Comment éviter que les soignants aient à tenir et à soulever, plusieurs fois par jour, à la force des bras les personnes âgées dépendantes ? La question taraude la plupart des établissements qui hébergent et soignent des personnes âgées. Car ces “manutentions manuelles” sont à l’origine d’un tiers des accidents du travail et de la plupart des troubles musculo-squelettiques, première cause de maladie professionnelle.

« De nombreux soignants souffraient de mal de dos, de déchirures musculaires. Environ 30 % du personnel, surtout des aides-soignants et des aides médico-psychologiques, était touché par les troubles musculo-squelettiques. Il y avait beaucoup d’arrêts maladie », rappelle Jean-Louis Bizot, directeur des Romarins, à Pennautier (Aude), établissement pour personnes âgées qui emploie 70 salariés.

Changement de cap en 2015 : la structure publique communale, composée d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Éhpad) et d’un foyer d’accueil médicalisé (FAM) pour handicapés vieillissants, a équipé d’aides techniques ses 72 chambres, ses trois salles de balnéothérapie et sa salle Snœzelen, avec le soutien du Centre de gestion de l’Aude et de la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) du Languedoc-Roussillon. Partout, des rails de manutention ont été installés au plafond, avec 15 moteurs fixes là où les résidents sont les plus lourdement handicapés, et quelques moteurs mobiles.

Le dispositif est simple : les personnes âgées sont soulevées et assises dans un harnais en tissu, en douceur, pour les transferts, par exemple du lit au fauteuil. La structure a également équipé ses salles de bains de chaises de douche à hauteur et inclinaison variables. Le coût total s’élève à 74 000 euros, dont un quart a été pris en charge par la Carsat du Languedoc-Roussillon. « Depuis deux ans, la priorité est à l’équipement des Éhpad en aides techniques, en raison du niveau élevé d’accidents du travail. Un tiers est lié à des manutentions manuelles. Nous prenons en charge 50 % du coût de l’équipement et nous proposons des formations. Il se trouve que Les Romarins a souhaité aller plus loin », explique Alain Bourrat, contrôleur de sécurité de la Carsat Languedoc-Roussillon.

Un investissement massif, rare dans ce secteur, qui s’est accompagné d’un important effort de formation. La Carsat a formé en 2015 une ergothérapeute à la prévention des risques liés aux activités physiques dans le secteur sanitaire et social (Prap 2S). Elle a formé sur ce même thème 34 salariés, tous les soignants, des moniteurs-éducateurs, l’animatrice et deux cadres de santé. Répartis en cinq groupes, ils ont suivi un cycle de trois jours entre novembre 2015 et janvier 2016. « Je les ai mis en situation réelle, explique Laure Marty, ergothérapeute. Cela a beaucoup d’impact, car on ressent ce que ressent le patient. On comprend mieux ce qu’est la bientraitance. »

S’il est trop tôt pour réaliser un bilan chiffré, les premiers constats sont positifs : « Il y a moins de plaintes, et le personnel apprécie les aides techniques », observe Laure Marty.

« Les accidents du travail liés aux manipulations des personnes ont diminué, les arrêts maladie également », précise Jean-Louis Bizot. Non seulement les conditions de travail se sont améliorées, mais, selon le directeur, « le message est passé : on est là pour les aider à faire ce travail difficile et ingrat. L’ambiance s’est améliorée. »