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Du côté de la recherche

Chronique | publié le : 01.03.2016 | Denis Monneuse

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Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Les experts, saison 2 !

Avez-vous déjà entendu parler de congruence humaine ou de break out social ou de négociation paroxysmale ? Si l’une de ces trois expressions vous dit quelque chose, consultez au plus vite, car aucune d’elles n’existe (à ce jour). Il y a donc de fortes chances que vous souffriez du syndrome de l’expertise indue.

Dans la lignée de ma dernière chronique (lire Entreprise & Carrières n° 1276), permettez-moi d’en remettre une petite couche sur les experts. Stav Atir, chercheur en psychologie à Cornell, aux États-Unis, a conduit récemment plusieurs expériences avec ses collègues Emily Rosenzweig et David Dunning pour mieux comprendre le fonctionnement des experts.

Ma préférée est celle où ils ont créé des concepts de toutes pièces (comme moi au début de cet article) puis ont demandé à des volontaires s’ils les connaissaient. Parmi les participants, ceux qui se piquaient d’être experts dans un domaine (que ce soit en philosophie, en finance ou encore en biologie) étaient plus nombreux que la moyenne à affirmer avoir déjà entendu parler de ces faux concepts, quel que soit leur niveau réel de culture générale.

L’explication de cette croyance des experts en leur omniscience pourrait venir du fait qu’ils souhaitent faire bonne figure. Pour cela, ils seraient prêts à exagérer l’étendue de leurs connaissances. Stav Atir et ses collègues ont donc mené une expérience supplémentaire au cours de laquelle ils prévenaient les participants que certains concepts dans la liste avaient été inventés. Les participants avaient donc a priori moins de honte à avouer leur ignorance quant à certaines notions. L’ensemble des participants a ainsi été plus prudent dans la liste des concepts qu’ils connaissaient… sauf, à nouveau, ceux qui se disaient experts. Ces derniers affirmaient toujours autant avoir entendu parler de concepts inexistants.

Cette série d’études confirme et amplifie ainsi la pertinence des critiques régulièrement adressées aux experts. Non seulement ils ont tendance à être peu ouverts (comme on l’a vu il y a deux semaines) mais, en plus, ils surestiment leurs connaissances. Avouer qu’ils ne savent pas tout reviendrait en effet pour eux à perdre la face.

Tirer à boulets rouges sur les experts serait toutefois une erreur. Si ceux qui se sentent experts ont l’impression qu’ils doivent paraître infaillibles, c’est sûrement aussi parce qu’on leur en demande trop. Un manager ou un DRH qui payent rubis sur ongle un expert sont-ils prêts à entendre ce dernier leur répondre « Je ne sais pas » à certaines de leurs questions ?

Les experts sont des « supposés sachants », comme disait Jacques Lacan. Nous avons peut-être tort d’attendre d’eux qu’ils aient réponse à tout. Peut-être devrions-nous compter davantage sur eux pour se poser les bonnes questions plutôt que pour obtenir des réponses qui seraient comme des lois universelles, applicables d’une entreprise à l’autre d’un simple copier-coller.

Bref, au lieu d’apporter des solutions miracles, si les experts pouvaient déjà servir à nous enseigner les erreurs à éviter, et à mettre en place des expérimentations pour vérifier si ce qui semble marcher dans l’entreprise A pourrait aussi bien marcher dans l’entreprise B, ils seraient déjà d’une grande utilité.

Auteur

  • Denis Monneuse