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Une plate-forme pour professionnaliser tous les conseillers

Zoom | publié le : 26.04.2016 | Laurent Gérard

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Une plate-forme pour professionnaliser tous les conseillers

Crédit photo Laurent Gérard

Les 10 000 à 20 000 intervenants en conseil en évolution professionnelle (CEP) devraient bénéficier d’ici à la fin 2016 d’une plate-forme digitale de professionnalisation commune aux cinq opérateurs nationaux. Ce qui devrait constituer un moteur très puissant pour le développement du CEP.

Une plate-forme sur Internet sur laquelle pourront se former les 10 000 à 20 000 intervenants en conseil en évolution professionnelle (CEP), quelle que soit leur structure de rattachement, est en construction. Elle devrait leur offrir un forum communautaire (échanges de pratiques entre pairs, questions vives du métier, participation d’experts reconnus…), des ressources spécifiques (séquences vidéos, ressources juridiques et documentaires, actions de professionnalisation régionales, interventions d’experts du métier par la médiation de séquences vidéos partagées…) et un espace privé (stockage d’outils et de séquences vidéo favorites, aide à la création de son propre Mooc sur la question du conseil en évolution professionnelle, etc.).

Cette plate-forme, c’est le projet Comcep (nom provisoire) porté par le Centre Inffo, l’Université ouverte des compétences (UODC) et les Carif-Oref. Centre Inffo assure le portage administratif et financier du projet. L’Université ouverte des compétences réalise la mise en place, le déploiement de la communauté, l’hébergement et l’administration de la plate-forme technique, en partenariat avec le prestataire Net Premium. Les Carif-Oref nourrissent le lien entre la communauté de métiers CEP et les dispositifs de professionnalisation des opérateurs qu’ils animent au niveau régional.

Les cinq opérateurs de CEP nationaux (Apec, Pôle emploi, missions locales, Fongecif-Opacif et Cap emploi) se sont ralliés au projet. Le conseil d’administration de Pôle emploi a finalement donné son feu vert le 24 février dernier, et celui des missions locales le 1er mars. Ces deux opérateurs avaient montré quelques réticences à rejoindre l’aventure, arguant qu’ils avaient déjà des systèmes internes de professionnalisation.

Quoi qu’il en soit, depuis le 15 mars, tous ceux qui devaient se réunir naturellement autour d’un projet transstructures travaillent désormais ensemble. Vu l’enjeu politique du CEP pour le gouvernement comme pour les partenaires sociaux, l’absence d’un des cinq opérateurs aurait dû être particulièrement argumentée. Pour nombre de ses créateurs politiques et paritaires, le conseil en évolution professionnelle est l’innovation majeure de la dernière réforme de la formation, bien davantage que le CPF.

Mutualisation et partage des pratiques

Cette plate-forme digitale vise donc à « répondre à l’enjeu national de proposer un service de qualité sur l’ensemble du territoire, quels que soient l’institution et le lieu où le conseil en évolution professionnelle est délivré, et à faciliter la mutualisation et le partage des pratiques des différents réseaux », selon le cahier des charges du projet. Cet outil commun « s’inscrit en complément des diverses actions de professionnalisation engagées par les cinq opérateurs au bénéfice des conseillers-consultants de leur propre réseau ». Au final, une démarche visant à lisser et à homogénéiser les pratiques des opérateurs, afin d’éviter une “guéguerre” entre eux.

Rendre le conseil en évolution professionnelle intelligible, utile et efficace pour les citoyens est donc l’enjeu. D’autant plus que « délivrer un CEP de très grande qualité, réellement adapté à chaque personne reçue et à son environnement socioprofessionnel, est une exigence redoutable », constate un spécialiste.

Concrètement, la construction de Comcep s’appuie sur le travail d’un groupe pilote de 24 professionnels de l’accompagnement, désignés par les différents réseaux, dans trois des anciennes régions (Bourgogne, Rhône-Alpes, Paca). Une fois ce travail pilote achevé (juin) et après validation par le comité opérationnel et le comité de pilotage, la communauté de métier sera ouverte à tous les professionnels volontaires dans ces premières régions (septembre). Quelques mois plus tard, en fin d’année 2016, la communauté de métier du CEP pourra s’ouvrir à tous les professionnels délivrant ce type de prestation dans toute la métropole et outre-mer. Ensuite, l’outil pourra bénéficier à tous les conseillers recevant des publics en transition professionnelle. Techniquement, ce forum sera accessible sur tous supports et en tous lieux : PC, tablettes, smartphones…

Garantie de libre parole

Les promoteurs de Comcep assurent que deux principes de fonctionnement caractériseront l’outil : la libre parole et la validation d’inscription par l’opérateur d’appartenance.

Sur le premier principe, la plate-forme sera animée par des pairs délivrant eux aussi du CEP, « avec la garantie d’une parole libre, et la possibilité d’utiliser des pseudonymes ». Cette garantie de libre parole a pu un moment inquiéter certains opérateurs de CEP, à la culture hiérarchique forte. Mais, comme le pensent les pilotes de Comcep, « une communauté de métier existe et est vivante si – et seulement si – elle est jugée utile et pertinente par les professionnels de ces métiers eux-mêmes. Les hiérarchies peuvent les encourager, mais jamais les animer ou y participer ». Ils ajoutent que « les conditions de démarrage sont déterminantes : la mise en place de la communauté de métier doit être menée professionnellement, de manière progressive, itérative et basée sur les questions de travail des professionnels de terrain, expérimentés et débutants ». Illustration provenant d’un autre monde : pas de médecin sur un forum d’infirmières.

Validation des inscriptions

Le second principe de fonctionnement sera celui d’une validation par sa structure d’origine d’une demande d’inscription, afin que ne s’inscrivent que des professionnels du CEP. Cela peut sembler contradictoire avec le principe de libre parole, mais les promoteurs assurent que tout refus d’inscription pourra faire l’objet d’un recours direct auprès du gestionnaire de la plate-forme, qui demandera alors à la structure d’origine la raison de la non-autorisation. En vitesse de croisière annuelle, le coût de Comcep devrait être d’environ 300 000 euros, soit entre 15 et 30 euros par personne selon le nombre de participants. Un coût assuré par les cinq opérateurs.

Des professionnels sous tension

« Nous accueillons un public de plus en plus varié, constate une spécialiste du CEP d’un Fongecif. Et, pour assurer l’accueil de premier niveau, nous explosons tous les scores en termes de flux : jusqu’à ? 6 lignes téléphoniques en attente sont à gérer en plus des e-mails et des visites spontanées. Cette activité très ? dense n’est pas toujours propice à ? l’écoute. »

« J’entends de plus en plus de personnes en mal-être, confirme un collègue de l’Apec. Face à ? ces difficultés, il serait judicieux de nous former à ? ces nouvelles problématiques afin d’avoir la bonne posture et de prendre du recul. »

Un avis que partage une consœur de Pôle emploi : « Ce que je trouve passionnant, c’est qu’enfin nous puissions échanger entre professionnels de différents parcours et sensibilités autour de ces questions clés ? de l’aide à l’orientation tout au long de la vie. Finalement, nos publics ont des demandes communes, qu’ils soient demandeurs d’emploi ou salariés, cadres ou ouvriers : ils souhaitent être entendus sur leur parcours, et accompagnés pour reconnaître et pouvoir transférer ou faire évoluer leurs compétences. Et ceci en respectant une posture d’écoute bienveillante mais active, favorable à l’émergence de solutions ».

La professionnalisation, clé du succès

« La professionnalisation des opérateurs est la condition centrale de la réussite du conseil en évolution professionnelle », affirme le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (Cnefop, qui rassemble les partenaires sociaux, les régions et l’État) dans son rapport sur le sujet adopté le 12 avril à l’unanimité. Sa recommandation n° 9 propose de « développer la professionnalisation interopérateurs, sous toutes ses formes : immersions croisées, formations communes, communautés de pairs interinstitutionnelles… » et cite Comcep comme exemple d’action à encourager.

« La question de la relation entre le conseiller et la personne bénéficiaire a fait l’objet d’un large consensus sur la nécessité de rompre avec des démarches prescriptives en adoptant des logiques de coconstruction et d’alliance de travail avec le bénéficiaire : elles sont garantes d’un meilleur aboutissement des projets et favorisent le développement de l’autonomie des personnes. Mais, selon les experts auditionnés et selon plusieurs opérateurs, ce changement de posture attendu du conseiller ne semble pas pouvoir être acquis une fois pour toutes, mais devoir faire l’objet d’une professionnalisation récurrente et inscrite dans la durée, notamment au travers d’échanges réguliers entre pairs. À ce stade, la volonté affichée par les opérateurs n’est donc pas entièrement traduite dans les faits. »

Et la préconisation n° 14 du rapport du Cnefop insiste sur la logique de collaboration au plus près du terrain : « Les régions doivent pouvoir bénéficier d’un soutien plein et entier des têtes de réseau nationales pour que les structures présentes sur leur territoire participent activement aux actions d’animation qu’elles organisent. » Cette participation doit prendre la forme d’un « partage d’outils et de ressources facilité par des consignes claires des têtes de réseau nationales visant à encourager le versement au pot commun », et par « la participation des conseillers et pas seulement des représentants des directions des opérateurs aux actions communes proposées par les régions ».

Auteur

  • Laurent Gérard