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L’enquête

Pascal Geiger fondateur du cabinet de conseil dialogue social et compétitivité, anciennement représentant de l’état dans plusieurs commissions mixtes paritaires de branche

L’enquête | L’interview | publié le : 17.05.2016 | Emmanuel Franck

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Pascal Geiger fondateur du cabinet de conseil dialogue social et compétitivité, anciennement représentant de l’état dans plusieurs commissions mixtes paritaires de branche

Crédit photo Emmanuel Franck

« Les pouvoirs publics ne prendront la main que dans les cas où rien n’aura été fait »

La loi Sapin de 2014 et la future loi Travail veulent regrouper les branches. Celles-ci sont-elles mûres pour cela ?

Il n’existe pas de définition de la “branche” communément acceptée par les acteurs ; parlons plutôt des partenaires sociaux chargés des conventions collectives. Attachés à leurs prérogatives, ils ne sont pas prêts, sauf exception, à abandonner, voire à partager leurs pouvoirs. De plus, encore trop dans la négociation conflictuelle, ils ne sont pas suffisamment mûrs pour entrevoir les enjeux sociaux et économiques d’une telle réforme. Ce qui est plutôt ennuyeux quand on veut refonder le Code du travail autour de la négociation.

Quelles difficultés anticipez-vous pour ces regroupements de branches ?

La première est l’inversion des normes : si les accords d’entreprise prévalent sur les accords de branche, alors quelle est l’utilité de la branche, même renforcée ? À moins qu’on ne considère que les branches doivent produire des accords de méthode visant à aider les entreprises à conclure leurs propres accords. Il est clair que, pour certaines grandes entreprises et leurs représentants, privilégier les accords d’entreprise leur permet d’envisager des accords moins favorables que les accords de branche. On en revient à la question : pourquoi renforcer les branches ?

Quels sont les autres obstacles au regroupement ?

Un regroupement de branches n’est pas seulement une affaire de regroupement d’effectifs ou d’entreprises, c’est aussi un rapprochement culturel. Cela suppose de tenir préalablement une réflexion sur les champs économique, juridique, social de la future branche. Par exemple, les branches ont-elles les mêmes enjeux d’attractivité, de formation ou de protection sociale ? Subissent-elles semblablement l’impact de l’e-commerce ? La législation propre à une branche – je pense au nucléaire, par exemple – n’empêche-t-elle pas un rapprochement ?

Une difficulté ne tient-elle pas aussi au fait qu’un regroupement de conventions collectives bouleverse des représentativités établies ?

J’ai récemment rencontré le problème avec deux organisations patronales. Elles ont préféré suspendre leurs travaux de rapprochement en attendant de savoir ce qu’il en est des règles de représentativité, qui doivent être modifiées dans la loi Travail. Selon les règles actuelles – audience fondée sur le nombre d’entreprises adhérentes –, elles sont les plus représentatives, ce qui ne serait pas forcément le cas si leur audience était calculée sur le nombre de salariés.

Les branches tiennent aussi beaucoup à leurs spécificités.

C’est historique, tant qu’elles se référeront chacune à leurs métiers, les regroupements seront difficiles. Il faudrait qu’elles parviennent à saisir ce qui transcende leur secteur professionnel et le rapproche d’un autre.

Que conseillez-vous aux branches qui commencent à s’inquiéter de se voir fusionner sans l’avoir choisi ?

Je leur conseille d’engager une réflexion sur le sujet. Les pouvoirs publics ne prendront la main que dans les cas où rien n’aura été fait. Jusqu’en 2019, elles pourraient toujours opposer à l’administration leurs travaux, si cette dernière voulait les fusionner d’office.

Auteur

  • Emmanuel Franck