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Les ambivalences du numérique

La semaine | publié le : 14.06.2016 | Hélène Truffaut

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Les ambivalences du numérique

Crédit photo Hélène Truffaut

Dans le cadre de la Semaine pour la qualité de vie au travail, organisée du 13 au 17 juin sur le thème “Mieux travailler à l’ère du numérique”, l’Anact a sondé salariés et chefs d’entreprise sur leur perception des transformations à l’œuvre dans les organisations.

Globalement, le numérique a bonne presse auprès des salariés et des chefs d’entreprise. Du moins, si l’on en croit l’enquête* menée par TNS Sofres pour l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). Mais si le sujet s’invite aujourd’hui en tant que tel dans les discussions sur la qualité de vie au travail (QVT), c’est bien parce que l’ambivalence de ses effets – plus ou moins bien appréhendés par les salariés eux-mêmes – incite à la vigilance, estime l’Anact. Elle chausse à présent ses “lunettes numériques” pour aborder les problématiques de transformation des organisations.

À la fois maître et esclave.

Car, au-delà des écrans, les nouvelles technologies s’immiscent partout. Et modifient le travail : « Lorsqu’un fabricant de portes industrielles place sur ses produits des capteurs qui génèrent un ordre de maintenance en cas de panne, le salarié concerné doit-il intervenir immédiatement, ou cela lui donne-t-il la possibilité de gérer ses priorités ? » illustre Hervé Lanouzière, directeur général de l’Anact. « Avec le numérique, on est à la fois maître et esclave, et la perception des risques associés à des mauvais usages n’est pas aussi franche qu’on pourrait le penser », souligne Olivier Mériaux, directeur général adjoint et directeur scientifique et technique de l’agence.

La matière est complexe, mais ses potentialités séduisantes. De fait, la majorité des salariés interrogés (60 %) voient dans le terme “numérique” quelque chose de positif pour leur travail ; les chefs d’entreprise étant encore plus enthousiastes, avec 88 % de bonnes opinions. Le digital est ainsi perçu comme une opportunité pour 57 % des salariés et 72 % des patrons qui, dans l’ensemble, désignent la simplification et la souplesse au premier rang des bénéfices.

D’ailleurs, la plupart des salariés (86 %) et des employeurs (93 %) s’estiment à l’aise avec ces technologies, qui leur apparaissent plutôt bien implantées dans les entreprises – même si un salarié sur trois juge son entreprise en retard dans ce domaine. Un sentiment de familiarité avec le numérique qui, analyse l’Anact, favorise l’optimisme à l’égard de ses conséquences, tant pour l’avenir de l’entreprise (un ressenti partagé par 73 % des salariés et 93 % des chefs d’entreprise), que pour celui des collaborateurs (67 % des salariés, 88 % des patrons).

Perception positive.

Grand paradoxe de cette enquête : alors que les effets néfastes de la digitalisation (intensification et fragmentation du travail, exigence de disponibilité, etc.) sont régulièrement dénoncés et qu’un droit à la déconnexion est inscrit dans le projet de loi El Khomri, les sondés – notamment les CSP + et les managers – évaluent positivement l’usage des technologies numériques sur la qualité de vie au travail, un avis émis par 85 % des salariés et 90 % des chefs d’entreprise !

Les salariés sont en revanche partagés entre un effet neutre ou positif sur l’efficacité de l’organisation, l’esprit d’innovation, la performance de l’entreprise, ainsi que sur la qualité du travail et celle du service client. Les opinions sont plus mitigées encore sur la coopération : si 35 % des salariés estiment qu’elle s’est améliorée, 20 % constatent une dégradation. Du reste, seuls 27 % des collaborateurs interrogés – contre 47 % des chefs d’entreprise – pensent que les troupes ont davantage de possibilité de donner leur avis sur le management et de participer aux prises de décisions.

Résultats en demi-teinte également concernant la communication et le partage de l’information, 41 % des salariés constatant une optimisation, mais 21 % une dégradation. En outre, « les salariés soulignent une relative mise à mal du dialogue social engendrée par le développement du numérique », souvent perçu comme source de déstabilisation des collectifs de travail, observe l’Anact.

Effets négatifs.

L’ambivalence entre amélioration et dégradation, avec une majorité d’avis neutres, se retrouve également dans les différentes composantes de la QVT (voir l’infographie ci-contre). Ainsi, trois salariés sur cinq considèrent que la capacité de concentration, l’ambiance dans l’équipe, l’équilibre vie privée-vie professionnelle et les horaires de travail ne sont pas impactés par le numérique, tandis qu’un sur cinq souligne d’un côté l’amélioration induite, de l’autre la dégradation. Près d’un salarié sur trois, tout de même, pointe les effets négatifs sur la charge de travail, la pression et le stress.

D’où l’importance de rester en veille sur les usages, estime Hervé Lanouzière : « Les salariés doivent pouvoir s’exprimer sur le sujet. Car la réalité a rattrapé le droit et nous sommes un peu démunis face aux évolutions. Qu’est-ce qui fait, par exemple, qu’un collaborateur se sent autorisé ou pas à travailler le week-end ? On parle de droit à la déconnexion, ne pourrait-on pas envisager une “liberté de connexion”, sans que le salarié y perçoive une obligation ? Le Code du travail ne répond pas à toutes ces interrogations. À nous d’être innovants ! »

Les pistes d’amélioration

Interrogés sur ce qui pourrait les aider à mieux travailler à l’ère du digital, les salariés misent à 40 % sur les formations spécifiques au numérique et à 35 % sur le développement du dialogue social (participation aux décisions, sondages internes) ; 27 % préconisent d’imposer et de réglementer un droit à la déconnexion.

Avis partagés en partie par les employeurs, qui, à 38 %, jugent prioritaires les formations, à égalité avec le développement du dialogue social ; 32 % appellent à de nouveaux modes de management de proximité ; 26 % mentionnent le droit à la déconnexion.

* Enquête réalisée en ligne du 15 mars au 1er avril 2016 auprès d’un échantillon représentatif de 1 003 salariés de 18 ans et plus et de 205 chefs d’entreprise (ou DRH le cas échéant).

Auteur

  • Hélène Truffaut