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Chronique

Du côté de la recherche

Chronique | publié le : 15.03.2016 | Denis Monneuse

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Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Splendeurs et miseres de l’individualisation

Le fait d’accroître la compétition entre salariés génère-t-il une hausse de leur productivité ? A priori oui, d’après la vulgate managériale. La concurrence, la pression et l’émulation entre collègues sont censées encourager chacun à se dépasser, donc à donner le meilleur de soi-même. In fine, il devrait en résulter pour l’employeur de substantiels gains de productivité.

Cependant, la collaboration et la coopération sont, elles aussi, davantage mises en avant en tant que moyens indispensables pour casser les silos et éviter les cloisonnements. Ainsi, la transversalité est de plus en plus vantée dans les entreprises comme un moyen indirect d’accroître la productivité. On se retrouve donc, dans bien des cas, avec des injonctions paradoxales, puisque les salariés sont appelés à faire œuvre commune tout en étant évalués individuellement.

Steven Blader, Claudine Madras Gartenberg et Andrea Prat, des universités de New York et de Columbia, sont allés sur le terrain pour obtenir des éléments de réponse à notre question liminaire. Leur réponse ressemble à celle d’un Normand, puisqu’elle pourrait se résumer de la façon suivante : ça dépend.

Ils rappellent ainsi en creux que la recherche en management produit rarement des lois générales comme il en existe en sciences physiques. Son rôle est plutôt d’éclairer la complexité des phénomènes en indiquant des tendances ou bien des conditions de réussite. Les travaux de Steven Blader et de ses collègues vont dans ce sens. En effet, leur étude permet de montrer les effets contingents des pratiques de management.

En étudiant la performance de routiers rattachés à des entités ayant des cultures diverses, ils ont pu observer des conséquences différentes à un surcroît d’individualisation de la performance et à la classification des salariés suivant leur mérite. Là où prévaut une culture individualiste et de court terme, évaluer individuellement la performance de façon encore plus objective et précise grâce à un mouchard électronique dans les camions pousse les conducteurs à accroître leur performance, en l’occurrence à faire des économies de consommation d’essence.

En revanche, dans les entités où règne une culture du collectif, l’introduction d’une telle mesure de la performance passe pour une volonté de créer de la compétition. Il s’ensuit des comportements contre-productifs, à l’instar d’une sous-performance volontaire des meilleurs conducteurs afin de ne pas se démarquer des collègues, pour ne pas dégrader ainsi l’esprit d’équipe. Évaluation individuelle et fonctionnement collectif à travers le lean management ne seraient donc guère compatibles.

Les auteurs concluent que le succès d’une pratique managériale dépend bien entendu du contexte dans lequel elle est introduite, mais surtout aussi de la nature de la relation que l’entreprise chercher à développer avec ses salariés. Certaines techniques sont efficaces sur des relations nouées à court terme, mais peu efficaces sur le long terme, et vice versa.

Autrement dit, la première question que devraient se poser managers et DRH n’est pas : « quelle est la meilleure technique pour accroître la performance des salariés ? », mais « quel type de relations je souhaite développer avec les salariés ? ». Suivant la réponse à cette seconde question, les techniques à mettre en place ne seront pas les mêmes.

Auteur

  • Denis Monneuse