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Chronique

La chronique juridique d’Avosial

Chronique | publié le : 08.03.2016 | Viviane Stulz, Amélie d’Heilly

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La chronique juridique d’Avosial

Crédit photo Viviane Stulz, Amélie d’Heilly

Projet de Loi El Khomri : vers plus de flexibilité du droit du travailLe projet de loi El Khomri en 52 articles et 131 pages réforme considérablement le droit du travail.

Contrairement à ce que d’aucuns prétendent, le projet de loi est équilibré et vise également à protéger les salariés ou leurs représentants. Citons notamment :

Le recours au référendum d’entreprise (art. 12) : permettre aux salariés, à la majorité des votants, de confirmer leur accord sur un accord collectif signé par des organisations syndicales représentant au moins 30 % des votes au 1er tour des dernières élections, en ôtant à un syndicat majoritaire la possibilité de s’y opposer, redonne le pouvoir aux salariés. Ce sera une manière de les responsabiliser, notamment ceux qui ne votent pas aux élections professionnelles, sans retirer tout pouvoir aux syndicats, qui restent à l’origine de l’accord négocié.

La modification de la définition du motif économique (art. 30 bis) : on entend que, dorénavant, les employeurs vont pouvoir licencier sans motif ! Il n’y a rien de tel dans le projet de loi ; celui-ci précise la notion de difficultés économiques, qui devraient être caractérisées soit par une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pendant plusieurs trimestres consécutifs en comparaison avec la même période de l’année précédente, soit par des pertes d’exploitation pendant plusieurs mois, soit par une importante dégradation de la trésorerie, soit par tout élément de nature à justifier de ces difficultés. Ce que personne ne relève, c’est que le projet de loi laisse à la convention collective de branche le soin de déterminer la durée requise de la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires ou des pertes d’exploitation. En outre, le juge conservera toujours le pouvoir de vérifier la réalité et le sérieux du motif, et l’entreprise devra pouvoir en justifier précisément.

La restriction de l’étendue de l’appréciation du motif économique aux sociétés du groupe en France (art. 30 bis) : il est totalement injustifiable de devoir démontrer la réalité des difficultés économiques au sein du groupe dans son ensemble, groupe qui peut comprendre des centaines d’entreprises dans des dizaines de pays, pour opérer le licenciement d’un ou deux salariés en France ! L’appréciation du motif économique, lorsque l’entreprise appartient à un groupe, uniquement au niveau du secteur d’activité commun aux entreprises implantées sur le seul territoire national est tout à fait légitime ; ce n’est pas parce qu’un groupe international est bénéficiaire qu’il doit maintenir en vie des entreprises défaillantes ou qu’il ne peut les restructurer pour en assurer la viabilité à terme.

Le plafonnement des indemnités de licenciement (art. 28) : aucun des principaux pays européens ne connaît notre incertitude au niveau des condamnations, qui varient considérablement selon les conseils de prud’hommes et selon les cours d’appel. Il ne s’agit pas de réduire les indemnités de licenciement légales ou conventionnelles ni de permettre aux entreprises de provisionner le coût du licenciement (c’est déjà le cas), mais de fixer des bornes aux indemnités que le juge peut allouer, pour éviter des dérapages.

La durée du travail (art. 3) : le projet de loi viserait à faire travailler les salariés 60 heures par semaine ! Ce n’est nullement le cas. La durée hebdomadaire reste fixée par principe à 48 heures maximum ; ce n’est qu’en cas de circonstances exceptionnelles et uniquement pour la durée de celles-ci que la durée du travail peut être dépassée, et uniquement sur autorisation de l’autorité administrative. Il est également faux de prétendre que les heures supplémentaires ne seront plus rémunérées qu’avec une majoration de 10 %. C’est l’accord collectif qui déterminera le taux de majoration ; libre donc aux syndicats de fixer un taux supérieur à 10 %. À défaut d’accord collectif, le taux de majoration restera de 25 % et 50 % comme actuellement.

Le compte personnel d’activité : celui-ci regroupera les droits acquis par les salariés au cours de leur carrière en termes de formation et pénibilité avec pour objectif de sécuriser les parcours professionnels en permettant aux salariés de conserver certains droits en cas d’évolution de leur carrière.

Comme toute évolution fondamentale, ce projet de loi fait naître des craintes, mais elles ne sont pas toutes fondées, loin s’en faut.

Auteur

  • Viviane Stulz, Amélie d’Heilly