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La semaine

Réforme : projet de loi travail : les dispositions de la version 2

La semaine | publié le : 29.03.2016 | Emmanuel Franck, Laurent Gérard, Élodie Sarfati

Présenté en Conseil des ministres le 24 mars, le projet de loi « visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs » devrait être examiné à l’Assemblée nationale début mai pour une adoption pendant l’été. En voici les principales dispositions.

Dialogue social

Primauté de l’accord d’entreprise

Le texte donne la primauté à l’accord d’entreprise sur l’accord de branche en matière de temps de travail, notamment pour la fixation du taux de majoration des heures supplémentaires (avec un plancher à 10 %), la mise en place d’astreintes, la fixation des contreparties au temps d’habillage et de déshabillage, etc. Toutefois, le gouvernement a revu sa copie sur la pluriannualisation du temps de travail. En effet, seul un accord de branche pourra prévoir la modulation du temps de travail sur une période supérieure à un an (trois ans maximum), l’accord d’entreprise ne pouvant aménager le temps de travail que sur une période maximale d’un an, comme actuellement.

Les accords majoritaires en deux étapes

Le projet de loi Travail institue l’accord majoritaire d’entreprise mais uniquement pour les accords portant sur la durée du travail, les repos et les congés. Les accords portant sur ces sujets seront considérés comme valides s’ils sont signés par des syndicats représentant 50 % des suffrages en faveur des organisations représentatives aux dernières élections professionnelles, ou s’ils sont signés par des syndicats représentant 30 % et approuvés par une majorité de salariés. Ces deux conditions de validité s’appliqueront aux autres accords collectifs au plus tard le 1er septembre 2019. D’ici là, les conditions de validité des accords vont donc différer selon le sujet traité. Dans la première version du texte, la validation majoritaire et le référendum étaient généralisés à l’ensemble des accords d’entreprise.

Dialogue social dans les PME

Mandatement élargi

Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical et dans lesquelles les élus ne souhaitent pas négocier, les accords d’entreprise peuvent être négociés par des salariés mandatés par des syndicats. Actuellement, ces mandatés peuvent seulement négocier des mesures dont la mise en place suppose un accord d’entreprise (le forfait-jours, par exemple). Le projet de loi élargit leur champ de négociation à la totalité des mesures négociables.

Retour de la validation tacite

Actuellement, dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, les accords négociés par des élus non mandatés doivent être validés par des commissions de branche. Comme c’était le cas avant la loi Rebsamen de 2015, le projet de loi prévoit que, faute de réponse de la commission dans un délai de quatre mois, l’accord est réputé valide.

Temps de travail

Le Forfait-jours

Les forfaits en jours ou en heures sur l’année sont mis en place par accord d’entreprise ou, à défaut, par accord de branche. La première version du texte donnait la possibilité aux PME employant moins de 50 salariés de conclure des conventions de forfait sur simple décision unilatérale. C’est donc un retour à la situation actuelle. Le projet de loi prévoit que l’accord collectif instituant les forfaits-jours détermine les modalités de mise en œuvre de l’évaluation et du suivi régulier de la charge de travail, du droit à la déconnexion et des entretiens périodiques avec le salarié. Toutefois, même en l’absence de telles dispositions dans l’accord, les forfaits-jours resteront valides dès lors que l’employeur organise un entretien annuel spécifique, établit un document de contrôle des jours travaillés et s’assure que la charge de travail du salarié est compatible avec les temps de repos.

Licenciement

Le motif économique précisé

Le projet de loi intègre à la définition légale actuelle du licenciement économique les motifs issus de la jurisprudence, comme la sauvegarde de la compétitivité. Il précise également la notion de difficultés économiques, en listant un certain nombre d’hypothèses : une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pendant plusieurs trimestres, une perte d’exploitation pendant plusieurs mois, une importante dégradation de la trésorerie… Sur les deux premiers items, les branches pourraient négocier la durée minimale à prendre en compte avant de déclencher des licenciements. Autre innovation du projet de loi : l’appréciation des difficultés du secteur d’activité de l’entreprise au niveau de la France seule, et non plus international. Seule restriction : le juge pourra sanctionner une entreprise s’il estime que les difficultés économiques ont été « créées artificiellement à la seule fin de procéder à des suppressions d’emploi ».

Un nouveau motif de licenciement

Le projet de loi étend la possibilité de conclure des accords d’entreprise qui s’imposent aux contrats de travail des salariés. Ainsi, les mesures d’un accord d’entreprise majoritaire conclu « en vue de la préservation ou du développement de l’emploi » pourront se substituer aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail. Seule limite : la rémunération mensuelle du salarié (qui sera définie par décret) ne peut être réduite. Le salarié conserve le droit de refuser l’accord, mais il pourra alors être licencié selon les modalités d’un licenciement personnel reposant sur une cause réelle et sérieuse. Le texte prévoit que les négociateurs syndicaux puissent être accompagnés d’un expert-comptable.

Formation

Le compte personnel d’activité (CPA) enrichi

La création d’un “Compte engagement citoyen” est une nouveauté du texte. Il recense les activités bénévoles ou de volontariat de son titulaire, et il permet d’acquérir « des heures inscrites sur le compte personnel de formation à raison de l’exercice de ces activités », ainsi que « des jours de congés destinés à l’exercice de ces activités », dans des conditions qui restent encore à déterminer. Ce nouveau compte répond à une demande exprimée par des organisations syndicales (CFDT, CFTC) et une fédération étudiante (Fage), et prévoit de faciliter la reconnaissance des compétences acquises (notamment au travers de la validation des acquis de l’expérience) dans le cadre d’activités menées bénévolement dans le secteur associatif, dans le cadre du service civique, de la réserve militaire, citoyenne, sanitaire ou de la sécurité civile. Les maîtres d’apprentissage en bénéficieront également. Aux côtés du compte personnel de formation et du compte personnel de prévention de la pénibilité, le “compte engagement citoyen” constituera le troisième pilier du CPA tel qu’il entrera en application au 1er janvier 2017.

Par ailleurs, le projet prévoit l’extension du CPA à l’ensemble des actifs : dès le 1er janvier 2018, les travailleurs indépendants (auto-entrepreneurs, professionnels libéraux, travailleurs non salariés…) se verront eux aussi éligibles à ce droit.

Un “capital formation” pour les moins qualifiés

Un “capital formation” est prévu pour les moins qualifiés, et particulièrement les salariés sans qualification, pour se reconvertir ou obtenir des diplômes ou titres professionnels. Leur CPA sera alimenté de 40 heures chaque année (contre 24 aujourd’hui) dans la limite de 400 heures par an (contre 150 aujourd’hui). Pour l’année 2016, ce dispositif serait financé sur l’enveloppe d’un milliard d’euros dégagée par l’État au titre du plan “500 000 formations pour les demandeurs d’emploi”.

De même, tout jeune de moins de 26 ans sorti sans diplôme du système éducatif pourra se voir doté d’un “capital formation” lui permettant d’acquérir une qualification. Le nombre d’heures nécessaires à la formation choisie sera inscrit sur son CPA.

Auteur

  • Emmanuel Franck, Laurent Gérard, Élodie Sarfati