en contact avec les groupes minoritaires. Le fait de suivre une formation au management avec des femmes et des Noirs, par exemple, permet de se rendre compte que ces derniers sont légitimes et compétents pour être eux-mêmes managers.

Deuxièmement, mettre plus de transparence dans les processus de recrutement et d’évaluation joue aussi en faveur de la diversité, car cela réduit la cooptation, qui repose sur le seul réseau social des managers. De plus, la transparence oblige les managers à être prêts à rendre des comptes, ce qui les pousse eux-mêmes à mettre en sourdine leurs préjugés.

Troisièmement, introduire un peu de surveillance ne fait pas de mal. Cela passe soit par la nomination d’un responsable diversité dans l’entreprise, soit par des régulateurs externes qui peuvent faire pression sur l’entreprise si celle-ci s’avère mauvaise élève. C’est ce qu’on appelle parfois la stratégie du “name and shame” (nommer pour faire honte à ceux qui méritent le bonnet d’âne).

En revanche, des pratiques se révèlent peu efficaces, voire négatives. Ce sont toutes celles qui visent à réduire directement la marge de manœuvre des managers à travers la mise en place de nouvelles procédures. Ces mesures ont en effet tendance à créer de la résistance au changement et à produire des effets pervers.

Bref, pour accroître la diversité dans l’entreprise, il faut faire preuve de doigté en poussant les managers à s’ouvrir et à réduire leurs préjugés, mais en le faisant discrètement, pour ne pas qu’ils aient l’impression qu’on leur force la main.

Auteur

  • Denis Monneuse