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Logiciels RH : les nouveaux atouts de la gestion des temps

L’enquête | publié le : 19.01.2016 | H. T.

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Logiciels RH : les nouveaux atouts de la gestion des temps

Crédit photo H. T.

C’est un marché qui surfe sur les conjonctures difficiles. Et pour cause : la gestion des temps et des activités (GTA), de plus en plus associée à la planification, permet aux entreprises de contrôler leurs coûts et de faire des économies. Avec des solutions toujours plus sophistiquées et collaboratives, qui impliquent davantage les salariés dans le processus.

Le 6 octobre dernier, les experts de Bodet Software n’étaient pas peu fiers de présenter leurs nouveaux produits à leurs clients parisiens : Kelio Visio X7, un terminal communicant interactif embarquant de multiples applications, qui relègue la badgeuse classique au rang de vieillerie. Et la nouvelle suite Kelio de gestion des temps (GT), fruit de cinq années de R & D – un investissement de 5 millions d’euros – et d’une approche centrée sur les utilisateurs, à laquelle ont été associées une quarantaine d’entreprises.

« La gestion des temps s’était tellement étoffée que les logiciels n’avaient pas de cohérence d’ensemble, explique Vincent Noyet, responsable marketing de l’éditeur spécialisé. Nous avons mis de l’ordre dans tout ça. Le client a désormais un écran à partir duquel il peut tout faire », l’interface traduisant, de manière logique, les différentes actions à mener en matière de GT, depuis la configuration des nouveaux salariés dans le système jusqu’à l’exportation des données vers la paie. Les 150 participants, DRH, RRH, gestionnaires de paie, DG, pour la plupart, semblaient conquis.

Dans un marché du logiciel RH où la gestion des talents tient la vedette, la “bonne vieille” gestion des temps et des activités (GTA), de plus en plus associée à la planification (lire l’encadré p. 21) en a encore sous la pédale. Plusieurs annonces intéressantes ont d’ailleurs ponctué 2015, dévoilant notamment l’appétit de certains éditeurs (Horoquartz, GFI) pour le secteur hospitalier, sommé par le gouvernement d’économiser 3 milliards d’euros d’ici à 2017. Octime, lui, œuvrait à son dimensionnement international en rachetant le groupe espagnol Spec. Et tandis qu’ADP musclait sa suite GlobalView HCM destinée aux multinationales avec de nouvelles fonctionnalités de GTA, Kronos dévoilait la dernière version de sa solution de gestion des effectifs Workforce Central – avec « une expérience utilisateur repensée, des outils analytiques puissants et une capacité de gestion internationale dans le cloud », dixit l’éditeur.

Un métier d’experts

Alors qu’elle était à l’origine une affaire de constructeur, la GTA a radicalement changé de visage. Et pas seulement parce que les fabricants historiques de badgeuses se sont progressivement ouverts à l’informatique. « On invoque l’effet 35 heures, mais c’est également la volonté des DSI de centraliser le processus et de l’intégrer dans le SIRH qui a changé la donne, explique Frédéric Crinier, directeur de marché GTA chez Act-On Group, cabinet de conseil indépendant en RH et SIRH (lire l’encadré p. 21). Les éditeurs spécialisés se sont mis en capacité d’opérer cette intégration technique et de gérer un plus grand volume de données et des réglementaires multiconventions. » Dans l’intervalle, le marché s’est consolidé. Les entreprises y trouvent à la fois des logiciels best of breed [les meilleurs de leur catégorie] et des solutions intégrées. « Sur les vingt dernières années, les éditeurs SIRH ont cherché à inclure des modules de gestion des temps et de pilotage de l’activité dans leur offre, mais cela s’est avéré parfois complexe, nuance Hervé Nogier, manager chez mc2i Groupe (conseil en système d’information). La GTA est un processus applicatif riche, qui requiert de s’adapter à tous les modèles d’organisation opérationnelle du temps de travail. C’est donc, un métier d’experts où il n’est guère aisé de créer une offre à partir d’une feuille vierge. »

D’où la stratégie du groupe Horizontal Software, créé en 2010, qui a notamment racheté en 2014 l’éditeur spécialisé Equitime (bien implanté dans la santé et les collectivités locales).

Décentralisation

En parallèle, les logiciels ont évolué pour coller aux besoins et aux attentes des clients. La décentralisation de la gestion des absences et des plannings vers les managers, l’ouverture à l’ensemble des salariés et l’ajout de fonctionnalités collaboratives ont permis aux RH de se recentrer sur des tâches à valeur ajoutée. Les collaborateurs peuvent désormais poser directement leurs congés, consulter leurs compteurs… Ce qui a aussi conduit au développement d’applications mobiles (y compris pour le pointage). « Il y a une forte demande des entreprises dans ce domaine, même si, en France, ces outils souhaités au cahier des charges ne sont pas systématiquement mis en place », observe Lambert Rejany, directeur produit chez Horoquartz (gestion des temps et des plannings, sûreté-sécurité).

De plus en plus ergonomiques, les outils se sont également internationalisés. Et ont acquis une couche de “business intelligence” facilitant la production de rapports et l’analyse des données. « Il y a, de la part des comités de direction, un besoin croissant d’informations sur certains indicateurs clés comme les heures supplémentaires ou l’absentéisme, soutient Hubert de Rugy, directeur de la division temps et activité de Gfi (éditeur de la solution Chronotime). À partir des souhaits de congés, on peut aller jusqu’à anticiper et optimiser les remplacements en s’appuyant sur des simulations budgétaires. Le signe “€” n’est plus réservé à l’univers de la paie », insiste-t-il.

Aujourd’hui, à partir d’une certaine taille, toutes les entreprises ont globalement recours à une solution de gestion des temps, certains éditeurs proposant des applications spécifiques aux PME, à l’instar d’Asys, avec sa solution SaaS So’Horsys (badgeage et contrôle d’accès, de planning, “bureau du manager” et portail collaboratif pour les salariés). L’hôtel Pullman Paris Montparnasse s’est, pour sa part, tourné vers Octime (lire p. 23). D’autres entreprises peuvent avoir besoin d’un outil plus puissant dans le cadre d’une fusion-acquisition.

Du fait de la multitude de règles spécifiques, d’utilisateurs, de workflows de validation, un changement de solution de GT peut s’avérer délicat, considère Lambert Rejany, pour qui le remplacement ou la mise en place complémentaire d’un module de planification sont plus aisés à réaliser.

Des gisements de productivité

Quoi qu’il en soit, les éditeurs semblent ne pas avoir trop souffert de la crise. Car, si la simple gestion des temps est une nécessité réglementaire, le suivi d’activité, mais aussi la planification sont, eux, des gisements de productivité. Les entreprises l’ont déjà constaté en passant du papier à Excel. Pour aller plus loin, elles ont besoin d’outils plus fins. Et « aujourd’hui, il y a très peu de cahier des charges sans une brique de planification ou de suivi des activités », observe Lambert Rejany. Hervé Nogier abonde : « Un des sujets de préoccupation des entreprises est le pilotage de l’activité journalière des collaborateurs. Cette recherche de performance avec un meilleur suivi du réalisé et une optimisation des ressources en regard des besoins, jusqu’ici très présente dans l’industrie, touche maintenant les activités tertiaires. »

D’abord un gage d’équité, la planification permet de gérer les problèmes de sur et de sous-effectif. Plus question en effet, pour le client lambda, de faire la queue aux caisses des supermarchés ou de passer une heure à tenter de joindre par téléphone tel ou tel support technique : la qualité de service et la manière dont les clients sont pris en charge sont désormais devenues un avantage concurrentiel. Autre exemple, l’éditeur Kronos affirme qu’un de ses clients – un groupe de 80 000 personnes – a été capable de réduire de 3 500 le nombre d’heures supplémentaires effectuées par semaine.

Stéphane Chambareau, responsable marketing et communication de Holy-Dis, spécialisé en planification des RH et des activités, observe de son côté une forte demande concernant les modules d’annualisation et de modulation du temps de travail. « On avait un peu oublié le pendant “flexibilité” des 35 heures, mais la crise a vraisemblablement ravivé ce besoin de gérer les pics et les baisses d’activité sur l’année en adaptant l’horaire hebdomadaire avec des semaines de 30 ou 42 heures, par exemple. Ce qui limite le recours aux CDD ou à l’intérim », explique-t-il.

Autre grande tendance observée par plusieurs acteurs du marché : le développement de la polyvalence des salariés, et ce, quel que soit le secteur d’activité. Dans la grande distribution, un salarié en rayon peut être amené à tenir une caisse et inversement. L’intégration des compétences et des habilitations dans les moteurs de planification permet ce découpage de l’activité. Découpage également possible avec la solution de Bodet, adoptée par le laboratoire de biologie CBM 25 (lire p. 24).

Temps choisis

La productivité est aussi une question de motivation. En période de vaches maigres, à défaut d’augmentations salariales, certains employeurs mettent en avant le concept de “temps choisi”. Un moyen également de limiter l’absentéisme. L’option existe déjà depuis longtemps dans la grande distribution du fait de la forte amplitude horaire des journées de travail (Leclerc le propose à ses caissières, lire p. 25). Elle a maintenant tendance à se développer dans le secteur des services. La filière des déclarations de sinistres de la Maif l’a mise en place avec Horoquartz en décembre 2014 sur plusieurs plates-formes téléphoniques (lire Entreprise & Carrières n° 1251).

Stéphane Chambareau constate d’ailleurs que la planification prend, elle aussi, une dimension de plus en plus collaborative, avec des salariés davantage impliqués dans le processus, qui peuvent demander des modifications de planning ou échanger des horaires avec leurs collègues : « L’idée est de leur redonner un peu la main sur certains aspects de leur quotidien, tout en les sensibilisant à l’importance des plannings », commente-t-il.

Signe des temps : « La planification, qui était à l’origine l’affaire des opérationnels ayant une forte problématique terrain, est aujourd’hui devenue, dans les grands groupes, un projet copiloté par les RH, la DSI et les directions opérationnelles. »

La gestion des temps et des activités sous toutes ses coutures

Le socle de la solution est la gestion des présences et des absences, souvent avec un module de workflow permettant la validation et la collecte des temps de travail effectif dans le respect de la loi, des conventions collectives et des accords d’entreprise, ce qui permet le calcul de tous les éléments variables (heures supplémentaires, astreintes…). Le SI relève les anomalies via un système d’alertes. Et « tout est comptabilisé de manière automatique, avec parfois des centaines de compteurs par personnes, pour être injecté dans la paie. Incontournable, la gestion des temps permet donc d’être en règle et d’avoir une paie juste », résume Hubert de Rugy, directeur de la division temps et activité de GFI.

Le suivi d’activité permet de comparer les temps passés sur une fabrication ou un projet avec les temps prévus (gammes, commandes). Des informations essentielles dans le monde de l’industrie pour optimiser les outils et les ressources. Il est ici question de performance et de productivité, souligne Hubert de Rugy : « L’entreprise calcule ses coûts de production en mesurant le temps passé sur telle ou telle tâche. »

La planification, elle, « va servir à générer des horaires de manière intelligente par rapport à la charge de travail prévisionnelle », expose Véronique Corda, responsable marketing de Kronos France. Le processus a toujours existé, par exemple pour gérer les équipes en 3x8. Il s’agissait souvent, soulignent les éditeurs, de recettes maison concoctées en interne sur tableur, avec moult macros inaccessibles aux non-initiés. Les moteurs de planification sous contraintes lui confèrent une toute autre dimension.

Ce type de solution compile différentes données (fréquentation des points de vente dans la grande distribution, variation du chiffre d’affaires, etc.) et y ajoute des pourcentages d’évolution tenant compte de certains effets (veille de jour férié ouvert ou fermé…) pour en déduire une prévision d’activité et déterminer un nombre d’ETP au quart d’heure près, détaille Stéphane Chambareau, responsable marketing et communication de Holy-Dis, éditeur spécialisé dans la planification des RH et des activités.

« L’outil tient compte, d’une part, du socle RH : contrats de travail, contraintes légales et réglementaires, niveaux de compétences, disponibilités et desiderata des salariés, et, d’autre part, des objectifs de l’entreprise en termes d’activité et de qualité de service. Le moteur élabore le planning légal le plus performant et le moins cher. »

Dans ce domaine, les besoins sont complètement différents d’un secteur d’activité à l’autre, mais le premier enjeu demeure l’équité, avec une meilleure répartition des tâches pénibles et/ou donnant lieu à des primes.

Selon Lambert Rejany, directeur produit chez Horoquartz, tous ces outils offrent un retour sur investissement rapide. « Dans une entreprise qui part de zéro ou d’Excel, un système de GTA sera amorti dans une période de six à douze mois. Cela prendra entre deux et quatre mois pour un self-service, en mobilité ou non, entre six et neuf mois pour du suivi d’activité et entre six et douze mois pour une optimisation des plannings. »

L’avis de l’expert
Frédéric Crinier directeur de marché GTA chez Act-on group

« Nous intervenons sur des projets de gestion des temps, de planification et de gestion des activités, principalement en assistance à maîtrise d’ouvrage. Les demandes des entreprises peuvent être complexes et parfois contradictoires. Elles souhaitent souvent avoir une approche progiciel, ne comprennent pas, par exemple, pourquoi une règle de gestion des congés devrait être spécifiée et écrite complètement dans le contexte de leur solution, alors qu’un compteur de congés semble commun à toutes les entreprises. Mais, en même temps, elles souhaitent un outil correspondant le plus finement possible à leur accord d’entreprise. Or la généralisation d’un mode SaaS et la maintenance d’une solution “prépackagée” n’est pas la même que celle d’un progiciel permettant des développements spécifiques. Nous “normalisons” la demande du client et aidons celui-ci à faire le bon choix, avec un regard non pas produit, mais métier. Car une solution, aussi performante soit-elle, ne sera pas forcément utile à un client donné. »

Auteur

  • H. T.