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Manager sans lien hiérarchique

Les clés | publié le : 16.02.2016 | Véronique Vigne-Lepage

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Manager sans lien hiérarchique

Crédit photo Véronique Vigne-Lepage

Projets, sous-traitance. Travail en mode projet, prestations de services… Les managers sont de plus en plus souvent appelés à piloter des équipes de salariés avec lesquels ils n’ont pas de rapport hiérarchique. Une animation qui présente parfois des contraintes juridiques et nécessite toujours beaucoup de communication.

Des collaborateurs dépendant d’une filiale ou d’un autre établissement, ou encore des prestataires intervenant sur site… : développement du travail “en mode projet” et tendance à l’externalisation obligent, les équipes sont de plus en plus hybrides. Des équipes qu’il s’agit de manager… hors du lien hiérarchique.

Vis-à-vis de prestataires, le sujet est délicat juridiquement : « Sauf exceptions, toute opération à but lucratif dont l’objet exclusif est le prêt de main-d’œuvre est interdite, explique Me Véronique Massot-Pellet, avocate associée au cabinet Colbert. Une prestation de service ne doit pas consister seulement en cela. » Pour décider du caractère licite d’un contrat, un juge rassemble un faisceau d’indices, à commencer par la réalité de l’encadrement du salarié par sa hiérarchie et non par un manager de l’entreprise cliente. « Il faut aussi veiller à ce que cette personne respecte les horaires de travail fixés par son employeur et non ceux du client, qu’elle ne dépose pas ses demandes de congés auprès de ce dernier ou qu’elle n’ait pas d’adresse e-mail à son nom », prévient l’avocate.

Au quotidien, cependant, la distinction des rôles entre le supérieur hiérarchique du salarié et le responsable opérationnel de l’entreprise cliente n’est pas toujours très nette. Yoann Gouriou, par exemple, responsable exploitation départs chez Geodis à Saint-Égrève (Isère), prévient les chauffeurs-livreurs détachés par son prestataire, Qualit Express, que « c’est comme si nous étions leur employeur ». Il arrive ainsi qu’il demande à un conducteur de retourner, l’après-midi, faire une livraison non assurée le matin. Mais leur manager reste Jean-Baptiste Albaran, chef d’équipe chez Qualit Express : « Je vérifie que la quantité de livraisons demandée à chacun n’est ni trop importante ni insuffisante, explique ce dernier. C’est aussi moi qui remplace les absents, etc. ».

Lorsqu’un recadrage de salariés délégués est nécessaire, la souplesse est souvent aussi de mise, mais seulement dans un premier temps : « Lors d’une première erreur, j’en parle en tête à tête avec le collaborateur, témoigne Stéphane Delbecque, responsable des programmes pédagogiques d’Auchan (et ex-manager en informatique). Mais la seconde, je la signale à son entreprise. » De même, si Éric Bernier, chef de projet à la SSII Sogeti, assure « qu’en aucun cas », il ne « s’adresse à la personne qui pose problème mais en réfère à son manager », il admet qu’il lui est « arrivé de faire un accompagnement informel d’un consultant junior ».

Vision inspirante

D’une manière générale, le supérieur hiérarchique “manage”, tandis que le responsable opérationnel ou chef de projet “anime”. « Dans les deux cas, il s’agit de faire faire, explique Anne-Marie Delmar, formatrice chez Orsys Formation. Mais dans le second, on est plus dans l’influence, le leadership personnel ». La légitimité du chef de projet n’étant pas assise sur un titre mais sur une expertise, il se doit, assure-t-elle, plus que tout manager, d’insuffler une « vision inspirante ». Stéphane Delbecque parle de « donner de l’âme au collectif ». La communication est ici centrale, de même que la psychologie, assure Éric Bernier. « Pour éviter que les personnes ne vivent le projet comme une contrainte, explique-t-il, il faut, en amont, les appeler ou les rencontrer, pour leur en parler de manière informelle. Elles l’aborderont avec un esprit plus constructif. » Pour Giovanna Quendo, ex-responsable marketing de Rhodia puis de l’IFTH*, l’animation de la réunion de lancement (ou kick-off) est essentielle : « Les personnes affectées au projet peuvent être enclines à répondre d’abord à d’autres objectifs fixés par leur supérieur hiérarchique, explique-t-elle. Lors du kick-off, il faut donc leur vendre le projet, en leur montrant l’intérêt qu’elles peuvent en retirer dans leur carrière ou à titre personnel. »

Obtenir cette adhésion permet de créer la confiance nécessaire à un travail collaboratif. « Souvent, les participants à un projet n’osent pas dire qu’ils rencontrent un problème, ou, ils le font trop tard », pointe Giovanna Quendo. Pour éviter les dysfonctionnements, le chef de projet doit « suivre de près chaque personne, chaque prestataire, assure Éric Bernier, sans faire d’ingérence, mais en demandant régulièrement des livrables ». Avoir un “sponsor” au sein du comité de direction de l’entreprise cliente peut l’aider à asseoir sa légitimité, « surtout, ajoute-t-il, si le chef de projet est externe et doit faire travailler des équipes internes ».

Connaissance mutuelle

La confiance s’instaure aussi par la connaissance mutuelle : « Lorsque des personnes cohabitent sans savoir ce que font les autres, cela peut engendrer un sentiment d’anonymat et une démotivation », estime Stéphane Delbecque, qui anime de courtes réunions hebdomadaires où chacun fait un point sur son travail, debout, pour plus de dynamisme. Éric Bernier, qui doit souvent animer des équipes internationales, s’est formé, lui, à la connaissance de la culture indienne et préconise à ses prestataires d’en faire autant. « Bien plus que dans un rapport hiérarchique, conclut Anne-Marie Delmar, on est obligé, pour ce management transverse, de s’appuyer sur l’axe relationnel ».

* Institut français du textile et de l’habillement.

Les conseils du coach

Anne-Marie Delmar

Consultante-formatrice pour Orsys Formation

1

S’informer sur le contrat signé avec les prestataires

Un chef de projet ayant à gérer des salariés de prestataires doit, en amont, se renseigner sur ce qui est prévu dans le contrat, afin de s’assurer que le rôle et les responsabilités de chacun sont bien clairs. En effet, en cas de nouveaux objectifs ou de délais non respectés, par exemple, il devra traiter avec le manager de ces salariés… Bien souvent, ni l’un ni l’autre n’ont participé à la rédaction du contrat. Être associé à son élaboration est idéal : par exemple pour éviter que les indicateurs de succès prévus soient mal définis ou difficiles à calculer.

2

Établir une vision et la communiquer

Faire preuve de charisme, c’est-à-dire de la capacité à influencer les autres, est essentielle pour un management transverse. Communiquer sa vision du projet régulièrement motive les membres de l’équipe et contribue au leadership du manager. Cela passe par de petites choses, comme se rappeler du nom de chacun, être vraiment présent dans les échanges, écouter, mettre de l’enthousiasme…

3

Rester dans une approche gagnant-gagnant

Les difficultés arrivent lorsqu’on n’ose pas dire que quelque chose ne va pas ou, au contraire, quand on s’emporte. Mieux vaut adopter un comportement assertif, c’est-à-dire s’exprimer sans agressivité, sans reproche, dans le respect de l’autre mais aussi de ses propres besoins. Si un collaborateur a pris du retard sur une tâche, par exemple, avant d’alerter son supérieur, on peut lui exprimer son inquiétude sur l’impact potentiel de ce dépassement sur le projet, et lui demander ses propositions pour y remédier.

Auteur

  • Véronique Vigne-Lepage