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Sur le terrain

Retour sur… La politique de maintien dans l’emploi des Fermiers Landais

Sur le terrain | publié le : 16.02.2016 | Rozenn Le Saint

En 2014, l’entreprise agroalimentaire de 400 salariés a adopté un plan de QVT pour mieux accueillir les salariés de retour d’arrêt maladie. Il a permis une baisse du nombre de rechutes sur les six mois suivant la reprise et une diminution des licenciements pour inaptitude.

Fin 2013, la direction des Fermiers Landais s’est aperçue qu’elle peinait à réintégrer les salariés après leur retour d’arrêt maladie, que ce soit à la suite d’un accident du travail (AT) ou d’une maladie professionnelle (MP). Elle a fait appel à l’Association régionale pour l’amélioration des conditions de travail (Aract) Aquitaine, qui l’a aidée à préparer un plan de qualité de vie au travail (QVT) en 2014. « Auparavant, éviter pendant une semaine le poste très physique de découpe, à la reprise d’un salarié, était possible, mais pas réaliser des changements plus profonds comme la mise en place d’un mi-temps thérapeutique », illustre Patrice Mercier, ergonome chargé de la sécurité. Or, dans l’usine où l’on dépèce la volaille à la chaîne, les troubles musculo-squelettiques (TMS) des membres supérieurs – principalement les épaules, les coudes et les poignets – ainsi que les accidents du travail sont fréquents.

« Nous les avons aidés à structurer un projet en créant un groupe dédié composé du directeur de l’entreprise, du DRH, d’un RRH, du responsable de la production et de la qualité, de trois responsables d’ateliers, des membres du CHSCT et de l’infirmière », énumère Dominique Baradat, chargée de mission à l’Aract Aquitaine.

Une cellule dédiée

Le but du comité de pilotage ? Répertorier les situations de travail pour déterminer les plus impactantes sur la santé. Ensuite, travailler sur un diagnostic des circuits d’informations pour comprendre comment combler un manque de communication sur les étapes à suivre, qui vont du signalement de soucis de santé jusqu’au retour à l’emploi à la suite d’un arrêt maladie. « Les informations étaient connues des RH mais descendaient peu », remarque Dominique Baradat. Par la suite, le diagnostic réalisé a évolué en plan QVT et maintien dans l’emploi. « Une cellule pluridisciplinaire interne à l’entreprise, composée de l’ergonome, de l’infirmière et du chef d’atelier, a été créée », décrit la responsable de l’Aract.

Le plan élaboré commence par une formation de quatre heures auprès des 20 cadres et 20 chefs d’équipe. « Cela a permis de comprendre pourquoi la personne touchée par telle maladie chronique doit se rendre régulièrement aux toilettes ou en salle de pause, et d’éviter ainsi les remarques désobligeantes. Il peut s’agir d’une nécessité pour prendre son traitement, ou bien de faire une pause si celui-ci la rend malade. Ou encore, il peut s’agir de souffler en cas de fatigue », explique Patrice Mercier.

Début 2015, l’entreprise a lancé une expérimentation avec trois salariés, consistant à leur téléphoner, avec leur accord, pendant leur arrêt maladie afin d’anticiper sur leur retour. Parmi eux, Sylvie Hardelin, 49 ans. Elle a appris qu’elle était atteinte d’une rhizarthrose du pouce – qui affecte l’articulation entre le trapèze et le premier métacarpien – à la suite d’une chute sur sa main, au travail. En arrêt maladie, elle s’inquiète : « Je me disais que je n’arriverais jamais à reprendre mon poste, mais, après 25 ans dans l’entreprise dont 16 ans à la découpe, je ne me voyais pas faire autre chose avant la retraite. » L’ergonome chargé de la sécurité l’a alors appelée toutes les semaines pendant son arrêt d’un mois, à sa demande, pour envisager, à tâtons, son retour à l’emploi. « Ce retour d’expérience a incité la direction à proposer aux salariés d’anticiper leur retour par le biais de la prévisite de reprise avec la médecine du travail », indique l’ergonome.

Aménagement de poste

Au retour de Sylvie Hardelin, la question d’un changement de poste pour la soulager s’est posée. « Je ne voulais pas abandonner totalement la découpe. Avec le changement d’horaires et de collègues, je craignais de perdre le moral », confie l’opératrice. Une solution intermédiaire a été trouvée, avec trois jours par semaine à la découpe et deux au conditionnement, mais les douleurs étaient trop fortes. Elle est alors passée à deux jours par semaine à la découpe. Son état actuel le permet, et la médecine du travail surveille la validité du compromis à long terme.

Pendant les trois jours où elle quitte la chaîne à la découpe, la charge de travail supplémentaire incombe à ses collègues. « Cela s’est bien passé, ils me connaissent bien et me comprennent », assure Sylvie Hardelin. Elle y voit un effet de la formation de six jours pour tous à la prévention des TMS, mise en place début 2015. « Moi-même, je comprends mieux pourquoi certaines personnes en état de fatigue, touchées par des maladies chroniques, bénéficiaient d’aménagement de poste », admet l’opératrice.

Des bénéfices collectifs

Par ailleurs, Les Fermiers Landais a lancé une réflexion à partir de ces problématiques individuelles, de manière à en faire profiter le collectif. Par exemple, de plus petits chariots ont été acquis pour limiter le port de charges lourdes, et l’entreprise a procédé à l’isolation d’une zone du bâtiment pour éviter que son personnel travaille dans le froid. Enfin, la direction a créé un livret QVT à l’attention des salariés, distribué en janvier 2016. Dans ces 60 pages, ils trouvent les réponses à leurs questions concernant leurs droits et devoirs en cas d’arrêt maladie ainsi que la liste des acteurs à contacter, leur fonction et un trombinoscope. Le plan n’évite pas totalement les rechutes, « une salariée est retournée en arrêt maladie, la reprise de son activité était sûrement trop précoce », admet Patrice Mercier. En revanche, l’entreprise a noté une baisse significative du nombre de rechutes les six mois suivant la reprise. Tous les indicateurs ont diminué, même légèrement. Le nombre de MP est par exemple passé de 14 en 2013 à 10 en 2015 et celui des licenciements pour inaptitude a diminué de sept à trois sur la même période.

Auteur

  • Rozenn Le Saint