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Chronique

La chronique juridique d’avosial

Chronique | publié le : 07.06.2016 | Frédéric Calinaud, Emma Castaingts

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La chronique juridique d’avosial

Crédit photo Frédéric Calinaud, Emma Castaingts

La difficile organisation de la visite médicale d’embauche

Par deux arrêts du 12 janvier 2016, la chambre criminelle de la Cour de cassation vient de poser le principe selon lequel l’employeur doit s’assurer de la tenue effective de la visite médicale d’embauche de ses salariés, sous peine de voir sa responsabilité pénale retenue. La cour fait de cette obligation une obligation de résultat, sans laisser la moindre marge de manœuvre aux entreprises, notamment eu égard aux contraintes imposées par leur activité.

Rappelons que l’article R. 4624-10, al. 1, du Code du travail prévoit que « le salarié bénéficie d’un examen médical avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai par le médecin du travail ». Se pose alors la question de savoir comment organiser une visite médicale en cas d’embauche de dernière minute sans période d’essai, ou pour des contrats de courte durée. Telle était l’une des problématiques dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts précités.

En effet, les sociétés en cause, exerçant une activité de prestations d’accueil téléphonique et de street marketing, avaient recours à de nombreux contrats de travail à durée déterminée (plusieurs centaines par mois), pour des durées allant de quelques heures à quelques mois seulement. Le défaut de tenue de visite médicale d’embauche étant sanctionné par une peine d’amende pouvant aller jusqu’à 1 500 euros pour les personnes physiques par infraction constatée (7 500 euros pour les personnes morales), l’enjeu financier était de taille !

La cour devait alors décider si, en cas de circonstances particulières, l’employeur pouvait voir sa responsabilité écartée ? En d’autres termes, l’obligation de tenue de visite médicale d’embauche est-elle une obligation de moyen ou de résultat ?

Cette question trouvait tout son sens au regard de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 novembre 2015 (n° 14-24444) en matière d’obligation de sécurité de résultat, celle-ci semblant vouloir assouplir sa jurisprudence sur cette question. En effet, désormais, si l’employeur peut prouver qu’il a pris toutes les mesures de prévention requises, il ne manque pas à son obligation de sécurité. On pouvait légitimement penser que la cour appliquerait le même principe pour les visites médicales d’embauche, si l’employeur parvenait à démontrer qu’il était dans l’impossibilité matérielle, malgré ses meilleurs efforts, d’assurer leur effectivité.

Car la question des visites médicales d’embauche est à étudier à la lumière des capacités d’accueil des centres de médecine du travail. Depuis de nombreuses années, les plus hauts organes de l’État (Direction générale du Travail, Cour des comptes) et certaines juridictions ont pointé du doigt la difficulté pour les employeurs d’obtenir une visite médicale, ne serait-ce qu’avant la fin de la période d’essai. L’obligation s’avère impossible dans grand nombre de cas, le délai moyen pour obtenir une visite étant de plusieurs mois.

Face à ce constat accablant, on pouvait légitimement penser que la Cour de cassation ferait preuve de bon sens en permettant d’écarter la responsabilité de l’employeur. Il n’en est rien : la cour fait une application stricte du texte, générant ainsi un risque certain pour un grand nombre d’entreprises embauchant des salariés pour des durées très courtes ou sans période d’essai.

Fort heureusement, certains juges du fond ont pris la juste mesure du problème, comme la cour d’appel de Paris, laquelle, même si elle reconnaît la culpabilité de l’employeur, ne prononce, à notre connaissance et dans des affaires similaires, que des peines avec sursis ou des dispenses de peine.

Enfin, le projet de loi travail prévoit de supprimer la visite médicale d’embauche au profit d’une « visite d’information et de prévention » effectuée par un membre du service de santé au travail et non plus forcément par le médecin du travail lui-même.

Auteur

  • Frédéric Calinaud, Emma Castaingts