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Focus sur les autres mesures de la loi El Khomri

La semaine | publié le : 01.03.2016 | Emmanuel Franck, Laurent Gérard, Virginie Leblanc

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Focus sur les autres mesures de la loi El Khomri

Crédit photo Emmanuel Franck, Laurent Gérard, Virginie Leblanc

Le texte de la future loi « visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs » sera présenté en Conseil des ministres le 9 mars. Outre une réforme du licenciement économique*, qui suscite une forte opposition syndicale, il prévoit une multitude de dispositions techniques intéressant directement les DRH, dans les domaines du dialogue social, du temps de travail, de la médecine du travail ou de la formation professionnelle. En voici les principales.

Dialogue social

Les mesures relatives au dialogue social sont rassemblées dans le Titre II de l’avant-projet de loi.

Validation des accords.

Pour être valide, un accord devrait recueillir les signatures d’organisations syndicales représentant la majorité des suffrages exprimés lors des élections professionnelles en faveur d’organisations syndicales représentatives, et non plus toutes organisations confondues. L’accord majoritaire (50 %) serait généralisé. Un accord signé par des syndicats représentant 30 % des salariés et approuvé par une majorité de salariés serait également valide.

Accords à durée déterminée.

Les accords à durée déterminée arrivant à échéance cesseraient de produire leurs effets (actuellement, leurs effets se poursuivent). Si un accord ne contenait pas de stipulation quant à sa durée, celle-ci serait fixée à cinq ans.

Révision des accords.

L’engagement de la révision d’un accord serait réservé aux organisations syndicales signataires de l’accord jusqu’à la fin du cycle électoral au cours duquel l’accord est conclu ; il serait ensuite ouvert à l’ensemble des organisations représentatives. La signature de l’avenant de révision obéirait au droit commun de la validation des accords.

Avantages acquis.

Le maintien des avantages individuels acquis en cas de dénonciation ou de mise en cause d’un accord serait remplacé par le « maintien de la rémunération perçue ». Cette rémunération ne pourrait être inférieure à celle versée lors des douze derniers mois.

Accord de substitution.

La négociation d’un accord de substitution pourrait être engagée dès le début du préavis précédant la dénonciation d’un accord ou sa mise en cause (fusion, cession…) entre les employeurs des entreprises concernées et les organisations syndicales de salariés représentatives dans l’entreprise qui emploie les salariés dont les contrats de travail sont transférés. La durée de cet accord ne pourrait excéder trois ans.

Validation tacite des accords atypiques.

En l’absence de réponse, dans un délai de quatre mois, de la commission de validation des accords conclus avec des élus du personnel, l’accord serait réputé avoir été validé. Ce serait un retour à la situation antérieure à la loi Rebsamen.

Articulation accord-contrat de travail.

Si un accord majoritaire était conclu pour préserver ou développer l’emploi, ses dispositions primeraient sur le contrat de travail, y compris en matière de rémunération et de durée du travail.

Heures de délégation.

Les heures de délégation des délégués syndicaux (DS), des DSC et des salariés appelés à négocier un accord augmenteraient de 20 %. Elles passeront ainsi de 20 heures à 24 heures par mois pour un DS dans une entreprise d’au moins 500 salariés.

Représentativité patronale.

La représentativité patronale serait calculée, à hauteur de 20 %, en fonction du nombre d’entreprises adhérentes à l’organisation patronale, et à hauteur de 80 % en fonction du nombre de leurs salariés. Les organisations patronales représentatives perçoivent les crédits du fonds paritaire de financement du dialogue social.

Santé au travail

Le titre V de l’avant-projet de loi intitulé “moderniser la médecine du travail” porte à la fois sur la visite médicale et le régime de l’inaptitude.

Visite d’information et de prévention.

Le texte réforme le suivi des salariés par la médecine du travail. Selon le gouvernement, « l’objectif est de mieux cibler les moyens sur les salariés exposés à des risques particuliers », dans un contexte de pénurie de médecins du travail. Il est prévu de supprimer la visite médicale d’aptitude systématique à l’embauche et de la remplacer par une « visite d’information et de prévention après l’embauche ». Visite qui pourrait être effectuée par le médecin du travail ou par un autre membre de l’équipe pluridisciplinaire.

Suivi médical.

Un suivi médical renforcé avait été institué dans la loi Rebsamen d’août 2015 pour les travailleurs « affectés à des postes présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, celles de leurs collègues ou de tiers ». L’avant-projet de loi indique que ce suivi comprendrait un examen médical d’aptitude, réalisé avant l’embauche et renouvelé périodiquement.

Visite périodique.

Quant à la visite périodique prévue aujourd’hui au moins tous les 24 mois, ses modalités et sa périodicité devraient être révisées pour prendre en compte les conditions de travail, l’état de santé et l’âge du travailleur, ainsi que les risques professionnels auxquels il est exposé. Un décret devrait en fixer le cadre.

Réforme du régime de l’inaptitude.

L’avant-projet de loi modifie plusieurs éléments du régime de l’inaptitude. Le médecin du travail qui constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste, déclarerait le travailleur inapte à son poste de travail. Il n’aurait plus l’obligation de procéder à deux examens médicaux espacés de deux semaines. Mais le médecin devrait avoir procédé à une étude de poste et échangé avec le salarié et l’employeur.

Licenciement pour inaptitude.

Si l’avis du médecin du travail mentionne expressément que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise, l’employeur peut rompre le contrat. La loi Rebsamen avait déjà facilité le licenciement pour inaptitude professionnelle, sans recherche de reclassement, dès lors que l’avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé.

Formation

L’apprentissage, la validation des acquis de l’expérience (VAE), le compte personnel de formation et le pilotage des politiques de formation régionales occupent le titre IV de l’avant-projet de loi.

Apprentissage.

Le texte propose d’imposer aux centres de formation d’apprentis de délivrer une attestation de compétences en cas de rupture du contrat avant terme, permettant à l’apprenti de valoriser son parcours ; de simplifier l’organisation de la collecte et de la répartition de la taxe d’apprentissage (suppression de la convention triennale entre l’organisme collecteur, l’État et la région, dès lors que la loi du 5 mars 2014 a instauré un dialogue entre l’organisme collecteur et la région). Enfin, il envisage d’étendre la liste des établissements habilités à recevoir des dépenses libératoires au titre de la fraction “hors quota” de la taxe d’apprentissage à des établissements privés gérés par des organismes à but non lucratif, n’ayant pas de contrat d’association avec l’État, mais disposant d’une reconnaissance de l’État (écoles d’entreprise, par exemple).

VAE.

L’avant-projet de loi propose de ramener de trois à un an la durée d’expérience requise pour entrer dans le dispositif (les périodes de formation initiale ou continue en milieu professionnel pourraient être prises en compte), de mettre en place un dossier unique de candidature pour l’ensemble des ministères certificateurs, et de supprimer les conditions d’ancienneté pour accéder au congé de VAE pour les personnes en contrat à durée déterminée (CDD), afin de leur donner les mêmes droits qu’aux personnes en contrat à durée indéterminée (CDI). Il préconise également que « les parties de certification constituant un bloc de compétences » soient acquises définitivement (et non durant quelques années, souvent quatre ans), afin d’obtenir des dispenses d’épreuve dans un parcours d’accès à la certification par la formation ou par la VAE.

Compte personnel de formation.

Les instances décisionnaires (régions, CPNEF…) en matière de création de listes de formations éligibles au CPF publieraient les critères prévalant à l’inscription des formations sur ces listes, ceci dans « un souci de transparence vis-à-vis des organismes de formation et afin d’offrir une plus grande sécurité aux salariés et aux demandeurs d’emploi ».

Pilotage des politiques publiques de formation.

Le texte propose de rendre publics les taux d’insertion à la sortie des lycées et des centres de formation des apprentis (CFA), d’obliger les régions à fournir des informations sur les conditions et les délais d’accès aux formations (modalités, résultats, qualité). Enfin, il préconise de demander aux organismes de formation de transmettre aux financeurs « en temps réel », sur une plate-forme de recensement, les informations sur les entrées et les sorties de formation. « La mise en place de cette plate-forme revêt des enjeux considérables en termes de pilotage des politiques de formation », affirme Myriam El Khomri.

* Lire Entreprise & Carrières n° 1277.

Auteur

  • Emmanuel Franck, Laurent Gérard, Virginie Leblanc