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Italie : quel vrai bilan pour le jobs act ?

Sur le terrain | International | publié le : 22.03.2016 | Anne Le Nir

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Italie : quel vrai bilan pour le jobs act ?

Crédit photo Anne Le Nir

Matteo Renzi a soutenu, il y a quelques jours, le préprojet de loi français sur le travail, mettant en avant les résultats de sa propre réforme d’inspiration sociale libérale, le Jobs Act. Un satisfecit prématuré, selon les observateurs.

À l’occasion du 33e sommet franco-italien à Venise, le 8 mars dernier, Matteo Renzi a volé au secours de François Hollande et du préprojet de loi El Khomri. D’un ton enjoué, il a déclaré : « Aux jeunes Français, je dis qu’en Italie, les choses ont fonctionné : plus de 764 000 contrats signés en CDI ! »

Entré en vigueur le 7 mars 2015, le Jobs Act repose sur deux grands piliers pour la flexibilisation : l’instauration d’un CDI unique, dit à protections croissantes, sorte de contrat intermédiaire entre CDD et CDI avec un licenciement facilité pendant les trois premières années, et la suppression de l’obligation de réintégration en cas de licenciement abusif, ce totem de la gauche étant remplacé par une indemnisation dont le barème est fixé. Désormais, un employeur peut licencier sans devoir verser de grosses indemnités. Un salarié licencié obtiendra, selon son ancienneté dans l’entreprise (4 mensualités minimum pour 1 an de travail), une indemnité d’une valeur maximale de 24 mensualités.

En contrepartie, versant sécurisation, la réforme a instauré une nouvelle, et unique, prestation d’assurance chômage, qui garantit une indemnisation de 24 mensualités (contre 12 auparavant), plafonnée à 1 300 euros, pour les salariés ayant perdu leur emploi.

Chômage en baisse

Un an après son application, les effets du Jobs Act sont annoncés positifs. L’Istat indique que le taux de chômage a diminué pour la première fois depuis 2007, passant de 12,7 % en 2014 à 11,9 % en 2015. Et, pour les 15-24 ans, bien que restant très élevé, il baisse de plus de deux points, de 42,7 % à 40,3 %. D’après le ministère du Travail, 739 880 nouveaux CDI ont été signés durant le quatrième trimestre 2015, contre 351 519 au cours de la même période en 2014. Mais la majorité de ces contrats sont des transformations de CDD en CDI. Ce qui a permis aux entreprises de bénéficier d’un allégement de leurs charges sociales jusqu’à 8 060 euros par contrat en 2015 : ces exonérations sont une concession faite aux employeurs dans la loi Stabilité 2015.

Dès cette année, l’exonération baisse de 40 % et ne s’applique plus que sur deux ans. Elle sera décidée pour 2017 par un décret, le 30 avril prochain, qui pourrait réserver ces aides au seul Sud. D’ores et déjà, en janvier dernier, les CDI signés étaient en chute de -39 % par rapport à janvier 2015.

Expert en droit du travail et professeur à l’université Luiss de Rome, Giuseppe Gentile assure que l’augmentation du nombre de CDI est essentiellement liée à la baisse des charges sociales : « Il faut le dire clairement, cette réforme est injuste et inutile. D’un côté, elle restreint les droits des travailleurs, risquant de favoriser des abus dans les entreprises où il n’y a pas de syndicats. De l’autre, rien ne permet d’affirmer qu’elle peut être un remède aux maux structurels de l’emploi. Le choix d’embaucher en CDD ou en CDI se fonde sur des évaluations stratégiques des cycles de production et des marchés et non pas sur les lois du travail. »

Force est de constater que Jobs Act renforce aussi certains types de contrats précaires. Par exemple, les CDD peuvent être enchaînés cinq fois de suite durant 36 mois, sans obligation d’embauche en CDI. Et Giuseppe Gentile de préciser : « Les aides de l’État sont indépendantes de la réforme et prévues pour une durée limitée. Par conséquent, on ne peut écarter le risque d’une nouvelle explosion du chômage. L’un des seuls aspects plutôt positifs concerne la NASpI, Nouvelle assurance sociale pour l’emploi, qui s’adresse à un plus grand nombre de travailleurs qu’auparavant. »

Perplexités pour l’avenir

Pour sa part, le leader du syndicat centriste UIL, Carmelo Barbagallo, reconnaît l’effet « stimulateur » de certains résultats. Mais il se montre perplexe pour l’avenir. « Que se passera-t-il quand les incitations fiscales seront supprimées, sachant que le CDI n’a contribué à créer que 1 % des nouveaux emplois et qu’aucun progrès n’est enregistré en termes de formation ? »

De fait, la réforme structurelle des services pour l’emploi, prévue par le Jobs Act, est actuellement au point mort. Pour l’heure, les avis des experts sont unanimes sur un point : le Jobs Act ne permettra pas, en tant que tel, de relancer durablement le marché du travail italien. L’enthousiasme de Matteo Renzi peut être nuancé : le vrai bilan est attendu après 2017.

Dans les médias

LA REPUBBLICA. Le boum des “vouchers”, bons de travail italiens

L’Italie connaît un boum du recours aux bons de travail – chèques emploi à 10 euros/heures dont 7,50 euros pour le travailleur et 2,50 pour les assurances. Depuis que le revenu maximal annuel qu’un travailleur peut percevoir, sous cette forme, est passé de 5 000 à 7 000 euros en 2015, 115 millions de bons ont été vendus, soit + 66 % par rapport à 2014. Réservé, en théorie, à des emplois occasionnels (ménage, jardinage, baby-sitting…), le voucher est de plus en plus utilisé dans les secteurs manufacturier, du tourisme et du commerce. Les syndicats réclament un tour de vis pour mettre fin à cette nouvelle forme de précarité. 10 mars, La Repubblica

Auteur

  • Anne Le Nir