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Handicap : le secteur protégé monte en gamme

L’enquête | publié le : 26.01.2016 | L. G.

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Handicap : le secteur protégé monte en gamme

Crédit photo L. G.

Pour atteindre leur obligation d’emploi de salariés handicapés, certaines entreprises utilisent largement les ressources du secteur du travail protégé et adapté (STPA). Elles sont parfois surprises par l’innovation et la qualité de nouvelles prestations qu’il propose désormais.

« Ils sont les meilleurs pour le travail qu’on leur a confié jusqu’ici », affirme Bruno Cambon, directeur d’exploitation du parc d’attraction du Pal, à Saint-Pourçain-sur-Besbre dans le nord de l’Allier. “Ils”, ce sont les travailleurs handicapés employés par une entreprise adaptée qui, depuis plusieurs années, réalise dans le parc des prestations de nettoyage sophistiquées et exigeantes, car en rapport avec l’accueil du public, dont des enfants (lire p. 24).

Même satisfecit de la part d’Anne-Laure Thomas, directrice égalité des chances et diversité de La Poste : « Le groupe recourt de plus en plus au secteur du travail adapté et protégé, qui se développe, se diversifie et propose des prestations de qualité à des tarifs compétitifs », affirme-t-elle. La Poste recourt notamment à ce secteur pour des prestations de transport de ses propres salariés handicapés ou valides, dont elle étend l’usage à plusieurs entités (lire p. 25).

D’autres entreprises vont encore plus loin, en confiant l’atteinte d’objectifs industriels très particuliers à des prestataires du secteur protégé : des entreprises adaptées (EA) ou des établissements et services d’aide par le travail (Ésat). C’est ainsi que le spécialiste de la billettique Parkeon a choisi de déléguer « une affaire majeure » à une entreprise adaptée, selon l’expression employée par Patrick Desgrange, chargé du dossier au service achats. Il s’agit ni plus ni moins que de l’assemblage final d’un nouveau produit industriel, support d’une diversification innovante pour l’entreprise.

C’est le choix également d’Airbus qui, au travers de son sous-traitant Sogeti, a signé divers accords de prestation avec une entreprise adaptée (EA) employant des ingénieurs et spécialisée dans la haute technologie (lire p. 22). Un des chantiers est de « mettre en œuvre les outils de télémesure lors des essais en vol » : le bilan est positif.

Méconnaissance

Comme en témoignent les entreprises dans ce dossier, certaines prestations désormais offertes par le secteur du travail protégé et adapté (STPA), qui emploie des personnes en situation de handicap, dépassent de loin les stéréotypes sur l’entretien des jardins, la blanchisserie et la mise sous plis, auxquels, pour beaucoup, se résument les capacités d’interventions de ce secteur.

Cette méconnaissance sur les capacités réelles d’intervention du STPA se conjugue avec l’ignorance de nombre d’entreprises quant à leur capacité à réaliser la moitié de leur obligation d’insertion de travailleurs handicapés (6 % de leur effectif) en ayant recours aux prestations des EA et Ésat du STPA. Il ressort ainsi du baromètre 2015 du réseau Gésat (plate-forme de mise en relation entre donneurs d’ordre privés et publics et prestataires adaptés) que la marge de progression des relations entreprises-STPA est très importante.

Des relations améliorées

Globalement, ce baromètre pointe une tendance générale à l’amélioration de ces relations. Ainsi, il enregistre une forte progression des prestations ayant trait aux industries graphiques et à la gestion de l’environnement, « qui n’apparaissaient pas en 2014 dans les segments majoritaires », de même qu’en restauration, « qui n’arrivait qu’en cinquième position en 2014 ». À l’inverse, il note une baisse de la mise sous pli-mailing-routage (deuxième en 2014, cinquième ex-aequo aujourd’hui) et du nettoyage (quatrième en 2014, absent du classement aujourd’hui).

Autres points positifs, le Gésat constate une forte diminution du motif “échec-mauvaise expérience” : moins 8 %, ainsi qu’un fort recul du sentiment de “manque de réactivité”. Cet argument constituait le troisième frein lors de l’enquête précédente, il est rétrogradé à la neuvième place aujourd’hui.

Mais cette étude fait également état d’un gros point noir : davantage de donneurs d’ordre considèrent que certains de leurs besoins sont peu ou pas couverts par le STPA : « Ils étaient 28 % en 2014 et sont 42 % aujourd’hui. La consultation du secteur protégé est maintenant systématique dans les démarches d’achats, car la confiance envers le secteur s’accroît, explique Béatrice Amsellem, directrice du Gésat. Mais la demande est diverse et spécifique, en termes d’activités comme de niveaux de prestation, et ne correspond pas toujours aux capacités de réponse du secteur. La plupart des segments nommés existent, mais probablement en volumétrie insuffisante. »

Pour la directrice du réseau, il est primordial de continuer à aider au développement des échanges entre les entreprises et le STPA, afin d’affiner l’analyse des besoins et de professionnaliser davantage les travailleurs handicapés, permettant au STPA d’être plus concurrentiel et compétitif.

Du côté des pratiques d’entreprises, deux choix améliorent très nettement la productivité des relations avec le STPA. Premièrement, la présence d’un acheteur formé spécifiquement et dédié à cette tâche permet de “faire décoller” les achats au STPA : un tel intervenant réalise en moyenne un montant d’achats de 169 euros par salarié présent dans l’entreprise, contre 107 euros pour un acheteur formé mais pas dédié, et 93 euros en l’absence d’acheteur formé spécifiquement et dédié (lire aussi Entreprise & Carrières n° 1268).

Activités originales et innovantes

Un spécialiste formé et dédié présente l’autre vertu d’acheter auprès du STPA davantage d’activités originales et innovantes : gestion de l’environnement, industries graphiques, gestion administrative et commerciale, communication, ingénierie informatique… « La présence d’un tel spécialiste permet de démontrer aux autres acheteurs et autres prescripteurs l’étendue des possibilités offertes par les 2 180 EA et Ésat en France, confirme Béatrice Amsellem. Et il est positif que notre observatoire constate que 50 % des structures n’ayant pas encore formé leurs équipes sur cette thématique affirment avoir l’intention de le faire à court terme. »

Objectifs précis d’achats

Deuxième décision importante pour fortifier la politique de recours au STPA : la définition d’objectifs précis d’achats. Ainsi, l’étude du Gésat constate que « les entreprises ayant fixé à leurs acheteurs des objectifs de développement ont une moyenne d’achat de 159 euros par collaborateur présent dans l’entreprise, contre 72 euros par collaborateur pour celles qui n’en ont pas fixés ».

Un bon moyen pour ammorcer cet achat est de mettre cette question à plat en utilisant l’outil d’autodiagnostic construit par le Gésat (packqualite.reseau-gésat.com), et en lisant la norme NF 50-842 Afnor (afnor.org).

#KillLaBetise : campagne choc contre les stéréotypes

Début décembre 2015, l’Adapt a lancé une campagne pour interpeller les entreprises et le grand public « afin de réveiller les consciences et de faire réagir en confrontant tout un chacun à ses préjugés vis-à-vis des personnes dites vulnérables, explique Éric Blanchet, directeur général de l’association. Cette campagne, prévue sur trois ans avec un rendez-vous tous les six mois, représente un véritable tournant dans la mobilisation de tous. Elle aborde les différents aspects de la vie des personnes touchées par le handicap et les maladies invalidantes : emploi, logement, culture, sport, sexualité, accessibilité, etc.

#KillLaBetise reprend les principaux clichés que l’on entend couramment sur le handicap : des stéréotypes ancrés dans les esprits du plus grand nombre. Volontairement, #KillLaBetise est une campagne choc : « Un handicapé dans les transports, ça prend trop de place ! » ; « Adapter l’ascenseur aux handicapés ? Le rez-de-chaussée, c’est sûrement mieux pour eux. »

En France, 11,8 millions de personnes sont touchées par le handicap et les maladies invalidantes, et 3 millions ont déclaré avoir fait l’objet de discriminations au cours de leur vie à cause de leur état de santé, selon une étude sur l’accès à l’emploi des personnes handicapées de la Dares en 2013 ».

Auteur

  • L. G.