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Épargne salariale : La réforme macron, un nouvel élan au pour le Perco ?

L’enquête | publié le : 28.06.2016 | H. T.

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Épargne salariale : La réforme macron, un nouvel élan au pour le Perco ?

Crédit photo H. T.

Certes, la loi Macron n’a pas révolutionné l’épargne salariale, et les réductions du forfait social peinent à trouver leur public. Mais la réforme a relancé la réflexion des employeurs sur le Perco. Et aiguillonné l’intérêt des salariés pour les dispositifs d’entreprise.

Simplifier l’épargne salariale, favoriser son développement dans les TPE et PME, mobiliser une partie des fonds au profit du financement des PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire). Et dynamiser le bas de laine à vocation retraite : le volet épargne salariale de la loi du 6 août 2015 pour la croissance et l’activité, dite loi Macron, affichait des intentions louables. Pourtant, les premiers effets sur le terrain des mesures laissées au libre choix des entreprises sont quelque peu mitigés (lire p. 23). Il faut dire qu’il restait, après la parution des décrets en novembre et décembre derniers, encore beaucoup d’interrogations sur l’interprétation des textes. Une instruction particulièrement bienvenue de la Direction générale du travail (DGT) a levé le flou le 18 février, alors que les entreprises s’activaient déjà pour satisfaire à leurs nouvelles obligations.

Parmi les priorités : l’harmonisation des dates limites de versement de l’intéressement et de la participation (au plus tard le dernier jour du 5e mois suivant la clôture de l’exercice). Et le fléchage, en l’absence de choix du bénéficiaire, de la totalité de l’intéressement vers le plan d’épargne entreprise (PEE) – les sommes investies n’étant, de fait, plus assimilées à un versement volontaire. Mesure dont le volet communication auprès des salariés a mobilisé toute l’attention des entreprises, aidées de leur gestionnaire d’épargne soucieux de parer aux éventuelles demandes de rétractations(1). Un véritable sac de nœuds pour les opérateurs, qui se sont longtemps demandés sur quelle base ils allaient, le cas échéant, devoir reverser aux salariés et aux employeurs les sommes placées…

Aux dires des teneurs de comptes, l’information est bien passée, même si leurs centres d’appels ont récemment connu une petite surchauffe : « Nous avons eu beaucoup de salariés qui souhaitaient toucher leur intéressement, notamment des non-cadres, et qui voulaient surtout se rassurer », commente Patrice Plouvier, responsables des solutions financières à Axa Épargne Retraite Entreprise (ERE).

Sécurisation progressive

Il a également fallu s’occuper de l’évolution des plans d’épargne pour la retraite collectifs (Perco). Car, depuis le 1er janvier, la gestion pilotée, qui organise automatiquement les arbitrages pour sécuriser progressivement l’épargne à l’approche de la retraite, est devenue de plein droit le mécanisme d’affectation par défaut des sommes versées dans ces plans. C’est aussi l’une des deux conditions pour bénéficier d’un forfait social réduit de 20 % à 16 % sur l’intéressement, la participation et l’abondement, avec l’introduction, dans les supports de cette gestion pilotée, d’au moins 7 % de titres éligibles au PEA-PME(2). « Des titres peut-être un peu plus risqués, mais plus adaptés à l’horizon de placement retraite », assure Christophe Juste, directeur commercial à Inter Expansion-Fongepar, groupe Humanis. Ce “Perco plus”, mesure phare de la loi Macron, intéresse d’abord les grosses structures. « Plus les flux sur le Perco sont importants, plus l’économie est conséquente. La plupart des grandes entreprises l’ont rapidement mis en place ou le feront en 2017 », assure José Castro, directeur du développement corporate de Natixis interépargne.

Premières tendances

Mais dans l’ensemble, il n’y a pas eu de ruée sur cette nouvelle disposition. Un mini-sondage effectué en live lors de la 15e université d’Adding (actuariat et conseil RH), qui s’est tenue début avril, donnait les premières tendances. Sur les 42 comp & ben et DRH présents, 34 (81 %) disposaient d’un Perco dans leur entreprise et, parmi ceux-ci, seuls 11 (32 %) indiquaient avoir intégré la gestion PEA-PME pour bénéficier de la baisse du forfait social. Parmi les autres, certains envisageaient une mise en œuvre à l’horizon d’un an ou dans le cadre d’une revue globale de la politique d’épargne salariale. Pour une petite moitié, ce n’était simplement pas d’actualité.

La situation a pris une tournure similaire chez Axa ERE, qui avait commencé à tâter le terrain avant l’entrée en application de la mesure. « Contrairement à ce que nous pensions, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait des réticences et que le sujet n’était pas perçu comme primordial », raconte Patrice Plouvier. De fait, seul un tiers des quelque 500 clients dotés d’un Perco sur mesure sont passés au “Perco plus”, quel que soit leur effectif (moins ou plus de 600 salariés, selon la segmentation d’Axa ERE).

« Les entreprises qui n’ont pas ouvert le dossier sont partagées, ajoute-t-il. Pour les unes, ce n’est pas la priorité, tandis que d’autres estiment que les quatre points de moins sur le forfait social ne sont pas suffisamment incitatifs pour les amener à rouvrir des négociations sur un sujet compliqué. »

« La première chose à faire, insiste d’ailleurs Hubert Clerbois, associé d’EPS Partenaires (conseil et formation en épargne salariale), est de chiffrer l’économie potentielle, qui peut être négligeable en l’absence d’un abondement incitatif sur le Perco. » En outre, l’introduction d’investissements PME dans le Perco ne s’appréhende pas de la même façon selon que l’entreprise dispose de fonds dédiés ou de fonds multi-entreprises. Et « il y a des interrogations sur les fonds éligibles, leurs performances et sur la façon de les insérer dans les grilles de gestion pilotée », observe Christophe Juste. Pierre-Yves Chanu, spécialiste des dossiers “financement de la protection sociale” et “retraites” à la CGT et membre du Comité intersyndical de l’épargne salarial (Cies), estime d’ailleurs que « le volet “fonds PME” du dispositif Macron n’est pas vraiment opérationnel. Nous rencontrons les gestionnaires, et ils ne sont pas si nombreux à avoir obtenu le tampon de l’AMF [Autorité des marchés financiers, NDLR] ». Enfin, « insérer un instrument financier supplémentaire dans le Perco rajoute des frais qu’il faut négocier. Et si, demain, on fait le constat que le PEA-PME n’est pas si performant qu’on le dit, il sera difficile de revenir en arrière », ajoute Jean-Philippe Liard, délégué fédéral en charge de l’épargne salariale et retraite à la fédération CFDT de la chimie et de l’énergie.

De nouvelles possibilités d’investissement

Il est donc urgent de ne pas se presser, convient EPS Partenaires, qui a publié sur son site une note permettant aux entreprises de structurer leur réflexion(3). D’autant que la loi Macron a également introduit de nouvelles possibilités d’investissement, les fonds communs de placement d’entreprise (FCPE) logés dans les PEE et les Perco pouvant désormais détenir des parts d’organismes de placement collectif immobilier (OPCI), jusqu’à 30 % de leur actif, explique la DGT. « C’est une micromesure, mais qui peut avoir du sens si on raisonne en termes de retraite », considère Hubert Clerbois. Selon Jean-Philippe Liard, des entreprises se donneraient d’ailleurs le temps d’analyser sérieusement cette option. Amundi ne s’y est pas trompé, qui a récemment lancé une nouvelle solution d’épargne “spécial Perco” permettant de bénéficier du forfait minoré et intégrant l’investissement immobilier (lire Entreprise & Carrières n° 1291).

Au-delà du “Perco plus”, le drainage par défaut sur la gestion pilotée fait consensus. Tant chez les acteurs de l’épargne que chez les DRH et comp & ben, qui se désolent de voir leurs salariés investir massivement sur les fonds monétaires aux rendements aujourd’hui nuls ou négatifs. « Les salariés appréhendent de mieux en mieux le système des grilles d’allocation et de désensibilisation aux risques, observe Patrice Plouvier. C’est un bon point que de les diriger vers ces grilles, qui leur permettent d’avoir des rendements intéressants quand ils sont jeunes et de sécuriser progressivement leurs avoirs ensuite. » Pour Yves Rault, directeur des rémunérations et des avantages sociaux à CFAO, cette disposition a même une vertu pédagogique (lire l’article ci-dessus).

L’adaptation du Perco au forfait minoré fournit aussi aux entreprises l’occasion de dresser un bilan et de réfléchir à l’attractivité de leur dispositif. « Certains de nos clients en ont profité pour modifier leurs grilles en y ajoutant des fonds obligataires ou flexibles à l’approche de la retraite », ajoute Patrice Plouvier. Mieux, cette baisse du forfait peut aussi profiter directement au salarié : « C’est l’opportunité pour un employeur d’améliorer ses avantages sociaux à moindres coûts, souligne Éric Teboul, directeur du pôle benefits d’Adding. Dès lors que l’entreprise s’est “protégée” de la hausse du forfait social à 20 % en répartissant la pression sur ses salariés, on peut penser qu’elle aurait intérêt à redistribuer les quatre points d’économie en abondement supplémentaire. »

Abondements

D’autant que l’employeur peut désormais, même en l’absence de contribution du salarié, effectuer des abondements périodiques sur le Perco, si le règlement du plan le prévoit (dans la limite de 2 % du plafond annuel de la sécurité sociale). Chez Sanofi, passé au “Perco plus”, les syndicats ont bien essayé d’obtenir un versement unilatéral forfaitaire, avant que l’entreprise ne décide finalement d’accroître la contribution employeur de son article 83 (lire p. 25). « L’abondement d’amorçage était déjà rare et, pour l’instant, je n’ai pas encore vu d’abondement périodique », remarque Hubert Clerbois. Pour qui cette disposition tend à donner au Perco un petit air de régime à cotisations définies. Éric Teboul préconise d’ailleurs, pour optimiser un dispositif de retraite, de basculer du 83 au Perco avec abondement régulier. « Le Perco devient ainsi le réceptacle de l’épargne retraite pour le plus grand nombre, éventuellement complété par un article 83 catégoriel. »

Autre nouvel atout à ne pas négliger pour doper l’alimentation du Perco : en l’absence de compte épargne-temps (CET), il est possible de transférer sur son plan retraite jusqu’à dix jours de repos non pris, au lieu de cinq auparavant. « C’est un placement indolore pour le salarié. Et la passerelle entre épargne-temps et Perco est un sujet présent aujourd’hui dans tous nos appels d’offres », convient Christophe Juste.

Trois forfaits sociaux

Certes, ce n’est pas le “grand soir” de l’épargne salariale que les professionnels du secteur appelaient de leurs vœux. Et, en fait de simplification, « on est passé d’un seul forfait social à trois [dont un pour les petites entreprises, lire l’article ci-contre] », pointe notamment Hubert Clerbois. Certaines mesures posent problème aux syndicats : « Avec l’harmonisation des dates de versement de l’intéressement et de la participation, on rentre sans le dire dans un rapprochement de ces deux primes, qui ont une pertinence et un sens différents », s’inquiète Jean-Philippe Liard. Il estime également qu’avec le “Perco plus”, on ne s’est pas vraiment intéressé aux besoins effectifs de financement des PME, « surtout axés sur du crédit ». La CGT, elle, demeure violemment hostile à une minoration du forfait social, qui sert à financer la Cnav, rappelle Pierre-Yves Chanu (CGT).

Néanmoins, la réforme incite à davantage de créativité dans la gestion financière. Elle a aussi permis aux gestionnaires d’augmenter les échanges sur l’épargne salariale avec les entreprises. Et, via des conférences et ateliers sur sites, avec des salariés « de plus en plus nombreux et intéressés par le sujet », constate Patrice Plouvier. Certains opérateurs affirment, du reste, avoir récemment signé « beaucoup de Perco ». La perspective du forfait social réduit a ainsi convaincu la direction de Novartis Pharma France (près de 2 000 salariés) d’en créer un. Une avancée obtenue début 2016 dans le cadre de la NAO, à l’issue de trois ans de discussions. « L’accord signé fin mars est transitoire, souligne Hélène Lapauw, déléguée syndicale centrale CFDT du groupe. Il prévoit un abondement de 300 euros pour 300 euros versés, qui s’ajoute aux 1 400 euros d’abondement possible sur le plan d’épargne groupe. Mais nous négocions actuellement un nouvel accord plus complet pour améliorer le taux d’abondement, choisir les prestataires et déterminer les supports d’investissement. »

« La loi Macron a réveillé l’envie », résume Xavier Collot, directeur adjoint de l’épargne salariale et retraite à Amundi, qui espère une remise en selle de l’épargne d’entreprise mise à mal par la hausse du forfait social et les tentatives répétées du gouvernement de s’en servir pour relancer le pouvoir d’achat. Encore faudra-t-il, aussi, que le système se stabilise.

L’avis du comp & ben Yves Rault directeur rémunérations et avantages sociaux à CFAO (distribution et services en Afrique)

« La gestion pilotée a une vertu pédagogique »

La structure de l’épargne salariale chez CFAO repose sur deux piliers : un PEE et un Perco. Ce dispositif concerne les 500 salariés travaillant en France métropolitaine. Pour faciliter la gestion par les épargnants, le PEE et le Perco sont composés des mêmes supports de placements : un fonds monétaire, un fonds obligataire, un fonds en actions et des fonds diversifiés. Ces trois dernières années, la participation, principale source d’alimentation du PEE, a représenté, par collaborateur, en moyenne entre 5 000 et 13 000 euros brut par an. Le Perco est alimenté par des versements du collaborateur, abondés par l’entreprise. L’abondement s’échelonne entre 1 500 et 4 500 euros brut par an selon les résultats du groupe.

Nous avons adopté le “Perco plus” en mars dernier en faisant évoluer le fonds actions. Au-delà de l’économie sur le forfait social, je pense que cette disposition de la loi Macron va dans le bon sens. Le fait que la gestion pilotée devienne le choix par défaut du Perco a une vertu pédagogique. Elle oblige les salariés à renseigner leur horizon de placement et leur profil de risque, pour donner le cap au teneur de compte avant de lui laisser la barre. En ayant cette réflexion patrimoniale, les salariés sont davantage acteurs de la constitution de leur épargne. Jusqu’ici, les avoirs étaient souvent pour moitié placés sur le fonds monétaire alors que l’horizon d’investissement était à long terme. Cela a peu de sens.

Avant même la loi Macron, nous avions d’ailleurs mis en place, avec l’aide de notre gestionnaire Amundi, des séances d’information pour sensibiliser nos salariés à l’importance du choix des supports financiers [lire Entreprise & Carrières n° 1265]. Ces réunions ont été très bien accueillies. Il sera intéressant de suivre les éventuels changements de comportement dans la gestion des avoirs et l’évolution de la gestion pilotée.

C’est aujourd’hui une volonté des entreprises de mettre en place des dispositifs performants sur la durée, qui viendront compenser une partie de la baisse des régimes par répartition. Nous sommes donc tout à fait en phase avec les évolutions apportées à l’épargne salariale à travers la loi Macron.

L’épargne salariale : un bas de laine de 117,5 milliards d’euros

• Selon le bilan de l’épargne salariale de l’Association française de la gestion financière (AFG) publié le 21 mars, l’épargne salariale atteint 117,5 milliards d’euros d’encours au 31 décembre 2015, en hausse de 7 % sur un an. Une progression d’abord due à la bonne tenue des marchés financiers, car, si les versements sur les dispositifs d’épargne salariale se sont élevés à 12,5 milliards d’euros, les rachats atteignent, eux, 12,9 milliards d’euros (+ 7,5 %).

• Le nombre de comptes de porteurs d’épargne reste stable à plus de 10,5 millions. Mais l’AFG dénombre à présent près de 300 000 entreprises équipées d’un plan d’épargne salariale, soit une progression de 4 % par rapport à 2014 ; 292 000 d’entre elles comptent moins de 250 salariés souscripteurs.

• Les encours des seuls Perco ont bondi de 18 % et s’élèvent désormais à 12,2 milliards d’euros, soit environ 10,4 % de la cagnotte globale. Une croissance qui s’explique cette fois, dixit l’AFG, par le « très bon niveau des souscriptions nettes » – 1,5 milliard d’euros (+ 14 %) –, la collecte brute ayant dépassé pour la première fois 2 milliards d’euros.

• 203 000 entreprises sont équipées d’un Perco, le nombre de porteurs avoisinant 2 millions, dont un quart sont en gestion pilotée, précise Jean-Marc Fournié, responsable de l’épargne entreprise à l’Association française de la gestion financière.

11 900 euros en moyenne par salarié

En cette année de transition pour l’épargne salariale, l’Autorité des marchés financiers (AMF) y est aussi allée de son enquête*, publiée le 2 mai, sur les connaissances et comportements des salariés hexagonaux en matière d’épargne salariale.

• Elle indique que les 26 % des sondés possédant au moins un dispositif d’épargne salariale y détiennent en moyenne 11 900 euros, avec cependant de très fortes inégalités, puisque les montants s’élèvent à moins de 3 900 euros pour la moitié des détenteurs. Seuls 20 % déclarent des sommes de plus de 15 000 euros.

• Le profil des épargnants est majoritairement masculin (59 %) et salarié de grandes entreprises, remarque l’AMF : le taux de détention d’épargne salariale est de 48 % dans les entreprises de plus de 500 salariés (dont 21 % de Perco), et tombe à 10 % dans celles de moins de 10 de salariés (dont 3 % de Perco).

• 78 % des détenteurs ont effectué au moins un versement – provenant essentiellement de la participation ou de l’intéressement (voir graphique 1) – sur un dispositif d’épargne salariale au cours des douze derniers mois.

• Mais leur niveau d’information laisse à désirer : moins d’un détenteur sur deux se considère capable de modifier lui-même ses placements (voir graphique 2), les salariés s’estimant surtout informés des cas de déblocage anticipé (voir graphique 3).

(1) Droit accordé à titre temporaire jusqu’au 31 décembre 2017, le salarié devant se déclarer dans les trois mois qui suivent la notification de l’affectation par défaut.

(2) Plan d’épargne en actions destiné au financement des PME et ETI.

(3) “Comment introduire les investissements PME et la gestion pilotée dans les Perco” www.epspartenaires.com (rubrique “Cogitations”).

*Étude menée par TNS Sofres auprès de 1 868 Français actifs salariés du 30 novembre 2015 au 11 janvier 2016.

Auteur

  • H. T.