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Sondage : Les réformes sociales en pratique : le point de vue des DRH

L’enquête | publié le : 14.06.2016 | E. F.

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Sondage : Les réformes sociales en pratique : le point de vue des DRH

Crédit photo E. F.

En charge de la mise en œuvre effective des réformes sociales, les DRH prennent acte des baisses de charges décidées par le gouvernement, se mettent en conformité sur la pénibilité et sur l’entretien professionnel, plafonnent sur le déploiement du rapport de situation comparée hommes-femmes et maintiennent leur budget formation. Ils plébiscitent plus que jamais les ruptures conventionnelles, affichent leur préférence pour les préretraites et ne bougent pas sur l’alternance. La loi de sécurisation de l’emploi les laisse toujours perplexes.

Les baisses de charges se font davantage sentir

Les baisses de charges décidées par le gouvernement dans le cadre du pacte de responsabilité sont constatées par 44 % des DRH.

C’est 10 points de plus que l’année dernière, mais « la perception qu’en ont les DRH peut être encore en dessous de la réalité : le CICE peut compter pour une part importante des résultats de certaines entreprises », note Luc Vidal, directeur général adjoint du groupe Obea en charge du pôle opinion Inergie. « Les charges patronales ont effectivement baissé depuis trois ou quatre ans, mais elles avaient atteint des sommets ; elles reviennent aujourd’hui à un niveau raisonnable », déclare Jean-Paul Charlez, président de l’ANDRH et DGRH d’Etam. Ce qui expliquerait qu’une majorité de DRH ne perçoivent pas ces allégements comme tels.

Comme l’année dernière, pour les DRH ayant constaté une baisse de charges, les “économies” ainsi réalisées serviront d’abord à l’investissement (selon 55 % des DRH), à créer des emplois (22 %), à augmenter les marges (19 %) et, dans une moindre mesure, à baisser le prix des produits (11 %) et à augmenter les rémunérations (8 %).

Pénibilité : les entreprises se mettent en conformité

Après la polémique suscitée l’année dernière par la mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P), les entreprises semblent être passées à la phase de déploiement de cette nouvelle obligation. En effet, 34 % des DRH interrogés par Inergie pour Défis RH 2016 se déclarent prêts à mettre en place le C3P. C’est 11 points de mieux que l’année dernière, période il est vrai assez confuse où tous les acteurs attendaient que le gouvernement supprime la fiche individuelle de prévention. « Les DRH ont eu un peu de temps pour s’habituer et se préparer au C3P, et la possibilité de s’appuyer sur des référentiels de branche leur a donné un peu d’oxygène », explique Jean-Paul Charlez, président de l’ANDRH et DGRH d’Etam ; 69 % se disent intéressés par ces référentiels.

L’autre obligation – celle de négocier – est également en train d’entrer en application. Parmi les entreprises qui y sont soumises (+ 50 salariés), un quart déclare avoir signé un accord (stable par rapport à 2015) et 42 % avoir mis en place un plan d’action (+ 8 points). Parmi les entreprises qui ne sont pas soumises à l’obligation de négocier, 31 % déclarent qu’elles bénéficient d’un accord de branche, contre 22 % l’année dernière.

La rupture conventionnelle définitivement entrée dans les mœurs

Huit ans après la création de la rupture conventionnelle, celle-ci est devenue une pratique courante et bien installée pour les DRH : 85 % déclarent y avoir recours (+ 6 points par rapport à 2015), selon notre sondage Défis RH 2016. Selon les statistiques nationales, 358 000 ruptures conventionnelles ont été homologuées en 2015 ; 25 000 de plus que l’année précédente. « C’est d’autant plus remarquable que les ruptures se négocient alors que le lien de subordination existe toujours, ce qui est une vraie “révolution” dans le droit du travail », souligne Jean-Paul Charlez, président de l’ANDRH et DGRH d’Etam. Selon 89 % des DRH, la rupture procède de la volonté du salarié ou des deux parties. Seuls 11 % admettent qu’elle est à l’initiative de la direction. La “popularité” de la rupture conventionnelle est d’autant plus intéressante que ses conditions ont été durcies par le gouvernement, tant pour les entreprises que pour les salariés. « Le gouvernement taxe les ruptures conventionnelles, c’est la rançon de son succès, mais, jusqu’à un certain niveau d’indemnité de rupture, cette taxation n’est pas rédhibitoire », constate Jean-Paul Charlez.

Les DRH interrogés par Inergie déclarent par ailleurs que l’allongement du délai de carence en cas de rupture conventionnelle n’a pas eu d’impact sur leur nombre. Conclusion du président de l’ANDRH : « La rupture conventionnelle est plébiscitée par les salariés autant que par les DRH.

Entretien professionnel : les entreprises sont prêtes

Deux ans après la loi sur la formation professionnelle de mars 2014 instaurant l’obligation d’un entretien professionnel tous les deux ans, 84 % des DRH se déclarent prêts pour la mise en place de ce dispositif. C’est 20 points de plus que lors de notre précédent baromètre Défis RH. Cette nouvelle obligation, assortie d’une sanction (crédit d’heures sur le CPF), a donc été rapidement intégrée par les entreprises.

Presque la moitié des DRH déclarent que tous leurs salariés bénéficieront d’un entretien professionnel dès cette année.

Réforme de la formation : les PME maintiennent leur budget

Les entreprises n’ont, dans leur grande majorité, pas profité de la suppression du 0,9 % formation en 2015 pour faire des économies sur ce poste. Selon notre baromètre Défis RH 2016, 78 % des entreprises ont maintenu leur budget ou l’ont augmenté (respectivement 63 % et 15 %) ; 21 % l’ont réduit. « Cela ne m’étonne pas, déclare Jean-Paul Charlez, président de l’ANDRH et DGRH d’Etam. La plupart des entreprises géraient leur budget formation sans se préoccuper de l’obligation légale de financement : la formation sert à maintenir et à développer l’employabilité des salariés, c’est une nécessité plus qu’une obligation. »

Dans le détail, on constate que ce sont les grandes entreprises de plus de 2 000 salariés qui ont été les plus nombreuses à réduire leur budget formation (31 %). Vraisemblablement parce que ces dernières peuvent davantage mobiliser des leviers de rationalisation, notamment la digitalisation.

Des versements de fonds libres à l’Opca ont été effectués par 39 % des entreprises interrogées ; 56 % n’ont rien fait. Parmi ces dernières, quasiment aucune (93 %) n’envisage de le faire l’année prochaine, et aucune parmi les entreprises employant plus de 2 000 salariés. L’idée de lisser ses budgets formation ou de bénéficier d’une priorité compte personnel de formation (CPF) en contrepartie d’un versement libre ne séduit donc pas beaucoup.

Jean-Paul Charlez reste très critique sur la réforme de la formation : « Aujourd’hui, les entreprises versent 1 % à leur Opca et n’en ont pas le contrôle, tandis que, d’un autre côté, les salariés ne se saisissent que très modérément du CPF. »

Égalité professionnelle : le déploiement des RSC plafonne

Le déploiement du rapport de situation comparée (RSC) semble être parvenu à un plafond. Cette obligation ancienne, centrale pour la lutte contre les discriminations, est en place ou en cours de rédaction dans 7 entreprises sur 10, la même proportion que lors des deux précédentes éditions de Défis RH.

La loi du 4 août 2014, qui notamment interdit l’accès aux marchés publics aux entreprises ne respectant pas leurs obligations en matière d’égalité professionnelle, ne semble pas avoir produit d’effets mesurables sur le déploiement des RSC.

Les actions mises en place par les entreprises portent, comme l’année dernière, sur l’équité salariale (selon 58 % des répondants), l’équilibre des temps de vie (46 %), le recrutement (42 %), la mixité (37 %) la promotion de l’encadrement féminin (25 %) et la lutte contre les stéréotypes (17 %).

La loi de sécurisation de l’emploi laisse toujours les DRH perplexes

Votée en 2013, la loi de sécurisation de l’emploi convainc toujours moins d’un tiers des DRH. Selon notre baromètre Défis RH, seuls 29 % des DRH estiment que la mise en œuvre des PSE en est simplifiée ; 49 % pensent le contraire et 22 % n’ont pas d’avis.

L’idée du législateur était d’alléger le contrôle des PSE par la Direccte en cas d’accord avec les syndicats, et de raccourcir les délais d’information-consultation. « Même si le calendrier de déploiement des PSE reste trop long, la loi a tout de même permis de simplifier leur réalisation », estime Jean-Paul Charlez, président de l’ANDRH et DGRH d’Etam, qui souligne le succès des PSE négociés.

Par ailleurs, 33 % des DRH considèrent que la loi de sécurisation peut leur permettre de maintenir des emplois en cas de difficultés conjoncturelles. C’est 10 points de plus que l’année dernière et cela paraît très optimiste. Car les accords de maintien dans l’emploi, créés par cette loi, n’ont obtenu aucun succès. Jean-Paul Charlez explique en effet que « les DRH ne veulent pas en signer parce qu’ils risquent de devoir licencier davantage de salariés que le nombre de postes initialement prévus en raison de refus de modification des contrats de travail. » Il est donc vraisemblable que les DRH ont plutôt voulu souligner l’intérêt des accords de compétitivité – non prévus dans la loi de sécurisation –, qui sont plus nombreux et dont l’enjeu est effectivement de maintenir des emplois – mais sans engagement – en échange, par exemple, d’une modération salariale.

Perco : la baisse de charges laisse les DRH de marbre

Lors de la précédente édition de Défis RH, nous constations que le relèvement, en 2012, du forfait social de 8 % à 20 % sur l’intéressement et la participation n’avait pas fait bouger les entreprises. Mais la réduction du forfait social appliqué au Perco – de 20 % à 16 % depuis la loi Macron de 2015 – ne se traduit pas non plus par des changements notables.

Seuls 18 % des DRH interrogés dans le cadre de Défis RH 2016 disent avoir adapté leur Perco à cette baisse de charges. Une majorité déclare ne pas être concernée par le sujet et 31 % n’ont rien changé.

Alternance : rien ne bouge

Les bonnes intentions affichées par les DRH vis-à-vis de l’alternance dans la précédente édition de Défis RH ne se sont pas concrétisées : la part que représentent les alternants dans leurs effectifs (3,4 %) est stable par rapport à 2015. Dans le détail, la part des entreprises employant 5 % d’alternants ou plus reste la même que l’année dernière (30 %). La proportion d’entreprises employant entre 1 % et 4 % d’alternants reste stable elle aussi (33 %), de même la part de celles n’en employant aucun (20 %). Malgré le relèvement du quota de 4 % à 5 % début 2015, rien n’a bougé. En attendant les effets du plan de relance de l’apprentissage du gouvernement ? Pas sûr : une majorité de DRH (56 %) n’a pas prévu d’augmenter la proportion d’alternants dans ses effectifs au cours des mois à venir. Entre 2013 et 2014, le nombre de nouveaux contrats d’apprentissage a baissé de 3 % à 274 000, selon la Dares.

Télétravail : moins souvent mais pour plus de salariés

Les directions seraient-elles devenues moins généreuses ? Les syndicats plus réticents ? Selon l’édition 2016 de notre enquête Défis RH, le nombre de jours hebdomadaires passés en télétravail a baissé : 61 % des DRH ayant signé un accord déclarent que leurs salariés bénéficient d’un seul jour de télétravail, contre 36 % en 2015. Sur la même période, le télétravail sur deux jours est passé de 45 % à 25 %. « Les accords de télétravail signés en 2014 et 2015 ont été moins généreux que ceux des périodes précédentes », confirme Yves Lasfargue, directeur de l’Observatoire des conditions de travail et de l’ergostressie (Obergo), qui réalise chaque année un sondage sur le télétravail. « Mais, dans le même temps, la part des effectifs concernés par le télétravail a beaucoup progressé dans les entreprises qui ont signé un accord », indique Luc Vidal, directeur général adjoint du groupe Obea en charge du pôle opinion Inergie. : 37 % en 2016 contre 14 % en 2014. Le télétravail se serait à la fois démocratisé et raréfié.

Le nombre d’accords de télétravail reste le même que l’année dernière : une quarantaine (17 % des entreprises interrogées). Le télétravail est encadré par une loi depuis 2012 ; la future loi travail prévoit un droit à la déconnexion.

Seniors : les préretraites sont toujours l’outil préféré des entreprises

Malgré le renchérissement du coût des préretraites d’entreprise, ces dispositifs continuent d’être utilisés par 16 % des entreprises interrogées dans le cadre de Défis RH 2016. « Les préretraites d’entreprise coûtent cher mais elles ont déjà été provisionnées, explique Jean-Paul Charlez, président de l’ANDRH et DGRH d’Etam. Il s’agit sans doute de dispositifs relativement anciens. » Il est en effet peu vraisemblable que les entreprises continuent d’en créer ; ils devraient donc s’éteindre progressivement. Au total, 46 % des entreprises recourent aux départs anticipés tous dispositifs confondus, qu’il s’agisse de préretraites d’entreprise, de dispositifs publics (cessation anticipée d’activité, carrière longue…) pourtant quasiment supprimés, ou de retraites progressives dont le temps partiel est compensé. Les aménagements du travail (télétravail, changement de poste…) sont moins utilisés (43 % des entreprises). Majoritairement, les entreprises continuent donc à financer l’inactivité des seniors.

Entre fin 2012 et 2015, le taux de chômage des 55-64 ans est resté stable à 7,4 %, selon la Dares.

Auteur

  • E. F.