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Espagne : Telefónica invente ses préretraites

Sur le terrain | International | publié le : 14.06.2016 | Valérie Demon

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Espagne : Telefónica invente ses préretraites

Crédit photo Valérie Demon

L’opérateur de télécoms a négocié un plan de départs anticipés en utilisant un article du Statut des travailleurs sur la suspension de contrat, ordinairement destiné aux congés maternité : une forme inhabituelle de préretraite, en plus généreux.

Ni licenciements, ni ruptures : pour alléger sa masse salariale, le géant espagnol des télécommunications Telefónica a lancé un plan de “suspension individuelle de contrats “(PSI). Inclus dans le nouvel accord collectif de l’entreprise, entré en vigueur début 2016, ce dispositif permet aux salariés de plus de 53 ans, avec un minimum de quinze ans d’ancienneté, de ne plus travailler dans l’entreprise tout en gardant des liens solides. 68 % de leur salaire est maintenu jusqu’à l’âge légal de la retraite (65 ans) tandis que les avantages sociaux comme l’assurance médicale sont pris en charge par l’entreprise. Un dispositif qui diffère des préretraites souvent mises en œuvre par le groupe ces dernières années. Techniquement, le salarié avance à la sécurité sociale les cotisations, que Telefónica lui rembourse ensuite.

« Telefónica a appliqué un article du Statut des travailleurs peu utilisé sur la suspension de contrats, qui concerne d’habitude les congés maternité, par exemple, explique Alberto Salas, secrétaire de l’organisation et de la communication du secteur Télécommunications du syndicat Commissions ouvrières. Si davantage d’entreprises l’utilisaient, ce serait positif. » Ce syndicaliste y voit plusieurs avantages : les départs sont volontaires, le plan concerne tout type de poste et il ne suppose aucun coût pour les caisses publiques.

Possible retour

Autre originalité de ce plan : le travailleur peut revenir au bout de trois ans dans l’entreprise ou décider de travailler ailleurs, sauf chez les concurrents. Mais Alberto Salas reconnaît que « le retour dans Telefónica n’est pas l’objectif de l’entreprise », qui a provisionné 2,9 milliards d’euros pour ce plan sur 2016 et 2017. Les travailleurs peuvent se manifester au cours des premiers trimestres de 2016 et 2017 s’ils atteignent leurs 53 ans durant cette période. Selon des chiffres non confirmés par Telefónica mais publiées par la presse économique, 3 600 salariés auraient déjà adhéré à ce plan durant les trois premiers mois de 2016.

L’effectif actuel de Telefónica est à 28 000, contre 60 000 en 1998. « Depuis la libéralisation totale du secteur, qui a commencé en 1998, l’entreprise, comme la concurrence, a diminué ses effectifs », rappelle Alberto Salas. L’opérateur a connu trois plans de licenciements collectifs, en 1999, entre 2003 et 2007 et entre 2011 et 2013. Au total, plus de 32 000 salariés en moins et à peine 3 000 créations d’emplois. « Telefónica a toujours pris soin de se mettre d’accord avec les syndicats pour que ces licenciements soient le moins traumatisants possible », assure le syndicaliste. Cette fois-ci, l’entreprise de télécommunications ne souhaite pas forcément remplacer ces départs ni les compenser, mais plutôt renforcer la digitalisation de ses services. Tout au plus 200 emplois supplémentaires sont prévus entre 2016 et 2017.

« Telefónica vise les 8 000 suspensions de contrats entre 2016 et 2017 », assure Juan, qui fait partie des candidats au départ. Employé depuis plus de quinze ans, Juan ne songeait pas à quitter l’entreprise aussi tôt. « À 53 ans, je me sens encore pleinement capable d’assurer mon poste », assure-t-il. Ce salarié souhaiterait que le départ “volontaire” le soit réellement. « Bien sûr, il y a des collègues qui se réjouissent de ce plan, qu’ils attendaient même, mais pour ma part, je serais bien resté », regrette-t-il. Aucune pression officielle, mais “plutôt des conversations informelles”, auraient modifié le choix de ce salarié. « On m’a fait comprendre qu’il me serait peut-être difficile d’obtenir des promotions si je restais », dit-il. Certains de ses compagnons ont vu leur télétravail supprimé ces dernières semaines. « Oui, c’est vrai, nous avons détecté une suppression du télétravail dans certaines régions et départements mais cela a concerné autant des possibles candidats au départ que des salariés de moins de 53 ans. Nous restons vigilants sur le caractère volontaire de ces départs », réplique Alberto Salas.

Dans les médias

EXPANSION. Il faudra « gagner son travail »

« Le travail fixe et sûr est un concept du XIXe siècle », a assuré il y a peu Juan Rosell, le président de la Confédération espagnole des organisations d’entreprises (équivalent espagnol du Medef). Dans le futur, « il faudra gagner son travail tous les jours », a-t-il poursuivi. Quelques jours plus tard, le président de Randstad Espagne affirmait que la sécurité de l’emploi dépendait « beaucoup plus du niveau de formation » que du type de contrat. De la formation dépend la stabilité de l’emploi. 17 mai 2016. Expansión, quotidien économique.

CINCO DIAS. Plébiscite des employeurs pour une réforme

Selon le baromètre 2016 réalisé par plusieurs associations de chefs d’entreprises et concernant 265 employeurs, la réforme du marché du travail a été la mesure la plus importante et la plus appréciée par ces responsables. Cette réforme, entrée en vigueur en février 2012 et mise en place par le gouvernement de droite de Mariano Rajoy, flexibilisait entre autres les conditions de licenciement. 26 mai 2016. Cinco Días, quotidien économique.

Auteur

  • Valérie Demon