logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Chronique

Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Chronique | publié le : 31.05.2016 | Denis Monneuse

Image

Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Faut-il tricher pour rester populaire ?

Il paraît qu’en ce siècle, nous sommes tous censés chercher notre quart d’heure de gloire. Ce qui, vous en conviendrez avec moi, représente peu à l’échelle d’une vie. Heureusement, il n’y a pas que la gloire qui nous anime. De façon plus prosaïque et quotidienne, la popularité est un aiguillon qui nous guide. Il ne s’agit pas nécessairement de chercher à se faire aimer du plus grand nombre, mais au moins à ne pas nous faire rejeter par les gens qui nous entourent, nos collègues de travail par exemple.

Jusqu’où sommes-nous alors prêts à aller pour demeurer populaires auprès de notre collectif de travail ? Sommes-nous prêts à adopter des comportements contraires à l’éthique dans cette optique, par exemple ? Ce sont les questions que se sont posées Stefan Thau, chercheur à l’Insead, et quelques-uns de ses collègues. L’hypothèse de départ était que les membres qui sont les moins intégrés d’un groupe, les plus à la marge, donc ceux qui craignent le plus d’en être exclus, sont ceux qui sont prêts à aller le plus loin pour faire gagner leur équipe afin de se faire bien voir en interne, au besoin par des moyens que la morale réprouve.

Pour le vérifier, ces chercheurs ont mis au point une expérience au cours de laquelle les participants devaient résoudre des anagrammes, à l’instar des candidats du jeu “Des Chiffres et des lettres”. Les participants devaient ensuite déclarer le nombre d’anagrammes trouvé. Les chercheurs n’avaient installé aucun moyen de surveillance, de sorte que, pour les participants, tricher quant à leur réel taux de réussite était aisé. Mais les chercheurs, un brin pervers dirons-nous, avaient mis en place un stratagème implacable pour savoir qui trichait ou pas : aucune des dix anagrammes proposées n’avait de solutions possibles !

Afin de vérifier les dynamiques de groupe supposées, on faisait croire à des participants réunis en équipe qu’ils jouaient contre une rivale, et qu’une récompense était en jeu pour l’équipe gagnante. De plus, chacune d’elles devait éliminer un des siens, comme dans les jeux de téléréalité, si bien que certains membres se sentaient fragilisés, en marge du groupe.

Résultat : ceux qui risquaient le plus d’être éliminés déclaraient plus d’anagrammes réussies que les autres, surtout si appartenir au groupe était primordial pour eux. En revanche, quand la récompense proposée n’était plus collective mais individuelle, le risque de se faire exclure du groupe jouait moins sur le niveau de mensonge des participants. En effet, ils n’avaient plus la possibilité de se dédouaner en se disant : je triche, mais c’est pour la bonne cause, car je fais ainsi gagner mon équipe et je protège ma position au sein de celle-ci.

Un questionnaire auprès de 228 personnes a d’ailleurs confirmé que ceux qui se sentent les plus en marge d’un collectif de travail sont les plus nombreux à être prêts à tout pour améliorer l’image de leur équipe, quitte à faire de la rétention d’information à l’égard des membres d’autres équipes ou à jeter indûment un discrédit sur elles.

Bref, le succès de l’équipe a bon dos. Il s’agit d’une excuse toute trouvée pour commettre des écarts. Avis aux DRH et aux managers : cette étude apporte un argument de plus en faveur de l’importance de la cohésion des collectifs de travail. Non seulement la cohésion permet d’accroître la performance, mais en plus, elle réduit les comportements non éthiques.

Auteur

  • Denis Monneuse