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Allemagne : Le philharmonique de Berlin, orchestre libéré ?

Sur le terrain | International | publié le : 19.04.2016 | Marion Leo

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Allemagne : Le philharmonique de Berlin, orchestre libéré ?

Crédit photo Marion Leo

Un chef et de nouvelles recrues élus sur la base “un musicien, une voix”, pas de hiérarchie, mais des présidents “porte-parole” des membres consultés sur les programmes et les tournées… un modèle de gestion inhabituel dans ce milieu, qui fait de l’un des meilleurs orchestres du monde le plus démocratique.

Knut Weber, 42 ans, violoncelliste et un des deux présidents (Vorstand) de l’Orchestre philharmonique de Berlin, se souvient du jour où il a été élu membre de l’orchestre par les musiciens. C’était en 1998. Il avait à peine 23 ans. « Je devais jouer devant tout l’orchestre, composé de 128 musiciens exceptionnels. J’étais très nerveux. » Mais le jeune Autrichien réussit l’exercice avec brio. À l’issue d’un vote à la majorité simple, il obtient un CDD de deux ans. Un an plus tard (normalement la période d’essai dure deux ans), son recrutement est confirmé lors d’un nouveau vote, cette fois à la majorité des deux tiers. « Ce fut un grand cadeau. »

En effet, le Philarmonique de Berlin n’est pas un orchestre comme les autres. Il est considéré comme l’Olympe des musiciens. Ses membres sont célébrés comme des stars en Asie. Il a été dirigé par des chefs mythiques comme Wilhelm Furtwängler, Herbert von Karajan ou Claudio Abbado. Depuis 2002, il est conduit par le charismatique Britannique Simon Rattle.

Vote secret

C’est aussi l’orchestre le plus démocratique au monde. Selon le principe “un musicien, une voix”, les 128 musiciens élisent non seulement les nouveaux membres mais aussi leur chef d’orchestre. Le vote a lieu dans le plus grand secret et nécessite parfois plusieurs tours. En juillet 2015, les musiciens finissent, après de longues discussions, à se mettre d’accord sur le nom du successeur de Simon Rattle : le Russe Kirill Petrenko, qui prendra les rênes à compter de 2019. Par ailleurs, tous les trois ans, les musiciens élisent deux présidents chargés de déterminer, en accord avec le chef d’orchestre, les programmes, les tournées et le choix des chefs d’orchestre invités. « Nous nous considérons comme des porte-parole de l’orchestre », précise Knut Weber, élu président en 2015.

Unique en son genre, ce modèle d’autogestion remonte à la création de l’orchestre qui débute en 1882 par une rébellion. Mécontents de leurs gages, les musiciens quittent leur directeur de l’époque, Benjamin Bilse, et créent leur propre formation. « Cette forte détermination est encore aujourd’hui perceptible. L’idée qu’il est nécessaire de pouvoir prendre ses propres décisions pour viser l’excellence est toujours bien ancrée », estime le violoncelliste. Herbert von Karajan lui-même en a fait les frais en 1986, échouant à imposer la clarinettiste Sabine Meyer contre le gré de l’orchestre.

Selon Knut Weber, même la façon de faire de la musique est ici plus démocratique qu’ailleurs. Quand il entre dans la célèbre formation des « 12 violoncellistes », il est frappé par l’absence de hiérarchie. « À l’exception du premier et du second violoncelle, les musiciens pouvaient s’asseoir où ils voulaient. Au Philarmonique de Vienne, les derniers arrivés devaient s’asseoir derrière. » Cet état d’esprit est visible dans tout l’orchestre. « Personne ne donne à l’autre l’impression d’être supérieur. » Pour les musiciens non-allemands (soit plus de la moitié de l’orchestre), peu habitués à la méthode consensuelle, très ancrée dans les entreprises allemandes, jouer dans cet orchestre nécessite parfois un processus d’apprentissage. « J’ai vite compris en arrivant qu’on ne me demandait pas de suivre les autres. Chaque membre doit donner une impulsion. »

Selon Knut Weber, ce mode de fonctionnement est l’une des clés du succès de l’orchestre. Le fait d’avoir été élu porte une exigence. Les musiciens savent qu’ils bénéficient de la confiance de l’orchestre et qu’ils doivent être à la hauteur. « On n’a jamais le sentiment qu’on peut se reposer sur ses lauriers. Tous essaient de donner en permanence leur maximum. » Cette liberté est aussi source de créativité. C’est un musicien qui a eu l’idée de retransmettre sur Internet les concerts du Philharmonique. Le Digital Concert Hall, qui permet d’accéder à des concerts diffusés en direct et à une base d’archive de plus de 330 concerts, rencontre un énorme succès.

La réussite économique est aussi au rendez-vous. L’orchestre est le seul à Berlin à refinancer deux tiers de son budget par ses propres recettes. Les salaires (identiques pour tous, à quelques exceptions) ne sont pas mirobolants comparés à ceux versés aux États-Unis. Mais jouer au Philharmonique de Berlin n’a pas de prix.

Dans les médias

HANDELSBLATT. Bonus réduits pour les patrons de VW

À la fin, ce fut un bras de fer. Une semaine durant, le directoire et le conseil de surveillance de Volkswagen s’étaient affrontés sur le montant des bonus à verser aux membres du directoire [ndlr : suite au scandale des moteurs Diesel truqués]. Ils n’ont droit à aucun bonus ou à des bonus très réduits, défendaient les salariés et le Land de Basse-Saxe. (…) Décision prise à l’issue d’une réunion du directoire : les bonus seront réduits de plus de 30 %. (…) Le fait que cette querelle indigne sur les primes soit devenue une affaire d’État témoigne aussi des déficiences de VW dans la gestion de la crise. 13 avril. Handelsblatt, quotidien économiste.

Auteur

  • Marion Leo