Aborder l’entreprise par le langage est inhabituel. Selon une terminologie marxiste qui a le mérite de clarifier les concepts, cela revient à aborder l’infrastructure économique par la superstructure symbolique. Si les aspects symboliques et narratifs ont certainement toujours été importants pour le maintien de l’ordre économique et social, à l’ère du numérique, la dématérialisation d’une bonne partie du champ économique rend plus que jamais pertinente cette approche originale. Le capitalisme perdure, voire se développe, mais au prix d’un renversement des valeurs. L’accumulation n’est plus matérielle mais virtuelle : l’avenir est aux big data.

Cependant, dans cette création de valeur à partir de l’information, l’incohérence menace l’entreprise. À force de se payer de formules toutes faites, d’un langage bâclé, sans nuances, sans articulations et sans temporalité, elle laisse s’éroder sa capacité signifiante. Et ce d’autant plus que tout le monde s’y exprime en tous sens, que les communications interne et externe se recouvrent, bref, que la parole circule en dépit du bon sens. Dans cette conjoncture volatile, l’auteure, créatrice d’un bureau de style en langage, plaide pour que cette cohérence soit reprise en main par les directions. Comme celles-ci imposent une charte graphique, par exemple, elles ont aujourd’hui, selon l’auteure, la responsabilité de fonder une identité sémantique à partir d’un langage qui se réapproprie toute la complexité de la langue. Sa “richesse” comme on dit parfois.