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Protection sociale : Accords santé ce que les branches ont négocié

L’enquête | publié le : 07.06.2016 | Virginie Leblanc

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Protection sociale : Accords santé ce que les branches ont négocié

Crédit photo Virginie Leblanc

Six mois après le début de la généralisation de la complémentaire santé, les accords de branches commencent à se déployer. Les partenaires sociaux ont négocié des couvertures sensiblement supérieures au panier de soins de l’ANI et ont pris en compte certaines attentes spécifiques des salariés de leur branche.

Après un début chaotique dû à la publication tardive des décrets d’application de la loi relative à la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 rendant obligatoire la couverture santé pour tous les salariés, les branches professionnelles ont négocié en nombre, essentiellement en 2015 et particulièrement à l’automne. En avril 2016, 135 branches disposaient d’un accord collectif en santé. Sur l’année 2015, 46 accords ont été présentés à l’extension et analysés par la Comarep (Commission des accords de retraite et de prévoyance).

Et, « sur ces 46 accords, 96 % ont un niveau de garanties supérieur au minimum légal », rapporte Jean-Paul Lacam, délégué général du Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP). Il précise cependant que ce niveau “supérieur” est difficile à quantifier.

« Nous suivons de près ces accords, indique Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale de la CFDT. Nous regardons notamment quel est le degré de couverture au-delà du minimum légal et quelles sont les branches qui prévoient des garanties allant jusqu’aux maxima des contrats responsables, ainsi que les mesures de solidarité prévues. On constate que les branches ont finalement adopté des couvertures intermédiaires. »

Couvertures de “moyenne gamme”

Des « formules de moyenne gamme », confirme Christophe Scherrer, directeur général adjoint de Malakoff Médéric, institution de prévoyance recommandée par une quarantaine de branches l’an passé. « Les branches ont négocié une architecture ouverte de couvertures, détaille le responsable, avec une convention de base à caractère obligatoire et des options négociées avec les assureurs, qui peuvent être souscrites par les entreprises pour venir compléter les régimes conventionnels obligatoires, et des garanties optionnelles individuelles, les surcomplémentaires. » Deux tiers des accords disposent d’une ou plusieurs couvertures facultatives pour le salarié, indique Jean-Paul Lacam.

S’agissant de la participation employeur, on observe que « dans 90 % des accords, elle est égale à 50 %. Un accord sur dix est donc allé un peu plus loin, autour de 60 % de financement employeur », évalue le délégué général du CTIP.

Quant à la moyenne des cotisations, elle s’établissait à 34 euros, pour les accords avec recommandations étudiés début 2016 par la société de conseil Optimind Winter, avec, dans plus de 40 % des régimes, une cotisation inférieure à 30 euros. Jean-Paul Lacam avance de son côté une fourchette, pour les garanties de base, comprise entre 12 et 56 euros (sur les 46 accords étudiés par la Comarep). Par ailleurs, 72 % des accords ont prévu un taux de cotisation forfaitaire.

« En moyenne, dans les accords de branche que nous avons étudiés, on constate une évolution des garanties à la baisse par rapport à 2013, analyse Pierre-Alain Boscher, directeur métier-protection sociale à Optimind Winter. C’est la conséquence de la contrainte imposée du panier minimal obligatoire. Les branches s’en sont rapprochées alors qu’auparavant elles ne disposaient pas de cette référence. » Le contrat responsable est aussi venu diminuer la marge possible de remboursements. Résultat : les restes à charge se sont accrus sur plusieurs postes, selon une étude d’Optimind Winter : notamment pour les consultations de généralistes, pour l’hospitalisation, les prothèses dentaires et auditives, et pour les lunettes.

Des Variations d’une branche à l’autre

Si la plupart des accords de branches ont créé des paniers de soins supérieurs à l’ANI, les efforts réalisés varient d’une branche à l’autre et concernent généralement les dépassements d’honoraires sur les consultations, les postes dentaire ou optique, et les remboursements de médecines alternatives. « Peu de branches sont allées aux maxima du contrat responsable sur l’optique », observe Dominique Drouet, secrétaire confédérale de la CFDT. Ce qui semble logique, dans la mesure où les plafonds de remboursement avaient été augmentés lors du débat sur la loi.

Rappelons que de grandes branches ne disposent pas d’accord, comme celles de la métallurgie et du commerce de gros – qui ont labellisé des organismes assureurs –, mais aussi le textile et les branches du bâtiment. La chimie a institué une couverture minimale et choisi le référencement d’assureurs.

« Dans certaines branches, plutôt de petite taille, on observe des améliorations plus importantes que d’autres, que ce soit sur le niveau des garanties ou sur la structure de cotisation, signale Olivier Ferrère, directeur chez LPSB Conseil (La protection sociale de branche). De fait, chaque branche a eu tendance à améliorer les garanties en lien avec la spécificité de son métier. » La librairie a par exemple fait un effort sur l’optique et, du fait que la profession est fortement féminisée, sur le forfait maternité (lire p. 26).

Spécificité des métiers

La branche du négoce en fourniture dentaire s’est aussi distinguée avec des garanties plus avantageuses sur la partie dentaire. « Appartenant au secteur dentaire, nous avons privilégié ce poste en faisant un gros effort sur la prise en charge des implants », souligne Henri Rochet, président du Comident, association de professionnels regroupant les fabricants et distributeurs de produits et matériels pour les chirurgiens dentistes et les laboratoires de prothèses dentaires (420 entreprises, 3 500 salariés). De plus « les remboursements en optique vont jusqu’à 290 euros sur les verres très complexes, et une base de remboursement de 150 % a été retenue pour les honoraires médicaux, ce qui est plutôt correct par rapport aux autres branches », souligne Olivier Ferrère, qui a accompagné cette branche dans la construction de son régime. En outre, Comident a mis en place une cotisation “isolé/famille”, alors que la quasi-totalité des branches ont adopté une cotisation “salarié seul” : ainsi pour un salarié avec un conjoint (concubin, pacsé) et/ou un ou plusieurs enfants, la participation de 50 % de l’employeur s’élève à 56,32 euros en 2016, là où elle n’est que de 15 à 20 euros environ pour les autres branches, quelle que soit la situation de famille, détaille Olivier Ferrère.

Parmi les exceptions également, la branche des familles rurales a souhaité couvrir l’ensemble de la famille et a construit un régime “haut de gamme”, selon Yves Trupin, associé et directeur général du cabinet d’actuariat Actense, avec un coût attaché : 99,85 euros de cotisation pour toute la famille pour des garanties très supérieures au panier minimum (lire p. 24). Syntec-Cinov aussi a opté pour une couverture élargie aux enfants à charge, mais pas au conjoint (lire p. 22), et a également fait des efforts sur les garanties intéressant le plus les salariés (dentaire, optique, hospitalisation notamment).

Pierre-Alain Boscher, qui a accompagné le secteur de l’intérim, a dû prendre en compte les spécificités liées à cette activité. La construction du régime s’est avérée complexe, du fait que les intérimaires passent plus ou moins fréquemment d’une période d’activité à une période de non-activité et sont pour certains multi-employeurs. « L’accord de l’intérim est notable au regard de l’existence d’une clause d’ancienneté – interdite de façon générale – et d’un système de portabilité plus généreux que le dispositif légal » (lire p. 23). En outre, la branche s’est assuré les services d’un opérateur de gestion, Siaci Saint Honoré, et est une des rares à avoir doté son fonds d’action sociale d’une contribution de 3 % des cotisations, le minimum légal étant de 2 %.

« Parmi les tendances de fond, on observe également que les branches qui ont négocié sur les frais de santé ont très fréquemment sollicité des accompagnements extérieurs, plus que sur les sujets de prévoyance il y a quelques années, remarque Yves Trupin. Tant pour respecter la procédure à suivre que pour analyser les propositions des organismes assureurs. »

Beaucoup de branches ont aussi décidé d’être accompagnées pour le pilotage du régime. D’autant qu’une grande incertitude pèse sur la proportion d’entreprises qui rejoindront les organismes recommandés, et donc détermineront le niveau de mutualisation. « On a senti chez les plus petites branches une volonté d’aller vers la recommandation, comme une sorte de substitution à la désignation, pour ne pas laisser leurs adhérents seuls face à leur choix. Ce n’est pas illogique car c’est conforme au rôle de service aux adhérents des chambres patronales et des syndicats », relève Yves Trupin.

Auteur

  • Virginie Leblanc