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Six pistes pour améliorer la réforme

La semaine | publié le : 22.03.2016 | Laurent Gérard

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Six pistes pour améliorer la réforme

Crédit photo Laurent Gérard

25 grandes entreprises réunies dans la communauté formation & apprentissage d’Entreprise & Personnel avancent six mesures techniques pour mener à son terme la réforme de la formation en cours.

Il ne manque pas grand-chose à la loi de 2014 pour devenir réellement progressiste. Mais il ne lui manque pas non plus grand-chose pour qu’elle fasse perdurer des pratiques devenues inadaptées. Voilà le sentiment partagé par 25 grandes entreprises réunies au sein de la communauté formation et apprentissage de l’association Entreprise & Personnel. Selon elles, la réforme en cours nécessite des « adaptations » qu’elles ont réunies dans une « contribution pour le deuxième anniversaire de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle », livrée le 16 mars. À noter que jamais ce document n’évoque la question sensible des contributions financières.

Un contrat unique pour l’alternance

Largement en tête des souhaits d’adaptation arrive la construction d’un “contrat et [d’]un financement uniques de l’alternance”, en lieu et place des contrats de professionnalisation et d’apprentissage. Deux raisons à cela. La complexité administrative qu’entraînent des règles et des modalités différentes pour des actions de formation qui, pourtant, se ressemblent beaucoup ; et le sentiment que « seuls des intérêts externes aussi bien aux populations bénéficiaires qu’aux employeurs font perdurer le système actuel ». Fédérer le financement de l’apprentissage et de la professionnalisation est donc devenu « nécessaire », concluent les auteurs.

Des listes de certifications simplifiées

Qui dit alternance dit certifications et, pour ces entreprises, une simplification est nécessaire concernant les listes des formations pouvant bénéficier d’un financement mutualisé (CPF, période de professionnalisation…). Elle devrait reposer sur deux axes : toutes les formations inscrites au RNCP seraient par principe finançables, et les branches et les régions devraient procéder par abondements des financements d’actions qui leurs paraissent prioritaires, plutôt que de faire une sélection a priori par listes. « L’accumulation des listes est déconcertante, affirme Entreprise & personnel. La complexité rend la gestion globale du système extrêmement compliquée. »

La fin de l’unité d’heure/stagiaire

C’est dans la même logique de simplification et de lisibilité que la communauté propose d’actualiser l’unité d’œuvre de la fameuse “heure/stagiaire” en créant à sa place un financement négocié contractualisé. Du fait de la diversification des processus d’apprentissage, l’heure/stagiaire est devenue obsolète et génératrice d’effets pervers, estiment les entreprises. La solution ? « Une évolution vers un financement résultant d’une négociation contractualisée semble une voie réaliste. Sous l’égide de la DGEFP, un groupe de travail rassemblant tous les acteurs pourrait définir les unités d’œuvre nécessaires, dans leur pluralité moderne. Les négociations pour trouver le point d’équilibre entre simplification administrative et modalités du contrôle pourraient s’y intégrer. »

Le parcours de formation redéfini

Cette idée d’un “financement négocié contractualisé” appelle immanquablement la clarification de la notion de “parcours de formation”, qui prend aujourd’hui une place significative dans les débats. « C’est une avancée heureuse, pleine de promesse pour la modernisation et l’efficience des apprentissages professionnels, mais elle nécessite clarifications », résume Bernard Masingue, animateur du groupe. Dont la première est sa définition. « Un “parcours de formation” doit être considéré comme un assemblage d’actions pédagogiques qui, organisées entre elles et dans le temps, permettent de viser un but défini à l’avance. Ce but pouvant être très concret – l’obtention d’une certification – ; ou plus large – viser à l’obtention d’un statut professionnel. » Le parcours de formation ne doit pas être « un dispositif fourre-tout, mais un cursus obéissant à des règles opposables, permettant ainsi d’en garder la trace, d’en évaluer les résultats et d’en assurer un financement équitable ».

Les critères de la qualité définis avec les employeurs

Conséquence de la révision des notions d’heure/stagiaire et de parcours de formation : les employeurs veulent être impliqués dans la question de la qualité des formations.

« Les critères qui définissent la qualité d’une formation ne doivent être que le produit d’une négociation entre les acteurs concernés, affirment les contributeurs. Or, en l’état, les critères de qualité se négocient au niveau des appareils et nullement avec les employeurs et leur service de formation, pourtant prescripteurs majeurs et financeurs notables. Si cette réalité demeure en l’état, il y a un risque à sous-estimer l’essentiel de la qualité d’une formation : sa bonne contribution à des apprentissages utiles dans les situations de travail. »

Et d’affirmer que les entreprises, « dans leur relation avec leur Opca, ne doivent pas être considérés comme des assujetties qui doivent obéir aux prescriptions décidées par des appareils, même s’ils sont paritaires, mais comme des partenaires-contributeurs associés à la mise en œuvre de décisions ayant un impact important sur leur fonctionnement administratif et leur pilotage ».

Usage du CPF ou du CPA

Enfin, les membres de la communauté n’émettent pas de proposition sur le compte personnel de formation (CPF), car « il est difficile aujourd’hui de se prononcer sur son devenir alors qu’on veut le fusionner avec le compte personnel d’activité ». Mais, ils ajoutent que, « lorsque les choses se seront stabilisées, nous travaillerons sur des préconisations d’usage du CPF ou du CPA, dans une politique de co-investissement, et pas seulement de cofinancement entre l’employeur et le salarié sur des objectifs partagés de qualification ». Ce qui justifiera alors la parution d’une nouvelle « contribution ».

Bernard Masingue Animateur de la communauté formation et apprentissage de l’association entreprise & personnel
« Il faut créer les conditions de la réussite de la formation »

« Il ressort de ces travaux, que les acteurs de la formation – prescripteurs, formateurs, apprenants, Opca – ont besoin de se mettre au clair sur les définitions d’une action de formation, et ce dans un cadre juridique large, pour prendre en compte toutes les situations. Mais qu’ils ont surtout besoin d’une définition partagée des conditions de la réussite de la formation. Connaître, maîtriser et savoir mettre en œuvre ces conditions est fondamental pour qu’un dispositif de formation – quelles qu’en soient les modalités pédagogiques – satisfasse aux exigences d’une professionnalisation.

Ces conditions sont de deux ordres. Premièrement, la qualité du processus définissant l’organisation pédagogique de l’apprentissage. Cela passe par un cahier des charges en amont de l’action, un contrat avec l’apprenant sur les conditions de cet apprentissage, un accompagnement pédagogique organisé et basé sur la conception et la mise à disposition de ressources diversifiées, une évaluation centrée sur l’efficacité et l’efficience des processus d’apprentissage et, enfin, une reconnaissance. Deuxièmement, la qualité de l’environnement et de l’organisation du travail. Ce qui doit se traduire par un climat de sécurité psychologique, une adaptation des critères de productivité aux impératifs pédagogiques et une culture d’accompagnement par l’implication managériale.

Au final, un cadre juridique large mais structurant et des conditions de réussite formalisées et respectées auraient un impact significatif sur la qualité générale des politiques de formation et en faciliteraient grandement leur évaluation. Ces conditions de réussite permettraient de retirer à l’évaluation des effets de la formation en situation professionnelle sa réputation de serpent de mer. »

Auteur

  • Laurent Gérard