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La Marine engage les tests du nouveau logiciel de paie des militaires

Zoom | publié le : 22.03.2016 | José Garcia Lopez

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La Marine engage les tests du nouveau logiciel de paie des militaires

Crédit photo José Garcia Lopez

L’heure de vérité approche pour Source Solde, le futur logiciel de paie interarmées. Pour éviter un second fiasco après Louvois, le projet, très complexe, a été piloté comme un programme d’armement. La Marine s’apprête maintenant à soumettre le système au banc d’essai jusqu’à la fin de l’année. Une répétition sous haute surveillance.

Cette fois-ci, la Défense mise sur la prudence. Afin d’éviter un naufrage à la Louvois, calculateur tristement célèbre pour ses bugs (lire Entreprise & Carrières n° 1152 et n° 1169), le ministère a voulu fiabiliser au maximum Source Solde, son prochain logiciel de paie. D’ici à la fin du mois de mars, la Marine soumettra le système à une batterie de tests méthodiques et à des contrôles sévères. Objectif : s’assurer de la bonne marche de l’ensemble des fonctions avant la mise en œuvre.

Le désastreux Louvois

Il faut dire que le précédent système Louvois, ce « logiciel fou », a engendré un « désastre » sur la solde [la paie, NDLR] des militaires, selon les mots martelés par le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, lors de son discours sur Source Solde au siège du ministère le 15 janvier dernier. Depuis le lancement d’un plan d’urgence fin 2013, le ministère a ainsi déboursé quelque 52 millions d’euros sous forme d’avance pour rétablir les droits des militaires. Les trop-versés s’élevaient, eux, à 363,2 millions d’euros à la fin 2015. En cause, les failles du calculateur, mais aussi celles des systèmes d’information de ressources humaines (SIRH) et « une organisation qui avait décidé trop vite la transformation ». Irréparable, car très instable, Louvois devait être remplacé. Après un dialogue compétitif d’un an, c’est Sopra Steria qui a remporté, en avril 2015, le contrat d’un montant de 128 millions d’euros sur dix ans pour concevoir le nouveau logiciel.

Caroline Gervais, ingénieure générale de l’armement et pilote du projet Source Solde, insiste sur le travail fourni au préalable pour définir les besoins avec précision : « Tout a dû être explicité dans les moindres détails. » Car, dans la Fonction publique, la rémunération des militaires est l’une des plus compliquées à calculer. Entrent notamment en ligne de compte la situation familiale et administrative des intéressés, leurs affectations ou encore leurs qualifications et les missions opérationnelles auxquelles participent les soldats. Le calcul de la paie s’appuie aussi sur « les strates de réglementation, véritable millefeuille qui reflète les évolutions de la condition des fonctionnaires et des militaires ces dernières années », illustre l’ingénieure générale.

Travail préparatoire

Pour gérer ces sommets de complexité, le projet Source Solde est piloté comme un programme d’armement. La Direction générale de l’armement (DGA) épaule la direction des ressources humaines du ministère de la Défense (DRH-MD) au sein d’une équipe intégrée. Laquelle réunit 12 spécialistes en conduite de “programmes complexes” de la DGA et 25 ingénieurs experts de la solde de la DRH-MD. Depuis fin 2013, près de 200 ateliers réunissant l’équipe programme et des utilisateurs de toutes les armées ont décrit précisément les éléments de rémunération, les indemnités, les conditions d’ouverture de droits à primes, ou encore les différentes retenues et cotisations. Grâce au dossier de conception détaillé ainsi obtenu, Sopra Steria a implémenté les règles de calcul dans son progiciel, HR Access.

Selon le ministre, ce travail préparatoire a eu pour ambition de replacer « l’homme au cœur du système ». L’ingénieure générale insiste quant à elle sur la richesse des informations fournies, aussi bien par les gestionnaires de la paie que par les militaires. Ces derniers disposeront ainsi d’un bulletin de solde plus lisible. Ils auront également accès à leurs données personnelles et administratives et pourront notamment s’informer des conséquences des évolutions de carrière sur leur rémunération. Le tout sera facilement accessible via un portail, à partir d’un poste connecté à l’intranet sécurisé de la Défense (Intradef).

De leur côté, les gestionnaires devraient également disposer d’un outil simple et complet. Ils auront une vue globale sur le dossier des usagers. Toutes les parties pourront discuter à partir des mêmes informations. L’enjeu, à travers ce dialogue entre administrés et administrateurs, est « de retrouver ce lien humain, qui s’était perdu dans le précédent système », a insisté le ministre.

Contrôles avant le calcul final

Autre avancée fondamentale au regard de la situation actuelle : le nouvel outil offrira la possibilité d’opérer des contrôles avant le calcul final de la solde. Alors que le logiciel actuel ne permet pas de retrouver l’historique des erreurs ni de les corriger correctement, son successeur permettra de repérer plus simplement les anomalies grâce à un tableau de bord. Ce qui facilitera d’éventuelles corrections avant d’établir une paie définitive. L’étape de développement sur le logiciel, qui s’achève – « phase très critique », selon Caroline Gervais –, a permis de mettre au point toutes les fonctions de calcul de la solde, ainsi que les interfaces avec les SIRH des armées.

Les tests de qualification effectués à la Marine d’ici à la fin du mois seront suivis, à partir de l’été prochain, d’une séquence de “soldes à blanc”, comprenez en double. Pendant sept mois, le système calculera, en parallèle de Louvois, des soldes sur la base de l’ensemble des dossiers réels des personnels de la Marine. Les paies calculées avec Louvois seront recalculées par Source Solde et comparées à d’autres calculées à la main. À l’issue de cette répétition générale, et seulement si tous les résultats sont satisfaisants, Source Solde entrera définitivement en service à la Marine au deuxième semestre 2017. Au total, l’outil aura été testé pendant quatorze mois. Ensuite, après des séquences de soldes à blanc, il devrait être opérationnel dans l’armée de terre en 2018 et en 2019 dans le service de santé des armées et l’armée de l’air. « Étager nos migrations d’un système à un autre, armée par armée, permet de concentrer nos efforts pour garantir un bon fonctionnement de l’ensemble à chaque étape », a assuré Jean-Yves Le Drian. Lequel a d’ailleurs qualifié le calendrier de déploiement d’« extrêmement ambitieux », et en même temps de « réaliste ». Une précision en forme de message aux équipes en charge du logiciel : pour éviter que Source Solde ne coule à pic comme Louvois, il faudra redoubler de prudence. Et maintenir la cadence.

Une solde qui ne coule pas de source

À terme, Source Solde va gérer la paie des 250 000 militaires des trois armées. Ce supercalculateur doit prendre en compte quelque 250 éléments de rémunération, 174 primes différentes selon les services et des dizaines de millions d’informations produites tous les mois par 18 SIRH. Autre spécificité de la solde : elle varie d’un mois sur l’autre pour la moitié des militaires. Un environnement complexe qui, selon le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, « ne déresponsabilise pas pour autant Louvois ».

Auteur

  • José Garcia Lopez