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Emploi : chantiers en cours

La semaine | publié le : 26.01.2016 | Élodie Sarfati

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Emploi : chantiers en cours

Crédit photo Élodie Sarfati

François Hollande n’a pas attendu la remise, cette semaine, du rapport Badinter sur le socle de garanties du droit du travail pour présenter ses pistes d’amélioration de la situation de l’emploi. Temps de travail, formation des chômeurs… revue des réformes annoncées.

En présentant le 18 janvier son plan en faveur de l’emploi, François Hollande a tracé plusieurs pistes. Outre la promesse de transformer le CICE en « baisse définitive de charges » d’ici à deux ans – anticipée par une prime à l’embauche pour les PME qui recruteront avant le 31 janvier –, le président a annoncé un nouveau plan de formation des demandeurs d’emploi et évoqué les assouplissements du droit du travail qui intégreront la loi El Khomry.

Des assouplissements dans le temps de travail

Défendant la réforme du Code du travail désormais sur les rails, le chef de l’État a donné quelques indications sur ce que la réécriture des règles du temps de travail – prévue dans le projet de loi qui sera présenté en mars – pourrait contenir. Il a ainsi indiqué que c’est à l’accord d’entreprise que reviendra la « responsabilité de fixer les modalités d’organisation du temps de travail, sans remettre en cause la durée légale, en permettant par exemple de fixer le taux de majoration et le nombre d’heures supplémentaires, ou de moduler davantage le temps de travail au-delà de l’année ». S’il semble que la limite de 10 % de majoration des heures supplémentaires soit conservée, la nouveauté consisterait à empêcher les branches de verrouiller le taux de majoration applicable par les entreprises, a expliqué la ministre du Travail.

Quant au contingent d’heures supplémentaires, il est défini prioritairement par accord d’entreprise depuis 2008. « Entre 2003 et 2014, pas moins de dix lois ont été votées sur le temps de travail, la plupart dans le sens d’une plus grande flexibilité, rappelle Pascal Lokiec, professeur de droit à Paris-10. On va simplement prolonger le mouvement, par une nouvelle atteinte au principe de faveur, mais qui n’aura pas plus d’effet sur le chômage. » « C’est une façon de revenir à 39 heures, avec une petite compensation salariale », analyse de son côté Pascal Lagoutte, avocat au cabinet Capstan. Pour lui, la mesure pourra intéresser les petites et moyennes entreprises – « à condition de faciliter les accords dérogatoires, en l’absence de syndicats » – mais pas les grandes, qui, selon lui, ne remettront pas à plat une organisation du travail construite de longue date. De même, la modulation au-delà de l’année « n’est pas une demande de la part des entreprises », constate-t-il.

Vers une évolution des accords de maintien de l’emploi

François Hollande a également annoncé que, lorsqu’un accord collectif « est conclu dans l’intérêt de l’emploi, [ses] stipulations pourront s’imposer à celles du contrat de travail ». Aujourd’hui, les salariés peuvent refuser de se voir appliquer les accords de maintien de l’emploi (AME) ; ils sont alors licenciés pour motif économique, sans obligation de mettre en place un PSE. Le projet de loi va-t-il intégrer la possibilité de conclure des AME offensifs, c’est-à-dire pouvant être conclus en l’absence de difficultés économiques avérées ? Les sénateurs avaient tenté d’introduire cette disposition lors de l’examen de la loi Macron. « Mais jusqu’où va-t-on aller ? Beaucoup d’accords peuvent être conclus dans l’intérêt de l’emploi, s’inquiète Pascal Lokiec. Par ailleurs, va-t-on modifier le motif de la rupture du contrat de travail des salariés qui refuseraient de se voir appliquer un tel accord ? Celui-ci est, et doit rester, économique. »

Pascal Lagoutte plaide, lui, pour que le salarié qui refuse soit licencié pour faute, comme avec la loi Warsmann sur la modulation, quand bien même l’accord comprendrait une baisse de salaire : « D’ores et déjà, les salariés ne peuvent pas refuser d’être mis au chômage partiel », argue-t-il. Reste toutefois à voir si les syndicats emprunteraient une telle voie, et si les employeurs auraient moins de réticences à s’engager sur l’emploi.

Le barème des prud’hommes confirmé

Les indemnités que les employeurs pourraient être condamnés à verser en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse seront plafonnées en fonction de la seule ancienneté, a indiqué le président. Exit donc la taille de l’entreprise, qui avait amené le Conseil constitutionnel à invalider le barème inscrit initialement dans la loi Macron. Le même plafond sera donc appliqué aux PME et aux grandes entreprises, ce qui fait craindre à Pascal Lokiec un niveau très bas. Pierre Gattaz réclame une fourchette allant de 6 à 10 mois de salaire. En moyenne, selon Les Échos du 21 janvier, les indemnités accordées par les conseils de prud’hommes représentent 10 mois de salaire (de 8 à 15 mois selon l’ancienneté). Même si, pour le juriste, « l’ancienneté n’est pas plus en rapport avec le préjudice subi que ne l’était la taille de l’entreprise », le Conseil constitutionnel pourrait cette fois valider la mesure. « Le législateur permet à l’employeur de calculer à l’avance le coût de la violation du droit », déplore-t-il.

Pascal Lagoutte reconnaît que la crainte d’avoir à payer des indemnités démesurées est largement surestimée, notamment par les PME, « mais les inquiétudes sont réelles, et le plafond devrait lever les inhibitions pour embaucher », avance-t-il. Tout en prévoyant une inflation des contentieux portant sur la discrimination et le harcèlement, a priori exclus du barème.

Formation et apprentissage

Ce n’est qu’au début du mois de février que seront révélées les modalités pratiques et financières du plan de formation pour 500 000 chômeurs annoncé par François Hollande le 18 janvier. Une réunion entre le Premier ministre, les présidents de région, les acteurs sociaux, les préfets et le service public de l’emploi doit parachever concrètement cette annonce. La somme d’un milliard d’euros a été plusieurs fois évoquée, financée par l’État, les régions et le FPSPP. Ces formations seront orientées vers la création d’entreprise, les emplois disponibles qui ne trouvent pas preneurs faute de personnel qualifié dans les secteurs de l’aéronautique, du bâtiment, de la sécurité, du tourisme, des services à la personne, et dans les secteurs en expansion du numérique, de la transition énergétique…

D’autres propositions concernant la formation ont été avancées par le président de la République : faciliter les entrées en permanence et tout au long de l’année dans les dispositifs d’apprentissage, ouvrir les titres du ministère du Travail à l’apprentissage, permettre aux entreprises qui le souhaitent d’ouvrir un CFA et donc d’y consacrer leur taxe d’apprentissage, favoriser des jumelages entre les lycées professionnels et les CFA. Par ailleurs, François Hollande souhaite le développement du contrat de professionnalisation pour les demandeurs d’emploi. Pour parvenir à un objectif de 50 000 bénéficiaires (au lieu de 8 000 aujourd’hui), l’État financera des aides aux entreprises sur le modèle des contrats aidés.

Auteur

  • Élodie Sarfati