logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

L’enquête

Fonction RH : Digitalisation : quel rôle pour le DRH ?

L’enquête | publié le : 10.05.2016 | N. L.

Image

Fonction RH : Digitalisation : quel rôle pour le DRH ?

Crédit photo N. L.

Quel doit être le positionnement de la fonction RH dans la digitalisation des activités et des modes de travail ? Pas de réponse unique, mais une certitude : au-delà de l’accès aux nouveaux outils, il paraît indispensable d’anticiper les usages et leurs impacts sur les organisations, et de mettre en place de nouveaux modes de régulation en lien avec les autres fonctions. Un positionnement stratégique qui reste à affirmer.

Digitalisation, le terme est tellement utilisé qu’il semble déjà banalisé. De fait, ce mot-valise recouvre tout à la fois le changement plus ou moins profond du business model, les outils de la transition numérique (relatifs aux produits, aux services, aux process), les méthodes de formation et d’appropriation, mais aussi l’évolution des modes de travail et de management.

Si la plupart des entreprises ont mis en place des initiatives digitales, toutes n’ont pas pris le tournant du numérique, selon plusieurs études récentes. Loin s’en faut. Ainsi, 41 % des sociétés n’ont pas entamé de processus de transformation digitale, selon l’enquête Comundi publiée en février. La transformation n’est formalisée que dans un tiers des cas, et n’implique le middle management que dans un quart des situations, assurait une autre enquête menée par BPI Group l’an dernier. Avec, en outre, une fonction RH plutôt en retrait derrière la direction générale, la DSI et le marketing, et qui n’est consultée en amont des projets que dans la moitié des cas, selon l’enquête Kurt Salmon réalisée début 2015. « Cette situation est en train de changer, affirme Thierry Majorel, responsable innovation et culture digitale à BPI Group. Les DRH sont passés en quelques mois d’une phase d’interrogations et de recherches d’informations à une phase d’élaboration de plans d’actions, avec la volonté de prendre davantage la main sur les transformations digitales. »

Mais avant de vouloir accélérer et encadrer ces transformations, « mieux vaut réfléchir à la culture d’entreprise, aux finalités de la digitalisation et aux cibles souhaitables au regard des enjeux business, estime Karima Hamadouche, senior manager chez Alixio. Quelle est l’urgence à agir ? Est-il plus opportun de cibler les produits, les process clients, les process internes ? Ensuite, il est judicieux d’identifier les pratiques existantes. Ce n’est pas une perte de temps, cela permet de capitaliser sur ce qui se fait déjà sans avoir été forcément recensé, et de porter plus facilement le projet ». Exemple avec un réseau social d’entreprise, qui peut favoriser la diffusion d’une culture digitale moyennant un accompagnement suffisant (lire Entreprise & Carrières n° 1229, février 2015).

Analyse prospective des compétences

« Les compétences sont une bonne clé d’entrée pour aborder les transformations digitales, juge Thierry Majorel : quels peuvent être les nouveaux métiers ? Les impacts du digital sur les métiers existants ? Le DRH est le mieux placé pour conduire cette réflexion avec les managers des lignes métiers. » D’autant que 4 emplois sur 10 pourraient disparaître ou être transformés dans les cinq ans qui viennent, selon BPI Group. Pourtant, cette analyse prospective des compétences n’était finalisée (ou en cours) que dans une petite majorité d’entreprises au moment de l’enquête du cabinet de conseil, il y a près d’un an. L’Oréal, pour sa part, s’y est attelé très tôt, ce qui l’a amené à revisiter ses process de recrutement et ses formations métiers, et à mettre sur pied des programmes de sensibilisation au digital pour ses publics jugés prioritaires, dont les RH (lire p. 22). La digitalisation des process RH est souvent perçue par la fonction comme un bon levier pour mieux appréhender les transformations et gagner en légitimité. Mais, à la lecture de l’enquête Comundi de février dernier, il reste du chemin à parcourir, la maturité digitale des services RH n’étant jugée satisfaisante que par un tiers des entreprises répondantes.

Une posture d’anticipation

À côté du recrutement et de la formation, de nombreux services RH s’impliquent également fortement dans le développement de projets collaboratifs, corollaire de la digitalisation. D’autres, plus rares, ont créé leur propre start-up interne, comme BNP Paribas IRB (lire Entreprise & Carrières n° 1259, octobre 2015) ou ont piloté la mise en place d’un shadow comex, à l’instar d’AccorHotels, afin d’implanter durablement la culture digitale (lire ci-dessous).

Mais pour donner du sens à toutes ces initiatives, encore faut-il mettre en débat les effets de la transition numérique, selon Vincent Mandinaud, chargé de mission à l’Anact : « En se plaçant dans une posture d’anticipation, le DRH peut documenter les usages actuels du travail, simuler les possibles transformations des process et de l’organisation, avec les collaborateurs et les IRP, et construire les régulations souhaitables. » Sans céder à la facilité du recours à des solutions digitales sur étagère, dans une logique purement gestionnaire. « L’arbre technologique ne doit pas cacher la forêt organisationnelle, ajoute Vincent Mandinaud. Il ne faut pas éluder les questionnements liés à l’organisation du travail et à l’expérience collaborateur. Ni enjoliver les transformations digitales, qui peuvent avoir des effets pervers, se traduire par une réduction des marges de manœuvre, faute d’avoir été suffisamment discutées. » D’où le parti pris de La Poste de s’appuyer sur l’expérience collaborateur pour promouvoir des outils tels que Facteo, impliquant de nouveaux modes de travail, via des “labs” de salariés volontaires, des démonstrateurs, des prototypes et de fréquents ajustements (lire Entreprise & Carrières n° 1276, février 2016).

« Les transformations digitales dessinent de nouveaux collectifs de travail, bousculent le mode de relation à l’autorité et la gestion des tensions, analyse François Silva, professeur à Kedge Business school et coanimateur de la commission nationale SIRH et numérique de l’ANDRH. Cela implique de réfléchir à de nouvelles postures managériales, davantage autour de la régulation et de l’innovation. » Un enjeu complexe mais essentiel, encore en friche, que SNCF Réseau commence à appréhender (lire p. 23).

« En favorisant le partage des connaissances, le digital modifie le pré carré managérial, souligne Karima Hamadouche. Il est donc essentiel d’impliquer différemment les managers, de redéfinir leurs rôles, non seulement de les former mais aussi de revoir le mode d’évaluation de la performance. » Pour François Silva, il faut effectivement « sortir des entretiens annuels classiques et être capable de favoriser des micro-expériences managériales, telles que des échanges de pratiques entre pairs, y compris de courte durée, autour de nouveaux outils, de nouvelles applications, de nouveaux modes de travail ».

Une ambition de taille pour les DRH, qui se voyaient avant tout comme des « accompagnateurs-contributeurs », selon l’enquête Kurt Salmon de 2015, plutôt que comme des « chefs d’orchestre » ou des « régulateurs ».

Auteur

  • N. L.