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La chronique juridique d’Avosial

Chronique | publié le : 23.02.2016 | Nicolas C. Sauvage

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La chronique juridique d’Avosial

Crédit photo Nicolas C. Sauvage

L’inspection du travail et le Mythe d’IcareUn inspecteur du travail a été condamné pour recel de documents informatiques volés et pour violation du secret professionnel.

Censés “inspecter le travail” d’une manière impartiale, les inspecteurs se muent pourtant souvent en pourfendeurs des employeurs. Un point d’arrêt est mis, par un tribunal correctionnel, à l’impunité dans laquelle nombre d’inspecteurs croient pouvoir exercer leur mission. Cette décision exceptionnelle redonnera foi aux employeurs dans l’impartialité de leur justice.

La chemise du DRH d’Air France arrachée en lambeaux sur son dos a fait le tour des journaux télévisés du monde entier. Le récent refus d’autoriser le licenciement du salarié protégé auteur de ce geste a été moins médiatisé. Ce refus n’a pourtant pas surpris les observateurs avertis. Quel chef d’entreprise n’a pas connu au moins une décision d’un inspecteur niant l’évidence, au moins une autorisation de licenciement refusée contre toute logique ? Et lequel n’a pas été frustré de ne pouvoir réclamer des comptes lorsque la décision initiale rendue au mépris du droit, parfois, a finalement été retournée par le ministre ou la juridiction administrative ?

L’affaire jugée le 4 décembre 2015 par le tribunal correctionnel d’Annecy est emblématique à plus d’un titre. Elle illustre les dérives d’un inspecteur du travail persuadé de l’impunité conférée par sa fonction. Un informaticien s’était frauduleusement introduit sur le réseau de son propre employeur et sur la messagerie du DRH. Ayant trouvé des échanges mettant en cause l’inspecteur, l’informaticien lui avait remis copie des documents correspondants, hors de toute procédure d’enquête en cours. Il avait gardé l’anonymat. L’inspecteur, peu soucieux du respect du secret professionnel, avait aussitôt relayé ces informations à la presse nationale et aux plus importants syndicats de salariés.

L’employeur – dont on peut saluer le courage, car il en faut pour poursuivre l’inspecteur du travail dont l’entreprise dépend – a engagé une procédure pénale. Le tribunal correctionnel a constaté le caractère frauduleux de l’obtention des documents et, partant, le délit de recel à l’égard de l’inspecteur, et de violation du secret professionnel. La condamnation prononcée est faible : une amende de 3 500 euros assortie d’un sursis. Mais, pour autant, le jugement est remarquable, car il marque le refus des juridictions répressives de voir les inspecteurs du travail outrepasser leurs fonctions en toute impunité.

En détail, l’inspecteur du travail a été condamné pour le recel des documents informatiques volés. Le tribunal relève qu’il ne pouvait ignorer la provenance illicite desdits documents, en raison de leur envoi anonyme et de leur contenu. Le tribunal a aussi sanctionné la violation du secret professionnel auquel l’inspecteur était tenu en raison de son statut. Car, personnellement mis en cause par ces documents, l’inspecteur avait saisi le Conseil national de l’inspection du travail, et joint à cette saisine les documents litigieux. Mais aussitôt, l’inspecteur avait mis en copie sept organisations syndicales du département, permettant une large diffusion de documents secrets et internes à une entreprise. L’inspecteur ayant ensuite hésité pendant six mois avant de dénoncer les faits au procureur de la République, n’ayant pas limité la communication initiale des documents à la seule organisation syndicale chargée de défendre ses propres intérêts, le tribunal a décidé que cette diffusion urbi et orbi ne pouvait s’apparenter à l’exercice des droits de la défense. C’était un choix délibéré. L’inspecteur avait espéré mettre ainsi l’opinion de son côté. C’était cependant faire fi de sa mission, qui est de veiller à la stricte application de la loi et non de laisser penser que l’entreprise est nécessairement un oppresseur.

Enfin, le tribunal a fait référence à l’article L. 1132-3-3 du Code du travail relatif au statut du lanceur d’alerte. Bien que ce texte ne fût pas en vigueur au moment des faits, le tribunal a pris soin de rappeler que le lanceur d’alerte doit avoir eu connaissance, de bonne foi, des documents et faits qu’il relate, dans l’exercice de ses fonctions. Cela n’était manifestement pas le cas de l’inspecteur du travail ni de l’informaticien.

Souhaitons que cette décision rarissime serve de garde-fou aux dérives constatées. Les inspecteurs du travail voulant s’affranchir des règles du secret professionnel et acceptant de recevoir des documents à l’origine douteuse sont comme Icare, qui voulait voler près du soleil et sans contrainte. Il a vu la cire fondre et a péri.

Auteur

  • Nicolas C. Sauvage