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Accorder le droit à l’erreur : un risque constructif

Les clés | publié le : 26.01.2016 | Marie-Madeleine Sève

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Accorder le droit à l’erreur : un risque constructif

Crédit photo Marie-Madeleine Sève

Gestion d’équipe. S’adapter à la nouveauté, explorer d’autres domaines, innover s’effectue rarement sans faux pas. Le manager qui souhaite hisser son équipe et faire émerger des talents a avantage à jouer la tolérance – sans laxisme – plutôt que de clouer ses collaborateurs au pilori à la moindre défaillance. Conseils pour une positive attitude.

« Je ne suis pas d’accord avec ce que j’ai vu de ton comportement. On en reparlera plus tard ! » Caroline Guillotin, ex-DRH de Gemafi-Maty (joaillerie, 730 salariés), se souvient des propos conciliants tenus par sa supérieure il y a treize ans lorsque, jeune chef de rayon, elle travaillait dans l’un des magasins québécois du spécialiste de prêt-à-porter Mexx : « Là-bas, l’erreur est considérée comme facteur de progrès, et on la signale vite à l’intéressé. J’avais parlé durement à une collègue et ma responsable et moi en avons discuté le soir même. Elle avait le sourire ; du coup, j’avais envie de redoubler d’efforts, de peur de la décevoir. » Une leçon pour cette DRH qui, depuis lors, dans sa carrière, a toujours veillé à rester accessible et affable à la moindre bévue commise par l’un de ses collaborateurs : « Je dédramatise la situation pour l’aider à redémarrer. Et en m’installant à côté de lui, autour d’une table, j’évite le côté tribunal. Ainsi il peut me dérouler les faits et proposer des solutions en confiance. »

Un outil puissant

Cette expérience canadienne est loin d’avoir été vécue par la plupart des managers dans l’Hexagone. Car, dans notre culture cartésienne, le faux pas reste mal perçu. Sauf dans les départements de R & D ou les start-up, où le processus essais-erreurs est indispensable pour sentir le marché et ajuster le business. « Pour gagner en performance, le manager doit lâcher le contrôle, réaliser que le risque zéro n’existe pas, surtout en période de changement où les gens tâtonnent », expose Valérie Bernardout, coach à Inspirations Management. La possibilité de prendre des initiatives, de faire différemment est donc un atout, mais elle a un corollaire : l’autorisation de se tromper. « C’est l’outil le plus puissant pour aider la personne à grandir, observe Guillaume de Montgolfier, fondateur de Montgolfier Consultants. Sinon, le chef aura une armée de bons soldats, mais des soldats qui seront dans l’exécution, la routine. Ils vont plafonner, et la troupe aussi. » Le droit à l’erreur constitue donc un levier managérial majeur. Les entreprises qui l’ont adopté en tirent les bénéfices : une autonomie et une responsabilisation accrues dans les services, une créativité décuplée, un engagement raffermi, une agilité prononcée et un climat apaisé.

Certaines en font une valeur phare. C’est le cas d’iAdvize, spécialiste de l’e-relation client à Nantes (155 salariés) ; « Chaque manager doit inciter ses collaborateurs à se dépasser, tout en acceptant que l’idée émise peut ne pas fonctionner. Et ceux-ci le notent anonymement deux fois par an, en particulier sur cette capacité d’acceptation », précise le jeune patron Julien Hervouet. De son côté, le chocolatier Valrhona, à Tain-l’Hermitage (Drôme, 800 salariés) forme depuis 2012 tous ses encadrants aux postures du manager-coach, dont la reconnaissance du droit à l’erreur fait partie. « En 2013, avec 50 managers qui ont suivi ce cursus intensif, nous avons réfléchi à six « partis pris managériaux », déclinés en compétences managériales, souligne le DRH Philippe Rident. S’y trouvent le droit à l’erreur, source d’apprentissage, et la liberté pour chacun de prendre des initiatives sur son territoire de mission, en étant pleinement responsable. Un déclencheur d’innovations ! »

Créer une sécurité psychologique

Une formalisation de ce droit, assorti de “non-punition”, n’est pas nécessaire. « Il s’agit de créer une sécurité psychologique dans l’équipe. L’important, c’est le faire et pas le dire, assène Guillaume de Montgolfier. Il suffit d’user d’empathie et d’écoute active envers un ou deux salariés qui ont trébuché, pour que ce choix de la bienveillance se sache. Les autres oseront parler et agir ! »

En revanche, le n + 1 a intérêt à poser des limites. D’abord en annonçant que la même erreur répétée deviendra une faute (lire ci-contre). Ensuite, en délimitant l’initiative pour éviter d’atteindre des seuils critiques, irrattrapables. « Quand un commercial a une idée – nouvelle méthode de négociation, etc. –, j’examine avec lui sur quel périmètre et à quel horizon temporel il peut la tester. Et nous fixons des indicateurs de mesure pour évaluer si ça marche, avant de la généraliser ou pas », détaille François Daures, directeur ventes indirectes chez iAdvize. Toutefois, après le constat d’un dérapage ou d’un échec, il se montre intransigeant : « Le collaborateur peut se planter sur un projet ou, dans le cadre de son métier, sur un délai, un chiffre, une procédure, mais il doit analyser pourquoi, comprendre quand et où l’erreur est survenue, et en saisir les conséquences. Pas question de se contenter d’un “Mon intuition me dit que… “. Je l’invite à tirer des enseignements pour progresser, éviter la rechute, et les partager avec les autres si c’est utile. » L’opportunité, aussi, de caler un second rendez-vous… de félicitations celui-ci. Une fois que le salarié aura comblé ses lacunes et/ou rectifié le tir.

Les conseils du coach

François Enius

Coach de dirigeants et fondateur de WKG Corporate

1

Savoir avouer ses propres faux pas

Le meilleur moyen de diffuser une tolérance bienveillante à l’erreur, c’est d’être capable de reconnaître ses loupés devant l’équipe : soit en réunion, soit à la machine à café. Nul manager n’est parfait ! Toutefois, il peut et doit être un modèle sur ce point. Il ne s’agit pas de faire un mea culpa avec des « je n’aurais pas dû », mais d’exposer des faits. Restez sobre en disant « je ». Exemple : « J’ai pris – ou mis en œuvre – telle décision, j’y ai repensé depuis. Je me suis mépris pour les raisons X et Y. À l’avenir, je prendrai tel paramètre en compte et vous informerai plus tôt. » Cela constituera une sorte de référentiel pour les collaborateurs amenés à vous informer d’une boulette.

2

Utiliser le terme “faute” à bon escient

Les mots ont une valeur juridique. Envoyer un e-mail en qualifiant de faute un simple raté ou une bêtise, c’est risquer des ennuis. Distinguez bien l’erreur de la faute. La première est involontaire, et relève de l’étourderie, de l’oubli, de l’incompétence, de l’ignorance, ou d’un processus inadéquat. La seconde est volontaire, et a pour cause la négligence, la désinvolture face aux règles ou l’intention de nuire. Dès lors, elle mérite une sanction proportionnée. Pour signifier l’erreur, optez pour la voie orale et le tête-à-tête, ce qui mettra le collaborateur à l’aise.

3

Se méfier d’un excès de bonhomie

Attention à ne pas vous montrer trop débonnaire. Certains pourraient en abuser et ce serait désastreux au regard du collectif. Donner le droit à l’erreur ne signifie pas fermer les yeux devant des initiatives trop hasardeuses (voire débridées) ou lors de sérieuses anicroches aux usages. Ce serait perçu comme une démission. Le job de chef, c’est de dire les choses. Selon le tempérament des uns ou des autres, vous serez donc plus ou moins indulgents.

Auteur

  • Marie-Madeleine Sève