En quelques décennies, la gestion s’est imposée comme une pratique universelle dans l’entreprise, dans la sphère publique et même aujourd’hui dans la vie privée. Elle s’est immiscée partout. Non content de gérer sa carrière, l’individu est supposé gérer aussi sa vie, sa santé, ses enfants et même son image. L’auteur, chercheur en sciences humaines attaché au laboratoire Gredeg (université de Nice), retrace en détail l’histoire de ce courant intellectuel amorcé dans les années 1900 par des ingénieurs américains. Il se propose de dépasser l’idée du management comme rationalité technique, qui tendrait à transformer l’homme en simple machine, pour évoquer une rationalité de gouvernance des hommes en général. La gestion étant bien davantage pour lui une figure du politique que du capitalisme.

Abordant le management sous l’angle symbolique, l’auteur met en évidence, depuis l’origine du mot, le management comme art reposant sur des grands principes plus que sur des règles strictes, et qui s’applique à tout individu en état de dépendance du fait de son âge, de sa situation ou de sa condition. D’abord utilisé dans la sphère du soin, de la famille, le mot dérive progressivement dans le champ du contrôle et de la rationalisation. Le management moderne, depuis les théories de l’organisation scientifique du travail et du pouvoir, a donc dévié de la logique paternaliste vers celle, impersonnelle, de domination, fondée sur le calcul plutôt que sur l’expérience humaine. Rationalité qui se diffuse dans toute la société à partir du moment où l’encadrement – les managers – devient le noyau dur des classes moyennes.