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Assouplir les licenciements ne créera pas d’emplois, selon une majorité de DRH

Zoom | publié le : 17.05.2016 | Emmanuel Franck

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Assouplir les licenciements ne créera pas d’emplois, selon une majorité de DRH

Crédit photo Emmanuel Franck

Interrogés sur la loi Travail dans le cadre de notre baromètre Défis RH Inergie pour l’ANDRH et Entreprise & Carrières, les professionnels des RH soutiennentla redéfinitiondu licenciement économique et le principe de l’accord majoritaire, mais ils ne croient pas que faciliter les licenciements permettra de créer des emplois.

« Un assouplissement des modalités de licenciement favoriserait-il le recrutement pour votre entreprise ? » Non, selon 50 % des DRH interrogés pour la 7e édition de notre baromètre Défis RH, réalisé par Inergie pour l’ANDRH et Entreprise & Carrières(1) ; 46 % sont d’un avis inverse. Les praticiens des ressources humaines sont pour le moins mitigés sur le principe général du projet de loi Travail, dont l’adoption est attendue avant l’été. « Le postulat de relancer l’emploi en facilitant les licenciements ne semble pas vérifié aux yeux des DRH. Ils sont plus réceptifs à des mesures concrètes en phase avec leur réalité économique », note Luc Vidal, directeur général adjoint du pôle opinion au sein d’Inergie-groupe Obea.

Jean-Paul Charlez, président de l’ANDRH et DGRH d’Etam abonde : « La loi Travail est une loi intelligente et courageuse, dont plusieurs dispositions recueillent l’assentiment des DRH. Mais l’argument soutenu par certains de ses défenseurs, selon lequel il faut faciliter les licenciements pour susciter des embauches ne tient pas face à la réalité : quand une entreprise embauche, ce n’est pas dans la perspective de licencier mais parce qu’elle a des besoins, des postes à pourvoir. »

Les DRH sont encore plus sceptiques quant à l’idée que le plafonnement des indemnités pour licenciement abusif pourrait générer de l’emploi : 63 % n’y croient pas. « Le plafonnement des indemnités a créé une irritation inutile, estime Jean-Paul Charlez. Pour donner aux entreprises davantage de visibilité sur le coût d’un licenciement, un barème en fonction de l’ancienneté du salarié – et non de la taille de l’entreprise, système injuste – serait plus approprié. Cette solution ne consisterait jamais qu’à inscrire dans la loi la pratique de certains conseils de prud’hommes. »

En revanche, deux autres dispositions phares du projet de loi sont approuvées par les DRH. Sans doute par souci de sécurité juridique, 72 % d’entre eux souhaitent que soient précisées les conditions dans lesquelles une entreprise peut recourir au licenciement économique.

Référendum

Le principe de l’accord majoritaire (signé par les syndicats représentant au moins 50 % des salariés) est, quant à lui, approuvé par 66 % des DRH. La validation par référendum des accords soutenus par des syndicats représentant 30 % des salariés est appréciée par un peu plus de la moitié des DRH. On y verra le signe que ceux-ci ont davantage confiance en leurs capacités à négocier avec les syndicats qu’en la démocratie directe. Quoi qu’il en soit, si le texte est adopté, les DRH ne pourront plus se contenter de recueillir les signatures de syndicats représentant 30 % des suffrages pour faire valider un accord. « Certes, il sera plus compliqué d’obtenir un accord, mais sa légitimité en sera renforcée, relève Jean-Paul Charlez. Or c’est essentiel dans la logique qui est celle de la loi Travail et que nous soutenons, où l’accord d’entreprise prime. »

Accords dérogatoires

La possibilité de signer un accord d’entreprise moins favorable que l’accord de branche, autrement dit l’inversion de la hiérarchie des normes, est une des dispositions centrales de la future loi Travail. Même si le principe des accords dérogatoires ne date pas d’hier, c’est aussi celui qui suscite l’opposition la plus virulente de la part des détracteurs de la loi. « C’est beaucoup de bruit pour rien, estime Jean-Paul Charlez. Le projet de loi travail ne modifie pas fondamentalement la hiérarchie des normes : il contient des dispositions techniques qui sont exploitées politiquement. L’opposition qu’elles suscitent me semble excessive. »

Majoration des heures

Dans le projet de texte, l’accord d’entreprise s’impose en matière de temps de travail. Par exemple pour la fixation du taux de majoration des heures supplémentaires : l’accord d’entreprise n’aurait plus à respecter le taux fixé par la branche, comme c’est le cas actuellement. Qu’en pensent les DRH ? Selon notre sondage, 51 % estiment que la majoration des heures supplémentaires doit être négociée au niveau de l’entreprise, 43 % pensent l’inverse. Sur cette disposition centrale, tant sur le plan des principes que pour le travail quotidien des DRH, ces derniers semblent donc mitigés. Mais, pour Jean-Paul Charlez, les DRH ne se sont pas tant exprimés sur le principe de la prééminence de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche que sur les heures supplémentaires, « qu’ils pratiquent en fait assez peu ». De cette réponse en demi-teinte on ne pourrait donc pas déduire que les DRH reculent devant l’obstacle que constitueraient les accords dérogatoires, plus risqués socialement. « La négociation sur la durée du travail doit se faire en entreprise. Je préfère m’en remettre à la négociation avec les délégués syndicaux de l’entreprise, qui connaissent les attentes des salariés, qu’à la branche ou à la loi », déclare Jean-Paul Charlez, fort de l’accord sur le travail du dimanche qu’il a signé chez Etam en octobre dernier.

Recrutement : La prime pour l’emploi n’inspire pas les DRH

4 000 euros sur deux ans pour l’embauche d’un salarié dans une PME en 2016. La prime à l’emploi du gouvernement va-t-elle contribuer à l’inversion de la courbe du chômage ? Pas vraiment, si l’on en croit les DRH. Les trois quarts de ceux qui sont concernés par cette prime déclarent qu’elle ne va pas les inciter à embaucher, selon notre sondage Défis RH, réalisé par Inergie pour l’ANDRH et Entreprise & Carrières.

« Je ne suis pas surpris, déclare Jean-Paul Charlez, président de l’ANDRH et DGRH d’Etam. Les entreprises embauchent lorsqu’elles en ont besoin, pas parce qu’elles perçoivent une prime, celle-ci sera simplement une aubaine. »

Le plan de formation de 500 000 chômeurs ne suscite pas non plus un grand intérêt chez les DRH, alors même que 300 000 postes restent à pourvoir dans les entreprises : seuls 31 % déclarent que le programme du gouvernement va les aider à pourvoir les postes sur lesquels ils ont des difficultés à trouver des compétences.

« La formation des chômeurs est une ardente obligation, mais les DRH, surtout des PME, semblent avoir des difficultés à connecter cette politique générale avec leurs besoins », explique Jean-Paul Charlez.

(1) Sondage réalisé entre le 15 mars et le 13 avril auprès de 246 professionnels des RH (DRH : 48 % ; RRH : 33 % ; autres fonctions RH : 19 %) travaillant majoritairement (62 %) dans des entreprises ou des établissements de moins de 500 salariés.

Auteur

  • Emmanuel Franck