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Philippe Détrie La maison du management

La chronique | publié le : 08.03.2016 |

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Philippe Détrie La maison du management

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Vraiment simple comme bonjour ?Philippe Détrie a créé en 2014 La Maison du management, dont la raison sociale est de développer un management responsable et entraînant pour l’ensemble des acteurs de la vie économique.

La locution adjectivale « simple comme bonjour » mérite-t-elle son nom ? Elle signifie facile, évident, enfantin, même bête comme chou ! Mais si elle indique que cela coule de source, pourquoi cette source de contact se tarit-elle aussi facilement ? Pourquoi certaines personnes ne disent jamais bonjour en entrant dans un magasin, dans un bureau… ? Arrogance, absence d’éducation, oubli… ?

Souhaiter le bonjour peut être compliqué. Éliminons tout de suite les parce que la bouche pleine, parce qu’aphone, parce que « j’l’avais pas vu-e », parce que peur de déranger tout l’open space, parce que « la tour fait 40 étages et que si je commence à dire bonjour, j’arrive en haut à midi et je passe l’après-midi à dire à demain en descendant… ». Trop de mains à serrer ou de joues à biser peut refroidir l’attentionné le plus enthousiaste. L’explication, le plus souvent, est ailleurs : « pas l’temps ».

L’imposture du manque de temps ! Dire bonjour est le minimum du savoir-vivre ensemble. Qu’on soit manager ou pas, le bonjour fait partie du job. Je me suis toujours méfié de l’humanisme auto-affiché d’un de mes directeurs qui n’avait pas le temps de dire bonjour à ses équipes. Pourtant, nous n’étions le plus souvent qu’une vingtaine de présents au bureau. Comment voulez-vous prôner (je ne dis même pas mettre en œuvre) l’esprit d’équipe si vous ne reconnaissez pas l’autre ? Dans ma petite entreprise, j’avais obligé chacun à se dire bonjour quand il arrivait. Constatant que les habitudes ne changeaient pas, j’ai déclaré que je n’augmenterai pas ceux qui ne saluaient pas leurs collègues. Aussitôt, les DP sont venus me dire que mon oukase était illégal. Mais j’ai tenu bon. On ne peut pas promouvoir l’esprit d’équipe en ignorant jusqu’à la présence de son voisin. Et, en termes d’efficacité, j’ai remarqué que ce bonjour informel permettait le plus souvent d’échanger des informations sur le travail avec une étonnante efficacité. Résultat : en janvier, mois des entretiens individuels, tout le monde passait dans mon bureau plutôt deux fois qu’une pour s’assurer qu’il avait bien été repéré en me claironnant un large bonjour. Jamais autant été salué…

Qui ne dit pas bonjour se réserve un mauvais jour. Pourquoi ? La nature du travail, autrefois manuelle puis intellectuelle, devient relationnelle. Et pour installer une relation, il faut d’abord la créer. Et donc reconnaître l’autre, le faire naître à vos yeux et, par ricochets, à ses yeux. Le contraire de l’expérience du métro où vous croisez des dizaines de personnes, mais vous passez à côté, elles n’existent pas. Ne pas dire bonjour, c’est ne pas reconnaître la qualité humaine de l’autre, c’est l’assimiler à un meuble ou à une machine. Je me souviens très bien de ces ouvriers qui se plaignaient d’avoir vu leur directeur traverser leur atelier sans dire bonjour : « Il ne sait même pas qu’on est là. Là, c’est bonjour l’ambiance ! ». Le bonjour est un connecteur de relation, c’est le bouton « on ». Cela ouvre le canal de fonction phatique*. L’activer ne préjuge en rien de la qualité future de la relation, mais le désactiver vous fait passer à coup sûr pour un indifférent et un butor.

Dire bonjour, c’est sain. Souhaiter le bon jour montre sa politesse, sa disposition à prendre contact et son souci que la journée de son interlocuteur se passe bien. Que d’avantages en un seul mot ! Évitons simplement de dire bonjour de façon contrainte et automatique, en regardant ailleurs, ou de se tromper de prénom. Les vertus d’un bonjour valent bien quelques secondes d’attention.

Le bonjour ne se mérite pas, il se donne à chacun et chaleureusement.

* Une des cinq fonctions du langage, selon le linguiste Jakobson, pour manifester le désir d’entrer en communication avec un récepteur, sans apport d’information. Exemples : allô, euh, je vous écoute…