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Franck Morel associé du cabinet Barthélémy avocats

La semaine | L’interview | publié le : 29.03.2016 | Frédéric Brillet

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Franck Morel associé du cabinet Barthélémy avocats

Crédit photo Frédéric Brillet

« La loi Travail n’apporte rien de nouveau sur le fait religieux en entreprise »

Que stipule le projet de loi Travail à propos de la religion dans l’entreprise ?

Le 6e principe posé par la commission Badinter, introduit dans la loi Travail, évoque la liberté de conscience et de religion dans l’entreprise, mais il n’apporte rien de nouveau ni par rapport aux dispositions du Code du travail dans sa version actuelle, ni par rapport à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). La Cour de justice de l’Union européenne, pour sa part, va prochainement se prononcer sur l’opposabilité des exigences de la clientèle en la matière. Les réactions hostiles de personnalités politiques, qui ont accusé cet article 6 d’introduire le communautarisme en entreprise, sont donc excessives.

Que peut-on reprocher alors à ce 6e principe ?

On peut lui reprocher, par sa redondance, de contribuer au “droit bavard” mais aussi de se focaliser sur le religieux. Il aurait été plus judicieux d’étendre cet article à tous les types d’opinion politiques et philosophiques, tout en prenant la peine de préciser ce qu’est le trouble au bon fonctionnement de l’entreprise, tant cette notion est subtile. Ainsi, un employeur qui avait licencié son sacristain après avoir découvert son homosexualité a été condamné par la Cour de cassation, qui a jugé que le trouble au bon fonctionnement de l’organisation n’était pas avéré. Des opinions en décalage avec les valeurs de son employeur ne sauraient justifier un licenciement, tant qu’on ne les manifeste pas publiquement. En revanche, un salarié qui refuse de serrer la main d’une personne du sexe opposé peut être sanctionné car il trouble le bon fonctionnement de l’entreprise.

Le juge pourrait aussi être amené à se prononcer sur des situations inédites. Imaginons que l’employeur demande à une salariée recrutée pour développer des marchés à l’exportation de se rendre en Iran. Qu’advient-il si elle refuse de porter le voile, ce qui l’empêche d’accomplir sa mission ? Elle pourrait être sanctionnée devant les tribunaux français car son comportement nuit en l’espèce au bon fonctionnement de l’entreprise.

Comment les contentieux liés à l’expression du fait religieux en entreprise évoluent-ils ?

Comme le souligne Slimane Laoufi, chef du pôle emploi privé au Défenseur des droits, les saisines liées à un critère religieux ne représentent que 1,4 % du total. Mais leur nombre pourrait augmenter, car les grands syndicats donnent le sentiment d’être débordés par des revendications communautaristes. Par ailleurs, d’une manière générale, les dossiers dont se saisissent le Défenseur des droits ou la justice sont plus graves qu’auparavant.

Auteur

  • Frédéric Brillet