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Les clés

Manager à toute petite échelle

Les clés | publié le : 05.04.2016 | Florence Roux

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Manager à toute petite échelle

Crédit photo Florence Roux

Gestion d’équipe. Comment les dirigeants d’entreprises de moins de dix salariés allient-ils les impératifs de production et de commercialisation aux tâches de management de leur équipe ? Ou comment lever le nez du guidon sans tout lâcher.

Le management ? « Pas le temps chez nous ». « Je n’en fais pas ». À en croire certains dirigeants de très petites entreprises (TPE), manager ne serait pas nécessaire – et trop chronophage en deçà de dix salariés. Si les TPE n’emploient que 18 % du personnel du secteur marchand en France, elles sont plus de 2,1 millions (65 % des entreprises, Insee, 2012). Soit autant de patrons qui doivent tout gérer. Le management des ressources humaines passant souvent au second plan.

« Pourtant, à partir de cinq ou six salariés, il faut bien apprendre à déléguer », note Annabelle Jaouen, enseignante-chercheure à Montpellier Business School, spécialiste des TPE (lire ci-contre). « Je ne peux pas tout faire !, reconnaît Teddy Kefalas, directeur de l’organisme de formation ADK Conseils à Paris, neuf salariés en conseil-formation et téléprospection – et, au moins, une vingtaine d’intervenants réguliers. Je dirige, je gère beaucoup le commercial et j’assure les entretiens professionnels. J’ai un bras droit qui peut aussi passer de l’information en management et participe au recrutement. »

Claude Cazalot, aujourd’hui consultant et enseignant, n’a pas hésité, lui non plus, à prendre un adjoint quand il a racheté une petite entreprise du BTP en 2002, dans l’Hérault : « Habitué à la répartition des tâches dans les grands groupes, j’ai tout de suite recruté un encadrant intermédiaire pour gérer la production, explique cet ancien chercheur en informatique. Cela évite un management familial où le patron, doté d’une forte technicité, prend le pouvoir. » Recruter un bras droit non « directement productif », c’était aussi une prise de risque dans une petite société. « Mais je visais la croissance, ajoute-t-il. Quand j’ai revendu l’entreprise, elle avait 40 salariés, contre 12 au départ. » Pour Alexandrine Hertzog, gérante de Sélène & Gaïa, créateur fabricant de linge de maison, né en 1999 à Lyon, prendre un “bras droit” était aussi un risque. « Nous ne sommes que quatre, mais j’avais besoin de me reposer sur quelqu’un de confiance pour l’administratif, note-t-elle. Je voulais me consacrer davantage à la création des nouvelles gammes, tout en améliorant ma gestion d’équipe. »

Pour la dirigeante, ce recrutement s’inscrit dans une dynamique de redéfinition de son projet d’entreprise : « Il y a un an et demi, j’avais constamment le nez dans le guidon, confie-t-elle. Je frisais le burn-out. » Avec la CGPME, la jeune femme a alors rencontré d’autres dirigeants. Elle a suivi des formations, en management et en développement personnel. « Je me suis octroyée le temps de sortir de l’entreprise pour faire le point, ajoute-t-elle. Et ce temps-là m’a redonné de l’énergie. » Résultat : dans un contexte de refonte de sa production, la chef d’entreprise a pris du recul et associe désormais davantage ses salariés à la définition des nouvelles gammes. Et elle combine étroitement création et management.

Pour Claude Cazalot, « il est vital d’adopter un management plus participatif, de fixer des objectifs, plutôt que de mâcher le travail à chacun. Et il faut rencontrer ses pairs, faire confiance, plutôt que d’avoir peur ». Pour l’ancien chef d’entreprise, « le pire risque est de s’isoler ». Le temps qui manque ? C’est un faux débat selon Jean-Marc Morelle, vice-président d’Egee*, une association d’ex-dirigeants ou de cadres supérieurs à la retraite qui aident des créateurs d’entreprise : « Prendre une demi-journée de temps en temps, créer des effets de réseau, c’est vital. Le patron de TPE n’est pas protégé comme les cadres dans les groupes. Il est tout le temps en première ligne et sans courroie de transmission. »

Appel à un Conseil extérieur

Autre solution pour prendre de la distance dans un contexte qui favorise au contraire la proximité : accueillir une personne conseil. À partir du moment où elles en ont les moyens, certaines entreprises ont recours à un intervenant extérieur, en particulier pour le management ou les RH. Éric Sinet, manager à temps partagé de plusieurs entreprises en Bretagne, estime que « les TPE font appel à un conseil extérieur en phase de croissance comme de crise, pour recruter ou licencier, mais aussi pour fédérer ». Selon son président Emmanuel de Prémont, le réseau de travail partagé Finaxim compte 30 % de TPE parmi ses clients en gestion des RH. Le service va de la gestion des obligations RH de base aux référentiels de postes, en prévision d’une GPEC. « Cela peut paraître surdimensionné pour une TPE, ajoute Emmanuel de Prémont. Mais cela montre, à la fois aux futurs salariés et aux investisseurs, la structuration d’un projet. »

Cependant, note Jean-Marc Morelle, « l’intervenant – même bénévole comme nous, qui accompagnons les créateurs de TPE et PME dans tous les actes de la vie de l’entreprise – ne peut pas prendre trop d’ascendant. Le patron doit rester le chef d’orchestre. C’est lui qui donne l’exemple, qui manage ».

* Entente des générations pour l’emploi et l’entreprise.

Les conseils du coach

Annabelle Jaouen

Enseignante-chercheure à Montpellier Business School

1

Être cohérent avec son projet d’entreprise

Certains dirigeants de TPE souhaitent avant tout prendre plaisir dans le métier qu’ils aiment. Ils limitent le nombre de leurs collaborateurs, qui leur sont très proches, sans souci de grandir à tout prix. D’autres patrons s’orientent d’emblée, ou très vite, vers la croissance. Ils délèguent et embauchent plus facilement. Il optent davantage pour un management structuré. Le type de management dépend du projet.

2

Apprendre à déléguer

Le dirigeant d’une TPE est un peu l’homme-orchestre : il fait tout, dirige, produit, vend, achète. Mais il est important de faire confiance à chaque salarié en lui fixant des objectifs, plutôt qu’en le contrôlant à chaque étape. Et il est essentiel de confier certaines tâches, administratives par exemple, à un bras droit. Cela dégage du temps au dirigeant pour vendre, acheter, orienter, décider ou manager…

3

Prendre du recul

Je suis contre les recettes. Cela ne correspond pas aux TPE, où le rôle de l’informel et la personnalité du dirigeant sont essentiels. Mais le patron de TPE, qui est en permanence dans la proximité avec ses salariés et sa société, gagne à prendre du recul. Il peut se ressourcer et trouver de nouvelles idées en rencontrant d’autres chefs d’entreprise, comme cela est bien organisé par les Opca ou les fédérations professionnelles. Il peut aussi, selon ses ressources, faire appel à certains moments à des cadres à temps partagé. Cela apporte un regard frais dans l’entreprise.

Auteur

  • Florence Roux