« Les pouvoirs publics ne prendront la main que dans les cas où rien n’aura été fait »
Il n’existe pas de définition de la “branche” communément acceptée par les acteurs ; parlons plutôt des partenaires sociaux chargés des conventions collectives. Attachés à leurs prérogatives, ils ne sont pas prêts, sauf exception, à abandonner, voire à partager leurs pouvoirs. De plus, encore trop dans la négociation conflictuelle, ils ne sont pas suffisamment mûrs pour entrevoir les enjeux sociaux et économiques d’une telle réforme. Ce qui est plutôt ennuyeux quand on veut refonder le Code du travail autour de la négociation.
La première est l’inversion des normes : si les accords d’entreprise prévalent sur les accords de branche, alors quelle est l’utilité de la branche, même renforcée ? À moins qu’on ne considère que les branches doivent produire des accords de méthode visant à aider les entreprises à conclure leurs propres accords. Il est clair que, pour certaines grandes entreprises et leurs représentants, privilégier les accords d’entreprise leur permet d’envisager des accords moins favorables que les accords de branche. On en revient à la question : pourquoi renforcer les branches ?
Un regroupement de branches n’est pas seulement une affaire de regroupement d’effectifs ou d’entreprises, c’est aussi un rapprochement culturel. Cela suppose de tenir préalablement une réflexion sur les champs économique, juridique, social de la future branche. Par exemple, les branches ont-elles les mêmes enjeux d’attractivité, de formation ou de protection sociale ? Subissent-elles semblablement l’impact de l’e-commerce ? La législation propre à une branche – je pense au nucléaire, par exemple – n’empêche-t-elle pas un rapprochement ?
J’ai récemment rencontré le problème avec deux organisations patronales. Elles ont préféré suspendre leurs travaux de rapprochement en attendant de savoir ce qu’il en est des règles de représentativité, qui doivent être modifiées dans la loi Travail. Selon les règles actuelles – audience fondée sur le nombre d’entreprises adhérentes –, elles sont les plus représentatives, ce qui ne serait pas forcément le cas si leur audience était calculée sur le nombre de salariés.
C’est historique, tant qu’elles se référeront chacune à leurs métiers, les regroupements seront difficiles. Il faudrait qu’elles parviennent à saisir ce qui transcende leur secteur professionnel et le rapproche d’un autre.
Je leur conseille d’engager une réflexion sur le sujet. Les pouvoirs publics ne prendront la main que dans les cas où rien n’aura été fait. Jusqu’en 2019, elles pourraient toujours opposer à l’administration leurs travaux, si cette dernière voulait les fusionner d’office.