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Communication : L’art du briefing et du débriefing pour motiver son équipe

Les clés | publié le : 17.05.2016 | Marie-Madeleine Sève

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Communication : L’art du briefing et du débriefing pour motiver son équipe

Crédit photo Marie-Madeleine Sève

Frères jumeaux, les briefings et débriefings restent un instrument méconnu ou mal utilisé par les encadrants. Ils sont pourtant au cœur du management, puisqu’ils interrogent la troupe sur la façon de mener une action et de l’arrêter. C’est une clé de voûte de l’intelligence collective, qui permet de gagner en efficacité.

« Allez, on va “briefer” ! », « Allez on va “débriefer” ! ». En entreprise, les managers qui pratiquent l’exercice ont tendance à le prendre à la légère, observent les experts. Or ces deux rendez-vous avec l’équipe ne sont pas comme les autres. L’un donne le coup d’envoi d’une opération, l’autre la conclut. « Beaucoup confondent trois types de réunion, précise Philippe Bazin, associé et consultant chez Krauthammer : la réunion d’information, qui sert à communiquer, la réunion de brainstorming, qui débusque les idées, et le briefing/débriefing, qui engage une dynamique dans les rangs, avant, pendant et après l’action. » À l’instar des usages chez les militaires ou les coachs sportifs. « Briefing et débriefing forment un couple indissociable, insiste par ailleurs Ricardo Croati, coach de dirigeants et fondateur de France Training. Ils sont un outil managérial simple et puissant, qui pousse l’équipe à se mobiliser et à se dépasser. »

Et il est conseillé en cas de crise passagère, d’urgence, de projet phare ou de changement de pied. Exemples : retirer un produit défectueux du marché, ouvrir un stand sur un salon, intégrer une recrue, lancer un plan marketing audacieux…

Objectifs quantitatifs et qualitatifs

Seulement, briefer et débriefer ne s’improvise pas. Dans les deux cas, l’exécution exige une préparation minutieuse. Côté briefing, il s’agit de fixer des objectifs quantitatifs et qualitatifs et de déterminer un mode opératoire – mais pas forcément détaillé – pour laisser la place aux propositions et envies des salariés. « J’ai réfléchi durant un mois à comment présenter ma vision et les enjeux du projet, à en partager la complexité, le sens, et à apprécier qui ferait quoi », raconte ainsi Jacky Huet, directeur de Klee Studio (40 salariés, Klee Group), lequel cherchait en janvier 2016 à fédérer dix collaborateurs (photographes, responsables clients, vendeurs) sur un virage majeur : passer toute la production photo en numérique, livrable sur site Web 24 heures sur 24 heures. « J’ai démarré sur le pourquoi – entrer dans la modernité, répondre aux besoins de nos clients. Puis j’ai assigné des tâches à chacun ; enfin, j’ai écouté les avis et fixé un timing serré – trois mois – et des étapes calibrées tout en réservant un temps aux questions. » Ce temps-là est fondamental pour s’assurer que tout le monde a bien compris. « Quand je briefe mon équipe sur une méthode de travail, par exemple, je vais droit au but, en restant factuel, usant de phrases courtes et concises, afin que mes 15 ingénieurs d’affaires se souviennent des informations clés, expose Gilles Cantain, manager dans la SSII Synchrone Technologies (1 000 salariés). En cours de speech, je demande à l’un d’eux de me traduire, avec ses mots, ce qu’il a saisi, je repère ce qui a été assimilé ou non, quitte à reformuler mes propos. »

Autre exigence, créer un état d’esprit collectif, explique Philippe Bazin : « Le manager doit dire ce qu’il attend en termes de comportements et de règles du jeu. À lui aussi de créer une émotion positive et de dérouler une histoire pour embarquer le groupe. » Toutefois, s’il s’agit de rassembler les énergies pour atteindre les chiffres du jour, comme en magasin ou en centre d’appels, le n + 1 peut être plus directif, et l’échange durera cinq minutes le matin, contre une heure pour les opérations d’envergure.

Bilan critique à chaud

Côté débriefing, l’approche diffère. Le but est de dresser, une heure durant, un bilan critique “à chaud” de l’action. Un bilan souvent négligé par les managers, surtout si la mission n’a pas été un franc succès. C’est pourtant le temps fort, après le match, celui qui permet de faire grandir l’équipe. Il consiste à rappeler les objectifs de départ, à se pencher sur les écarts constatés et à dégager des pistes d’amélioration afin de se relancer pour la suite. En amont, le manager documentera les résultats en détail (volume, rythme, délai…). « Il a intérêt à envoyer aussi par e-mail un mémo aux participants, rappelant les points clés du briefing initial en leur demandant de repenser au travail qu’ils ont accompli – aisance, difficultés, ressenti », préconise le coach Ricardo Croati. La réunion doit inciter les gens à exprimer ce qu’ils ont bien ou mal vécu. Car tous ne sont pas sortis indemnes de l’aventure ! Le jour J, le supérieur débutera par du positif, même en cas d’échec : « Vous vous êtes bien battus ! », « J’ai vu une belle coopération ! » ou « On s’est plantés, mais je tenais à vous remercier de vos efforts ».

Vient ensuite le regard, posé en groupe, sur ce qui a été bien fait, ou mal fait et qui est à corriger. « Il faut une précision chirurgicale dans l’analyse, poursuit le coach, creuser les points de blocage, et tourner les erreurs en leçons positives. » La difficulté consiste pour le n + 1 à accepter des feed-back négatifs. « Aucun sujet n’est tabou, et je suis ouvert à la remise en question, j’encourage même l’équipe à me faire des remarques », assure Gilles Cantain, chez Synchrone Technologies. L’essentiel est de cultiver la bienveillance mutuelle et de partager les bonnes pratiques avant d’arrêter un autre plan d’action.

Les conseils du coach

Jérôme Mandin

Ex-officier des commandos de marine et directeur associé de Pégasus Leadership, à Lorient

–1– Réaliser plusieurs briefings ciblés

Dans les forces spéciales, on mène plusieurs “briefs”. D’abord le brief préparatoire, qui donne des éléments de compréhension et insiste sur les critères de réussite de la mission : délai, budget, niveau de qualité, confidentialité, etc. Il permet à chacun d’imaginer des solutions possibles, d’analyser les facteurs de risques. Puis, juste avant le go, intervient le “brief d’exécution” qui dresse la check-list du déroulé de l’action, afin de vérifier que tout le monde est OK avec le scénario prévu et connaît bien son rôle. Il donne confiance à l’équipe et la met sous tension. En cours d’opération, des briefs rapides recadrent l’action en fonction de l’évolution de la situation et des imprévus. Ils cernent l’essentiel avec une phrase clé : « Afin de… (le pourquoi), je veux que… (la décision), à cet effet… (le comment) ». Simple et efficace !

–2– Débriefer en toute équité

Deux principes animent nos retours d’expérience (Retex) : « name less », « rank less ». Nul grade, nul patronyme ne donne le privilège de s’exprimer davantage. Tout le monde a voix au chapitre. Le débriefing est un état d’esprit, en aucun cas il n’est un règlement de compte ou une chasse au coupable. Mais les ego sont chahutés. Dans les forces spéciales, il y a deux couloirs de débriefing. L’un, opérationnel, axé sur les aspects techniques, avec le commandant de l’opération. L’autre avec une équipe psychologique, au niveau collectif et individuel, qui aide à se reconnecter à la réalité.

–3– Se focaliser sur le « comment »

« Comment aurait-on pu échouer ? ». « Comment a-t-on raté cet appel d’offres ? » « À quel prix a-t-on réussi ? ». « Aurait-on pu continuer longtemps ? ». Outre le bilan fidèle face aux résultats attendus, ce sont des questions à poser systématiquement à l’équipe. Car il est bon d’examiner la part de chance et d’énergie qui a pesé dans le succès d’un projet. Vient ensuite le « pourquoi », qui doit viser un seul objectif : s’améliorer.

Auteur

  • Marie-Madeleine Sève