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L’enquête

Le temps de travail, éternel sujet de conflit

L’enquête | publié le : 09.02.2016 | Caroline Coq-Chodorge

Journées de travail plus courtes ou au contraire longues de 12 heures, généralisation de la grande équipe… L’accord trouvé par l’AP-HP de Paris est un habile condensé des solutions managériales élaborées à l’hôpital public pour répondre aux attentes des agents, mais surtout pour réaliser des économies sur la masse salariale.

Lorsqu’il a annoncé au printemps 2015 sa volonté de renégocier l’accord sur le temps de travail du personnel non médical, le directeur général Martin Hirsch a clairement énoncé son objectif : économiser 20 à 25 millions d’euros, et ainsi sauver 4 000 emplois, dans un contexte de restrictions budgétaires sans précédent pour l’hôpital public. S’est alors ouvert un conflit social long de plusieurs mois, ponctué de manifestations qui ont réuni jusqu’à 8 000 agents dans les rues de Paris.

Négociations avec la CFDT

Mais, dans le courant de l’été, la CFDT a quitté le front syndical, jusqu’ici uni, et s’est assise à la table des négociations : « Nous avons débloqué une situation qui était en voie de pourrissement, pour éviter un passage en force du directeur au 1er janvier », explique Didier Choplet, secrétaire général adjoint de la CFDT.

Trois journées types

En mars, Martin Hirsch proposait de supprimer les horaires de travail en 7 h 36 – courants chez les soignants qui travaillent de jour – et de les remplacer par des journées en 7 h 30. Finalement, les journées de 7 h 36 sont maintenues, avec leurs 18 jours de RTT. En parallèle sont créées des journées en 7 h 30, ouvrant droit à 15 jours de RTT. Les agents qui choisiront sur une base volontaire ce temps de travail bénéficieront d’un forfait de rémunération équivalent à 18 heures supplémentaires par an. Les services qui choisiront l’horaire en 7 h 30 pourront travailler en 12 heures le week-end. « C’est une demande des agents, explique Didier Choplet. Cela leur permettra de ne travailler qu’un week-end sur trois. »

Trois autres journées types de travail sont créées : en 8 h 45, en 9 heures et en 10 heures, adaptées aux services qui ne fonctionnent qu’en journée. La journée de 7 h 50, très minoritaire, est supprimée. Le point de l’accord le plus douloureux est la généralisation de la grande équipe de jour. Auparavant, les soignants travaillaient le matin ou l’après-midi. À l’avenir, ils tourneront, ce qui permet de remplacer plus facilement les agents arrêtés. Les économies pour l’AP-HP sont substantielles. Les deux journées de repos extraréglementaires obtenues en 2002 sont supprimées, ainsi que la journée accordée aux mères de famille.

Principales satisfactions pour la CFDT : « La direction ne parle plus de suppressions de postes, et les 30 minutes de repas incluses dans le temps de travail sont préservées. » Mais pour la CGT, cet accord conduit à une « intensification du travail, pour répondre à des objectifs purement financiers. La pénibilité de nos métiers est niée, alors que nous sommes en situation de sous-effectif. Le personnel a un sentiment de trahison », selon la secrétaire générale de la CGT Rose-May Rousseau.

Mobilisation

La mise en œuvre du protocole, prévue au 1er janvier, a été suspendue par le CHSCT, qui a commandé deux expertises : l’une sur le recours au télétravail pour les cadres, l’autre sur la concordance des temps médicaux et non médicaux. « Leurs résultats sont attendus début mars, mais elles ne remettront pas en cause le protocole », assure Isabelle Chaumont-Huyet, secrétaire générale de la CFDT. Les autres syndicats, toujours organisés en intersyndicale, poursuivent leur mobilisation. Mais la grève du 26 janvier n’a été suivie que par 6 % des agents. La CFDT fait face à « beaucoup d’agressivité de la part des autres syndicats, regrette Isabelle Chaumont-Huyet. Nous sommes accusés de trahison, nous avons vu passer des tracts avec des cercueils… » Elle rappelle que son syndicat était « traité de la même manière en 2002, lorsque nous avons été les seuls à signer le protocole sur le temps de travail, aujourd’hui défendu comme un trésor par les autres syndicats. Je suis certaine que, dans quelque temps, ce nouveau protocole sera lui aussi considéré comme historique ».

Repères

Activité

39 hôpitaux, 7 millions de patients par an.

Effectif

95 000 agents.

Budget

7,2 milliards d’euros.

Auteur

  • Caroline Coq-Chodorge