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Un tiers des entreprises éprouve encore des difficultés liées à la réforme

La semaine | publié le : 21.06.2016 | Laurent Gérard

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Un tiers des entreprises éprouve encore des difficultés liées à la réforme

Crédit photo Laurent Gérard

Deux ans après la réforme, de nombreux responsables formation expriment toujours des avis négatifs sur ses effets dans leur entreprise, selon une étude Cimes.

Baisse de budget, manque de temps, faible confiance dans les effets bénéfiques du compte personnel de formation (CPF) et de l’entretien professionnel (EP)… : ce sont les constats et avis exprimés par un tiers des responsables formation (RF) d’entreprises, après deux ans de réforme.

Ces opinions sont mises en lumière par la dernière étude produite par Cimes (société d’externalisation de la gestion de la formation) et administrée par 4Ventsgroup, rendue publique le 14 juin. Elle confirme à nouveau que la réforme de la formation professionnelle n’est pas un long fleuve tranquille, pour de nombreux responsables formation et entreprises. Comme l’ont fait toutes les études qui se sont succédé depuis deux ans. Et ce tiers en difficulté ne tend pas à se résorber.

L’étude Cimes a la particularité d’avoir interrogé 962 personnes en mai dernier : des RF, mais aussi des RH, non RF et des salariés non RH souvent cadres ou directeurs ; et plusieurs constats de difficultés convergent.

Des doutes sur le compte personnel de formation et l’entretien professionnel.

Il y a aussi des avis positifs : un tiers des responsables formation voient dans ces deux créations un « moyen de mieux répondre aux attentes de chacun en matière de formation », et un tiers une opportunité « d’augmenter l’employabilité des salariés ».

Mais un quart des RF déclare s’attendre à « une baisse du nombre de formations cofinancées par l’entreprise », et un autre tiers estime que CPF et EP « ne vont rien changer ».

Ce dernier avis est d’ailleurs également partagé par les témoignants d’entreprises de moins de 500 salariés, comme par ceux de plus de 3 000. Le relatif pessimisme sur l’impact de ces deux mesures n’est donc pas l’apanage des petites structures.

L’entretien professionnel n’est pas réalisé dans la moitié des cas.

Sur le cas particulier de l’EP, une petite moitié (44 %) des RF se réjouit en pensant qu’il va « renforcer le rôle central de la formation dans le développement des RH », mais seuls 17 % d’entre eux le voient comme un outil permettant « de mieux former les personnes jusque-là moins bénéficiaires du plan de formation ».

Ce rôle risque en effet d’être difficile à jouer car, comme le constate l’étude Cimes, la moitié des personnes interrogées n’avaient pas, en mai dernier, bénéficié de l’EP, dont 55 % des salariés non RH et même 30 % des RF ! Là encore, la proximité de réponse entre PME de moins de 500 salariés et groupe de plus de 3 000 personnes est troublante (51 % et 48 %). Les secteurs de la santé et de la pharmacie (66 % de non-réalisé) et des loisirs et produits de grande consommation (55 %) seraient les plus en retard.

Bertrand Milas, directeur commercial de Cimes, commente néanmoins ce 50 % en faisant la différence entre « perception et réalité, car il est possible en effet que nombre de salariés aient eu leur EP mais sans vraiment le savoir. Les logiciels RH affichent l’EP comme un onglet supplémentaire dans l’entretien annuel de performance. Et, dans toutes les grandes entreprises, cet onglet est rempli. Mais l’entreprise a-t-elle valorisé suffisamment le rôle de l’EP en interne ? Ou s’est-elle juste mise en adéquation juridique a minima avec ce dispositif ? ». Vu ce que les promoteurs de l’EP espéraient voir se nouer à cette occasion – un échange nouveau et riche entre salariés et employeur –, le fait que des salariés n’aient pas eu conscience de la tenue de ce rendez-vous serait préoccupant.

Une baisse de budget dans un tiers des cas depuis 2014.

Depuis 2014, les moyens de la fonction formation ont baissé pour 31 % des RF. Mais 50 % déclarent qu’ils sont restés majoritairement stables et 19 % d’entre eux notent même une hausse de leur budget.

Une lecture plus fine montre que les entreprises de taille intermédiaire, comptant entre 1 000 et 3 000 salariés, témoignent le plus souvent d’une baisse : dans 29 % des cas, soit quasiment 10 points de plus que pour toutes les réponses cumulées (20 %). En termes de secteur d’activité, les services et conseils affichent une baisse dans 35 % des cas.

La perte de l’obligation légale et de la mutualisation qui en résultait entre entreprises de même taille intermédiaire(1) est une explication. Cimes y ajoute une analyse complémentaire : nombre de ces entreprises de 1 000-3 000 salariés sont des filiales de groupes étrangers, notamment américains, qui sont passés directement de 1,6 % à, strictement, 1 % d’obligation légale.

Une prochaine baisse de budget est attendue dans le quart des groupes de plus de 3 000 salariés.

22 % des entreprises de plus de 3 000 salariés annoncent d’ores et déjà une prochaine baisse « à moyen terme » de leur budget de formation, contre seulement 14 % des PME de moins de 500 salariés. Rationalisation des dépenses et digitalisation pédagogique maximale sont très fortement intégrées aujourd’hui dans ces grandes entreprises et s’expriment dans ces chiffres.

La même proportion (23 %) de RF (toutes tailles d’entreprises confondues) prévoit également une diminution prochaine, mais la moitié annonce quand même une stabilisation de la dépense et 14 % s’attendent à une augmentation. Et, par secteur d’activité, c’est encore dans la branche services et conseils que les prévisions de baisse sont les plus fortes : 21 %.

Conséquence directe de ces réductions : « Le budget d’achat pédagogique n’est pas suffisant pour répondre aux besoins des managers et collaborateurs », pensent 32 % de l’ensemble des répondants en mai 2016, alors qu’ils n’étaient que 23 % en 2014 (date de la précédente étude Cimes). Cette question des moyens n’est pourtant perçue que comme la deuxième « entrave nuisant à la bonne application de la politique formation dans l’entreprise » : la première est le manque de temps.

Les RF et RH manquent de temps.

« L’insuffisance de temps des équipes RH pour réaliser qualitativement leurs missions liées à la formation » est le principal obstacle pointé par tous les répondants confondus. Et cet avis a explosé entre 2014 et 2016, passant de 29 % à 41 %.

« Plus 11 points sur l’item temps, c’est vraiment important !, analyse Frank Morcant, Pdg de Cimes. Et ce constat est porté par l’ensemble des segments. On perçoit chez les RF et RH une certaine frustration quant à leur capacité à assurer leur mission de formation. Cela est d’autant plus fort dans les structures de 500 à 1 000 personnes, là où le RH est généraliste. »

Au final, conclut Bertrand Milas, « 70 % des responsables formation estiment que la réforme n’a rien changé à leur quotidien : ils ne remplissent plus de déclaration fiscale 2483, mais la lourdeur du reporting s’est accentuée, et 45 % d’entre eux soulignent encore l’importance du respect des obligations légales actuelles ».

Quelle serait alors la solution pour 64 % des RF ? « Les dispositifs post-formation » d’accompagnement par le manager et d’échanges entre pairs. « La demande est unanime, mais elle n’est pas vraiment définie ni normée, commente Bertrand Milas. Elle pourrait tendre vers la communauté apprenante, mais sans s’imposer. »

(1) Analyses Dares n° 007, janvier 2014, www.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2014-007.pdf

Auteur

  • Laurent Gérard