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Outils : les recruteurs s’adaptent au numérique

L’enquête | publié le : 22.03.2016 | É. S.

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Outils : les recruteurs s’adaptent au numérique

Crédit photo É. S.

Des réseaux sociaux aux entretiens vidéo, des forums virtuels aux applications mobiles, les outils numériques, de plus en plus diversifiés, bousculent les process de recrutement. Ils obligent les responsables RH à faire évoluer leurs pratiques, pour développer de nouvelles approches et compétences, en particulier en matière de sourcing.

Un chat-live pour les métiers de la supply chain, des entretiens en vidéo asynchrone et, bientôt, des salons de recrutement virtuels : depuis quelques mois, les recruteurs de Safran multiplient les expérimentations en vue d’enrichir la panoplie de leurs outils numériques de recrutement. Même chose chez Eurotunnel, qui a récemment lancé un Mooc emploi sur les métiers du ferroviaire, ou du côté de Carrefour, qui a fait de son site de recrutement un espace d’échanges et de coaching avec les candidats (lire p. 23)…

Pas de doute : quinze ans après l’émergence des jobboards et des réseaux sociaux, la course à la digitalisation du recrutement est loin d’être terminée. Même si toutes les entreprises ne s’y sont pas engouffrées – 40 % des recruteurs n’utilisent pas les réseaux sociaux, selon une enquête RegionJobs de février 2015 –, le mouvement est lancé, soutenu par la multiplication des solutions proposées par le marché, et par les nouveaux comportements des candidats. Ainsi, le recrutement mobile, prochaine révolution selon Jean-Christophe Anna, directeur général de #rmstouch : « Fin 2015, 19 % des candidatures enregistrées par Cadremploi provenaient d’un smartphone ou d’une tablette. Il y a encore deux ans, les entreprises n’y croyaient pas. »

Capgemini fait ainsi partie des premières entreprises à avoir développé son application mobile de recrutement. Camille Le Bras, directrice du recrutement de l’entité Application Services, explique les enjeux : « Nous recrutons chaque année, au sein de Capgemini et de notre filiale Sogeti, plus de 2 500 ingénieurs et cadres, dont 70 % de diplômés jeunes ayant moins de deux ans d’expérience. Pour attirer ces profils, hyperconnectés, nous devons adapter nos pratiques. Nous avons par exemple lancé en 2015 une campagne de marque employeur en exclusivité sur Facebook et participé au Job Fair de Twitter. Nos recruteurs disposent aussi de licences LinkedIn qui permettent de faire des recherches ciblées et d’envoyer des messages personnalisés. »

De nouvelles stratégies

Au fond, comme le résume Pierre Monclos, qui a coordonné le Mooc Digital RH pour Unow, « du sourcing à la diffusion de l’offre et à l’entretien, toutes les étapes du recrutement sont aujourd’hui digitalisées ». Et les méthodes bousculées. Car « les outils induisent de nouvelles stratégies, analyse Fabienne Paris, formatrice en recrutement digital chez Demos. Les réseaux sociaux incitent les recruteurs à travailler la marque employeur, mais aussi à être plus réactifs, voire proactifs pour les postes difficiles à pourvoir. D’autres outils, comme les questionnaires en ligne ou les entretiens en vidéo différée, où le candidat répond à des questions prédéfinies, fondent la sélection sur les compétences et notamment le savoir-être plutôt que sur le simple CV. Ces outils obligent à sortir d’un recrutement “copier-coller” ».

De fait, selon Catherine Salès, responsable du pôle recrutement et parcours du groupe Covea (Maaf, MMA et GMF), où les entretiens en vidéo différée ont été testés pour l’embauche de téléconseillers, « le plus compliqué pour les recruteurs, habitués aux entretiens en face à face et à des grilles précises d’analyse, est de devoir s’appuyer sur de nouveaux repères ». Chez Safran, cette solution ne sera finalement pas adoptée : « Trop déstabilisante pour les recruteurs et les candidats », explique Marie-Céline Adnani, la responsable du centre de services partagés recrutement ingénieurs et cadres du groupe.

Camille Le Bras, elle, constate que « [son] métier a complètement changé en cinq ans, car on n’attend plus que les candidats viennent vers nous : nous devons être capables de sortir des canaux traditionnels, de créer le contact, de donner envie de postuler chez nous. Dès lors, nous adaptons nos discours en apportant d’autres types d’informations que le contenu des postes : il faut pouvoir parler de la culture de l’entreprise, des projets à venir… » Plus individualisé, le recrutement digital se doit aussi d’être plus transparent, souligne Geoffroy de Lestrange, responsable marketing produit chez Cornerstone OnDemand : « À l’époque de Glassdoor, on ne peut plus survendre un poste, il faut être clair sur ses éventuelles difficultés. On voit d’ailleurs que se diffusent, via les sites carrière, de plus en plus de vidéos montrant des situations réelles de travail. »

En résumé, le recruteur digital se devrait donc d’avoir à la fois les qualités d’un commercial, d’un communicant et d’un marketeur, d’être capable de débusquer le bon candidat et de créer des contacts interactifs et personnalisés, de faire progresser l’expérience candidat sur le modèle de l’expérience client, d’adapter les bons outils aux bons profils, d’être en pointe sur les innovations et en veille sur les comportements des candidats, de travailler les réseaux d’ambassadeurs… Alors, comment s’y prennent les services RH pour répondre à tous ces impératifs ?

Ils peuvent d’abord s’appuyer sur les collaborations, non seulement avec les autres fonctions de l’entreprise (informatique, marketing, communication…) mais aussi avec les salariés eux-mêmes, de plus en plus souvent mis à contribution pour interagir avec les candidats. Marie-Céline Adnani témoigne : « Nous travaillons plus étroitement avec la communication et les community managers. Et nous envisageons de mettre en place un réseau d’e-ambassadeurs pour aider au sourcing sur les réseaux sociaux. » Chez Michelin, pas moins de 500 collaborateurs ont été formés aux réseaux sociaux en vue, aussi, de rendre la marque employeur plus visible (lire p. 22). Sur le site carrière d’Orange, des salariés sont identifiés pour répondre aux questions métier des internautes.

Formation des recruteurs

Il s’agit ensuite d’adapter les compétences des recruteurs. Capgemini affiche 170 recruteurs certifiés LinkedIn dans le monde. Chez Safran, tous les chargés de recrutement ont été formés au sourcing sur les réseaux et les moteurs de recherche par la #TruAcademy de Link Humans. « Mon équipe est également régulièrement formée par les prestataires avec lesquels nous travaillons : par exemple sur l’animation d’une page d’accueil, l’organisation d’une CVthèque… », complète Marie-Céline Adnani. Dans certaines entreprises, de nouvelles fonctions émergent : talent acquisition manager, data analyst, community manager RH…

Enfin, les équipes de recrutement s’organisent. Le sourcing, en particulier, devient une spécialité à part entière, comme chez PwC (lire p. 25) ou à Covea, qui a dédié huit personnes à cette activité. Elles travaillent au sein du tout nouveau pôle de recrutement du groupe, qui rassemble une quarantaine de collaborateurs : « La centralisation de la fonction recrutement au niveau de Covea permet de rationaliser et de professionnaliser nos démarches, qu’il s’agisse de repérer et de tester les nouveaux outils du marché, ou de bien utiliser les réseaux sociaux, estime Catherine Salès. Ce n’est pas possible dans une organisation où les RRH se chargent du recrutement en plus d’autres tâches, et ne peuvent en faire une priorité. »

Traiter les flux

Dans les entreprises les plus en pointe, le recrutement digital nécessite donc d’avoir les moyens de ses ambitions. En effet, « si l’on multiplie les candidatures, par exemple en permettant de postuler via un mobile, il faut un back-office suffisant pour traiter les flux », prévient Laurent Brouat, directeur de Link Humans. De même, « si l’on décide d’animer une communauté, de communiquer directement avec les candidats via Facebook ou Twitter, on ne peut pas laisser des questions sans réponse sous prétexte que la personne qui s’en charge est en vacances, renchérit Fabienne Paris. Il faut être persévérant et s’organiser pour ne pas risquer l’essoufflement. De même, je déconseille de confier le community management à des stagiaires, qui pourraient manquer de vision stratégique ou de maturité. Car c’est le CM qui véhicule l’image de l’entreprise… ».

À chacune d’adapter, donc, sa stratégie en fonction de ses possibilités et de ses enjeux. Néanmoins, que celles qui n’ont pas les mêmes capacités d’investissement que les grands groupes se rassurent : d’après la dernière enquête Sourcing de l’Apec, plus de la moitié des postes de cadres sont pourvus via la banale publication d’une offre d’emploi, qui reste le canal de sourcing et de recrutement de loin le plus efficace.

Auteur

  • É. S.