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Du côté de la recherche

Chronique | publié le : 29.03.2016 | Denis Monneuse

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Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Discrimination et troubles mentaux : un couple infernal

Parce qu’on a sans doute une vision en partie faussée de l’autisme, on imagine difficilement que, parmi nos collègues, certains souffrent peut-être de troubles du spectre autistique. La récente enquête des professeurs Tiffany Johnson et Aparna Joshi, de l’université de Pennsylvanie, sur la détection de ces troubles sur le lieu de travail ainsi que sur les conséquences qui en résultent, est donc d’un grand intérêt(1). Qu’y apprend-on ?

Tout d’abord, que des personnes atteintes de ces troubles travaillent dans une grande variété de secteurs professionnels, aussi bien dans la finance que dans l’enseignement, par exemple. D’ailleurs, contrairement à ce que l’on pourrait croire, une partie d’entre eux occupe des professions exigeant des interactions sociales importantes. Autrement dit, ils n’occupent pas tous des postes relativement isolés, ne demandant que peu de qualités relationnelles. Cela ne signifie pas pour autant que des postes exposés au public ne leur posent pas problème. D’un côté, certains d’entre eux sont demandeurs de métiers relationnels, de l’autre, dans le même temps, ces mêmes personnes peuvent craindre de se retrouver dépassées.

Tiffany Johnson et Aparna Joshi se penchent particulièrement sur la question du diagnostic. Ceux qui sont diagnostiqués sur le tard se sentent moins discriminés au travail et davantage capables d’occuper des postes avec une forte dimension relationnelle que leurs homologues diagnostiqués plus tôt. Ils souhaitent autant que possible occuper le même type de fonctions que leurs autres collègues non atteints d’autisme.

Plus largement, il ressort une diversité d’attentes chez les personnes souffrant de ce type de troubles. Ceux diagnostiqués précocement expriment un plus grand besoin de soutien de la part de l’entreprise ou du collectif de travail que les personnes qui sont diagnostiquées sur le tard.

Quant aux effets du diagnostic, ils semblent davantage négatifs quand celui-ci est tardif. Une fois que leur trouble est détecté, ceux qui sont diagnostiqués sur le tard se sentent plus discriminés et perdent plus en estime d’eux-mêmes que ceux qui sont diagnostiqués précocement. C’est pourquoi on retrouve un phénomène bien connu en matière de handicap : certains salariés cachent leurs difficultés par crainte d’une stigmatisation. En l’occurrence, ils préfèrent par exemple passer pour des personnes introverties que pour des personnes étiquetées “autistes”.

Les auteurs concluent que, d’un côté, il n’est pas facile pour les personnes souffrant d’autisme de mener leur carrière comme un long fleuve tranquille et que, de l’autre, il n’est pas évident pour les entreprises de proposer le cadre de travail idéal en raison de la diversité des situations et des attentes. Plutôt que d’y voir un casse-tête, managers et DRH seraient inspirés de se focaliser sur cette dernière découverte : la gravité du diagnostic est corrélée au sentiment de discrimination et à la faible estime de soi. Autrement dit, la discrimination tend à renforcer le trouble. Le premier devoir de l’entreprise est donc d’éviter qu’un cercle vicieux se mette en place. Pour cela, il est nécessaire de combattre les préjugés sur l’autisme. Espérons que la diffusion de cette enquête y contribuera ! ?

1) T. Johnson et A. Joshi, “Dark Clouds or Silver Linings ? A Stigma Threat Perspective on the Implications of an Autism Diagnosis for WorkPlace Well-Being”, Journal of Applied Psychology, 2015.

Auteur

  • Denis Monneuse