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Des communes du Finistère en pointe sur la prévention des RPS

Zoom | publié le : 12.04.2016 | Violette Queuniet

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Des communes du Finistère en pointe sur la prévention des RPS

Crédit photo Violette Queuniet

Neuf collectivités locales du Finistère mènent une recherche-action de prévention des risques psychosociaux (RPS) ciblée sur le management et l’organisation du travail. Pendant l’actuelle phase d’expérimentation, des outils managériaux conçus par 40 encadrants de proximité sont déployés. À l’issue des tests, ces outils pourront être utilisés à l’échelle nationale.

Les encadrants de proximité, meilleur rempart contre les risques psychosociaux ? C’est en tout cas l’axe choisi par une recherche-action démarrée en 2013 dans plusieurs communes du Finistère, en réponse à un appel à projet du Fonds national de prévention de la CNRACL (le régime de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers). « L’accord-cadre du 22 octobre 2013 sur la prévention des RPS donne un rôle tout à fait spécifique aux encadrants de proximité sur ce sujet. Leur posture est en train d’évoluer. Ils ne peuvent plus se contenter d’être des experts, ils doivent aussi être des animateurs et des managers attentifs à l’ambiance de travail et aux formes de reconnaissance des agents », explique Delphine Le Guerson, responsable du pôle emploi territorial au Centre de gestion (CDG) du Finistère.

Le CDG, sorte de “super DRH” des collectivités du département, porte le projet depuis l’origine avec Brest Métropole (porteur financier), les communes du Relecq-Kerhuon, de Ploumoguer et la communauté de communes de la Presqu’île de Crozon. Soit des collectivités de toutes tailles. Depuis, le groupe d’origine a été rejoint par cinq autres collectivités (Lampaul-Guimiliau, Daoulas, Quimperlé, Landerneau, Communauté d’agglomération de Concarneau-Cornouaille). Dans le comité de pilotage figurent également le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et l’université de Bretagne Occidentale. Le cabinet conseil Plein Sens a été choisi pour mener la démarche. Présentée aux membres du CHSCT du CDG, elle a été accueillie favorablement, même si ceux-ci ont regretté que l’initiative soit limitée aux encadrants de proximité. Par ailleurs, ils ne siègent pas au comité de pilotage.

Enquête sociologique

La première phase a consisté en une enquête sociologique auprès d’un échantillon d’une quarantaine d’encadrants de proximité. Au cours d’entretiens individuels et collectifs, ils ont été amenés à s’exprimer sur leurs conditions de travail et leur rôle d’encadrants. Ces entretiens ont permis d’élaborer un questionnaire, qui a été adressé à 500 de leurs homologues.

Les résultats ont surpris les commanditaires. « L’hypothèse de départ était que l’encadrement de proximité constituait le maillon faible, pris entre le marteau et l’enclume. C’est plutôt vrai dans le privé. Ça ne l’est pas du tout – ou pas encore – dans le public. Ces managers vont plutôt bien, car ils sont dans l’échelon qui leur convient, entre la production et le management. Ils font produire, mais produisent aussi. Ils développent leur identité professionnelle au moins autant dans une logique métier que dans une fonction managériale », commente Éric Molière, directeur associé de Plein Sens et pilote de la recherche-action.

Pour autant, quelques préoccupations ont émergé : un certain isolement managérial, la confrontation à des situations difficiles (démotivation, difficultés personnelles des agents), un éloignement, pour certains, de leurs équipes, la montée des incivilités ou de conflits interpersonnels qui dégradent les conditions de travail. Des problématiques identiques quelle que soit la taille de la commune. Par ailleurs, ils sont conscients des évolutions à venir de la fonction publique territoriale – notamment une exigence accrue de service public dans un contexte de réduction de moyens – et se sentent peu armés pour y répondre.

D’où l’intérêt, pour eux, de concevoir des outils de prévention primaire, en amont de ces évolutions. Ils ont eux-mêmes imaginé huit actions pour prévenir ces risques (lire l’encadré) au cours d’ateliers de créativité.

Conduite du projet

Il s’agit maintenant de les mettre en œuvre. C’est l’objet de la phase d’expérimentation de la recherche-action, qui vient de débuter, après une formation des encadrants de proximité à la conduite de projet. L’un d’entre eux, Christophe Uguen, s’est saisi de la problématique du management à distance pour sa commune, Le Relecq-Kerhuon (12 000 habitants). Responsable du personnel des écoles, il encadre une cinquantaine d’agents : animateurs, agents de bibliothèques, agents spécialisés d’écoles maternelles (Atsem), qui travaillent dans cinq écoles. Il expérimente l’action « Équipe autonome » autour du projet de self que la commune veut mettre en place pour remplacer les cantines traditionnelles. « Ce projet va redéfinir la place de chacun. Par exemple, les Atsem seront davantage sollicités lors du temps de repas. L’action « Équipe autonome » fait réfléchir ensemble les agents aux solutions pour anticiper ces changements. C’est aussi l’occasion pour chacun de mieux prendre en compte les problématiques de travail de l’autre », indique Christophe Uguen.

Toutes les actions seront évaluées avec des indicateurs principalement qualitatifs (climat social apaisé, meilleure connaissance du travail de son équipe par le manager, etc.) élaborés par les managers eux-mêmes. Un premier bilan sera dressé à l’automne 2016. Les résultats seront présentés pour la première fois en public le 13 décembre prochain, à l’occasion du Forum régional des élus et de l’emploi territorial organisé par le CDG du Finistère.

Déploiement national

Ce type de recherche-action a vocation à être diffusé nationalement, justifiant l’investissement financier du FNP qui peut aller jusqu’à 450 000 euros. La démarche finistérienne dispose, elle, d’un budget de 330 000 euros. Ce déploiement commencera en 2017, avec, notamment, l’aide du CNFPT, qui organisera des actions de formation et de mise en réseau.

Quatre axes et huit actions

Déclinés en quatre axes et huit actions, les outils managériaux conçus par les encadrants de proximité commencent à être testés dans neuf collectivités du Finistère.

Le management à distance

Le passe-muraille : immersion d’une journée du manager auprès de ses agents.

Une équipe autonome : amener des agents de services différents à faire équipe localement.

Les violences externes

Opération immersion : trois jours dans une autre structure pour partager avec d’autres professionnels déjà confrontés à des situations de violence.

Les vidéos civiles : réalisation et diffusion de vidéos humoristiques tournant en dérision les auteurs de comportements incivils.

Les conflits qui traînent

La ruche : mettre en valeur l’apport spécifique de chacun dans le travail collectif (par exemple au travers de missions transverses).

Handicap invisible : dispositif de médiation autour des incapacités non reconnues officiellement et qui peuvent être source d’incompréhension.

Le sentiment de solitude managériale

Le tableau de créativité : rapprocher le manager de son équipe en les faisant travailler ensemble régulièrement sur un projet, une activité.

Réseau de proximité : créer une communauté de travail à l’échelle d’un territoire pour échanger entre pairs.

Auteur

  • Violette Queuniet