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Gestion des savoirs : Repérer et capitaliser les bonnes pratiques

Les clés | publié le : 24.05.2016 | Véronique Vigne-Lepage

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Gestion des savoirs : Repérer et capitaliser les bonnes pratiques

Crédit photo Véronique Vigne-Lepage

Connaissances stratégiques, tour de main façonné par l’expérience, bonnes idées… Toute entreprise a intérêt à repérer et à formaliser ces savoirs avant qu’ils ne soient perdus lors du départ de salariés clés. Mieux vaut même intégrer ce knowledge management au quotidien de l’équipe.

Knowledge management au Super U de Venarey-les-Laumes (Côte-d’Or), la responsable du rayon textile partira à la retraite en 2018. Soucieux de la perte de savoirs spécifiques (commandes sur des salons, repérage des tendances, sens de la mode, etc.), Maximilien Vaubourg, le directeur, prépare déjà ce départ. Il a donc fait interviewer sa salariée par une consultante, mandatée par l’Aract Bourgogne dans le cadre d’une opération de “transmission des savoirs”. Puis, en 2017, il la fera travailler en binôme avec celle qui la remplacera. « Je n’avais pas anticipé la plus-value que cela apporte dans la valorisation de la personne », assure-t-il. Selon Nada Matta, enseignante-chercheuse à l’université de technologie de Troyes, « travailler avec ceux qui utiliseront les savoirs transférés valorise l’expert. Et anticiper de six mois ou d’un an permet de voir ce qui est caché, car il ne sait pas d’emblée tout ce qui a été facteur de succès ».

Anticiper, c’est aussi capitaliser les bonnes pratiques au quotidien. Dans ce cadre, les managers ont un rôle important. Chez Vibratec (Rhône) PME spécialisée en expertise mécanique et acoustique, par exemple, ceux-ci repèrent lors des entretiens annuels qui peut devenir tuteur et sur quel sujet. « Nous avons 25 tutorats en cours, concernant 50 % du personnel », assure Jean-Paul Kovalesvsky, directeur général. Mais pour Hugo Siwiak, responsable d’équipe “mesures”, ce repérage est aussi permanent : « Outre ma fonction d’encadrant, je suis moi-même chargé d’affaires. Connaissant le travail, je peux mieux détecter les bonnes manières de faire. » Un avis que partage Olivier Bouilliez, responsable d’équipes marketing à Schneider Electric : « Plus que le supérieur hiérarchique, c’est bien le manager fonctionnel, en tant qu’expert métier, qui peut repérer les connaissances intéressantes à formaliser et mettre en lien chacun, par-delà les organisations, avec les salariés du groupe ayant des savoirs associés. »

Pour faciliter cette gestion des connaissances – ou knowledge management –, des outils existent. Comme l’a déjà fait Vibratec, Schneider Electric est en train de déployer une encyclopédie d’entreprise – un wiki –, où tout salarié peut proposer un article. « Pour donner l’exemple, assure Olivier Bouilliez, à chaque fois que l’on me pose une question, je crée sur le wiki une page comportant la réponse. » Schneider Electric s’appuie aussi sur des “communautés” : créées d’abord spontanément par des collaborateurs ayant un intérêt commun (un segment de marché, un métier…), elles sont passées de 60 à 170 depuis 2012, soit depuis que l’entreprise leur apporte une reconnaissance et des outils (plate-forme collaborative, formations WebEx, etc.). Seule contrepartie : produire chaque année une note, une méthodologie… « Je pousse mes collaborateurs à utiliser ces outils grâce auxquels chacun peut aller chercher ce dont il a besoin pour se forger ses propres compétences », assure Olivier Bouilliez. Il remercie ainsi tout collaborateur proposant un article. De son côté, Béatrice Le Moing incite les managers à féliciter les animateurs de communautés : « Certains pensent que cela vient en concurrence des objectifs opérationnels, constate-t-elle, alors que cela génère de l’efficacité. »

Aux Transports Pejy (Loire), cette capitalisation se fait via des “fiches-formation” sur les procédures, créées et actualisées par les trois moniteurs : « J’y mets tout ce que je sais moi-même, qui suis passé à tous les postes, explique l’un d’eux, Patrick Barrier, mais aussi tout ce que savent les conducteurs. » Ceux-ci remplissent en effet chaque jour un document de débriefing dans lequel ils peuvent noter leurs “bonnes pratiques” éventuelles. « Ces remontées sont intégrées aux documents qualité, poursuit le moniteur. Ce qui évite de réinventer à chaque fois les solutions. »

Rédacteurs externes

Seul obstacle : les difficultés avec l’écrit de nombreux conducteurs, qui nécessitent des formations. Même pour les “experts” de Schneider Electric, constate Olivier Bouilliez, « la formalisation est souvent compliquée ». Le groupe charge donc des rédacteurs externes de recueillir leurs connaissances et de les rendre accessibles au plus grand nombre. Pour Nada Matta, ces “enquêteurs” peuvent être internes mais ne doivent pas avoir de lien hiérarchique avec la personne questionnée, faute de quoi celle-ci ne parlera pas librement de ses erreurs. La chercheuse a élaboré des guides d’entretiens qui « rendent explicite l’expérience ». « On ne raisonne pas de la même manière en situation de diagnostic, de conception ou d’évaluation », explique-t-elle. Hugo Siwiak, cependant, croit, lui, à « la transmission orale permanente », par le travail en binôme ou lors d’ateliers techniques où tout collaborateur peut présenter une expérience réussie. « Il faut que chacun s’en sente responsable ».

Les conseils du coach

Nada Matta

Enseignante-chercheuse à l’université de technologie de Troyes

–1– Identifier tôt tous les risques de perte de savoirs stratégiques

La hiérarchie d’une entreprise doit identifier qui sont, dans l’effectif, les experts dont le départ présenterait un risque de perte de connaissances stratégiques. Dans ce cas, il faut préparer ce départ très en amont. Il s’agit d’organiser une réunion avec cet expert pour préciser sur quels points exactement il a une expertise et quels membres de son équipe complètent éventuellement celle-ci. Le manager qui anime cette réunion doit au préalable avoir acquis quelques notions sur le knowledge management.

–2– Repérer les différentes sources de connaissances

Un spécialiste externe de la gestion des connaissances ou bien un salarié de l’entreprise formé à ce sujet doit être chargé de repérer qui sont les détenteurs des connaissances et quels sont les fichiers, documents, bases de données et autres outils que ceux-ci utilisent. Cela peut se faire au quotidien, mais cela sera différent et complémentaire d’un repérage sur la base de plusieurs retours d’expériences.

–3– Impliquer l’équipe dans la formalisation

Tout ce qui a été repéré doit faire l’objet d’une analyse validée par l’expert avant formalisation. Mais cette dernière doit impliquer les membres de l’équipe qui utiliseront ces connaissances et outils. Ce ne sont pas des normes, mais simplement des guides. L’objectif est que les salariés de l’équipe se les approprient, les modifient, créent des liens avec leurs propres fichiers, les intègrent à leur organisation du travail. Sans cela, tout système, même très structuré, restera inutilisé.

Auteur

  • Véronique Vigne-Lepage