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L’enquête

Elixens : neuf refus de validation en trois ans

L’enquête | publié le : 29.03.2016 | Hubert Heulot

D’une société à l’autre, le groupe de PME Elixens ne cesse de récrire un projet d’aménagement du temps de travail avec forfait-jours, validé pourtant à l’origine par un délégué syndical.

« On essaie de nous faire rentrer dans un trou de serrure. Nous sommes à ce point cadrés que nous en perdons toute latitude, toute flexibilité ! » Carole Abdelli dirige Elixens, un petit groupe d’entreprises spécialisées dans les arômes et les parfums, à Paris. Celles-ci sont dépourvues de délégués syndicaux. La commission paritaire nationale de validation des accords (CPNV) de la branche chimie vient de retoquer pour la deuxième fois l’accord sur le temps de travail signé avec le comité d’entreprise de La Mesta, la troisième société du groupe à passer par cette procédure en trois ans. Cette fois, la commission veut que les salariés respectent un délai de prévenance de trois jours, au lieu de huit dans l’accord, pour prendre une journée de RTT. « Ce n’est écrit nulle part, dans aucun texte », s’insurge la dirigeante d’entreprise. Elle n’est pas « emballée » pour faire corriger l’accord et le soumettre à nouveau. Ce sera la neuvième fois en trois ans, pour deux succès jusqu’ici.

Début 2013, après l’échec de l’accord de branche sur le temps de travail dans la chimie, le groupe Elixens a entamé ce que Carole Abdelli appelle sa « régularisation » : à coups d’accords avec leurs représentants du personnel, ses différentes entreprises donnent une base légale aux forfaits-jours sur lesquels fonctionnent ses commerciaux et des responsables de services itinérants, « qui ne peuvent finir de travailler à 18 heures ». « Un système qui satisfait tout le monde », fait remarquer Carole Abdelli.

La première approbation d’un accord, signé avec des délégués du personnel d’Elixens France (40 salariés), a eu lieu en juillet 2013, après quatre refus initiaux. La deuxième, décrochée en mai 2014 pour Florescence (45 salariés), a concerné un texte paraphé par la délégation unique du personnel (DUP) et a donné lieu à trois allers-retours avec la CPNV. Le troisième accord a été signé par le comité d’entreprise de La Mesta (75 salariés).

Au départ, le groupe a adapté un accord signé fin 2012 au niveau de la société mère (17 personnes) avec un délégué syndical CFE-CGC, qui est parti depuis. Ensuite, à chaque fois, il a repris le texte le plus récemment approuvé par la CPNV. Selon Carole Abdelli, ces accords d’entreprise ne manquaient jamais de contreparties en faveur des salariés : l’entretien annuel d’évaluation – les cadres n’en bénéficiant pas habituellement – ; les 10 à 12 jours, selon les sociétés, de repos supplémentaire dans l’année par rapport aux salariés aux horaires normaux. D’ailleurs, la CPNV n’en a jamais demandé plus. Mais tout cela n’a jamais suffi pour une approbation d’emblée. « Plus on avance, plus il y a de formalisme et d’extrapolation par rapport aux textes officiels ! », juge Carole Abdelli.

« Abus de garde-fous »

Certaines corrections sont même, pour elle, antinomiques avec le forfait-jours. Comme le contrôle des heures effectuées dans la journée. Un document de vérification a été rejeté par la CPNV, parce qu’il stipulait qu’elle était effectuée par le supérieur hiérarchique au lieu de s’en tenir à la simple déclaration du salarié. De même, l’impossible dérogation aux 11 heures quotidiennes de repos, y compris pour circonstances particulières. « On ne retarde pas un rendez-vous tôt le matin avec un client à l’étranger parce qu’on est arrivé sur place tard la veille ! Et puis rien n’empêche de se reposer dans la journée suivante. »

Pour Carole Abdelli, il y a un « abus de garde-fous » relevant d’une suspicion générale. « Ce n’est pas comme ça que ça marche dans les entreprises, surtout dans les PME ! » Elle dénonce aussi les innombrables demandes de reprises, dans l’accord d’entreprise, de paragraphes du Code du travail et de la convention collective. Comme l’accord du salarié pour passer au forfait-jours, ce qui lui semble évident.

À l’inverse, la dirigeante du groupe Exilens pointe des insuffisances. La CPNV n’a jamais demandé le moindre article relatif à un droit des salariés à la déconnexion. Carole Abdelli en déduit que « les syndicats qui siègent à la commission ne veulent tout simplement pas du forfait-jours ! Ils veulent seulement nous décourager ! » Et comme elle constate, de plus, que la commission revient sur des sujets qu’elle n’a pas évoqués dès le premier rejet d’un accord – ce qui est contraire à son propre règlement – et que cela finit par prendre beaucoup de temps, elle en conclut : « Le système doit changer. »

Répères

Activité

Fabrication d’arômes et de parfums.

Effectif

150 salariés.

Chiffre d’affaires 2014

11,9 millions d’euros.

Auteur

  • Hubert Heulot