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2016, année « duraille » pour la SNCF

La semaine | publié le : 19.01.2016 | Frédéric Brillet

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2016, année « duraille » pour la SNCF

Crédit photo Frédéric Brillet

Dans un paysage syndical relativement stable, la SNCF aborde un calendrier social 2016 qui s’annonce particulièrement chargé, avec notamment la négociation de la nouvelle convention collective de la branche.

Pour la SNCF, l’année 2015 s’est avérée fructueuse sur le plan social, jusque dans ses tout derniers jours, avec un accord de recrutement où se retrouvent les signatures – inhabituelles – de la CGT et de SUD. Mais 2016 s’annonce corsée. La négociation d’une convention collective de branche dans la perspective de l’ouverture à la concurrence doit déterminer, d’ici à fin juin prochain, les règles sociales que devront appliquer l’ensemble des opérateurs ferroviaires publics et privés.

Décret “RH 0077”.

Au cœur de cette négociation se trouve un décret de 1999 baptisé “RH 0077”, qui loge une grande partie des avantages sociaux (amplitudes journalières maximales de travail, temps de coupure et de repos) empilés au gré des conflits qui ont jalonné l’histoire de l’entreprise. Aussi complexes que rigides, ces règles aboutissent à ce que la productivité, la polyvalence, la mobilité fonctionnelle et le temps de travail annualisé des agents de la SNCF demeurent souvent inférieurs à ceux du secteur privé et des autres opérateurs publics européens.

Selon un rapport publié par la Cour des comptes en 2010, la SNCF est parvenue à faire passer de 6 h 22 à 7 h 46 la durée moyenne quotidienne de travail effectif des personnels roulants, mais a octroyé en compensation huit jours de repos supplémentaires. Au final, les roulants bénéficient, en fonction des contraintes auxquelles ils sont assujettis et qui varient selon leur planning individuel (travail de nuit, week-end et jours fériés), d’une cinquantaine à 122 jours de repos (repos compensateurs + RTT), auxquels s’ajoutent 28 jours ouvrés de congés par an, selon la direction. Le syndicat patronal UTP (Union des transports publics et ferroviaires) estime que, sans les avantages du statut cheminot, la SNCF pourrait, pour ce qui est des agents roulants, économiser 30 % des emplois dans le fret et 18 % dans le transport des voyageurs.

Compétitivité.

Soucieuse d’augmenter la compétitivité de l’entreprise alors que la concurrence tous azimuts se renforce (covoiturage, autocar et libéralisation des lignes régionales à moyen terme), la direction de la SNCF aspire à un assouplissement du “RH 0077”, sachant que les opérateurs privés, parties prenantes de la négociation, refuseront de l’intégrer en l’état à l’accord de branche. Pour gagner en flexibilité, la SNCF aurait par exemple intérêt à ce que les salariés acceptent de renoncer à des jours de RTT en échange d’un temps de travail quotidien réduit, sur le modèle de ce qui s’est fait à l’Assistance publique-hôpitaux de Paris.

À l’inverse, les syndicats militent pour que l’essentiel des acquis du “RH 0077” soit préservé à la SNCF, voire pour que ce texte devienne une référence pour tous les travailleurs du secteur ferroviaire. « Nous sommes favorables à un alignement vers le haut de ces règles, qui contribuent à la sécurité. Et nous allons nous battre pour que l’accord d’entreprise SNCF soit plus favorable aux salariés que l’accord de branche », résume François Grasa, secrétaire général de FO Cheminots. « Cette convention collective, visant à faire régresser nos droits sociaux pour nous faire payer la mise en concurrence généralisée du rail, est inacceptable, tant du point de vue social que sécuritaire », s’insurge-t-on à la CGT Cheminots.

De son côté, Roger Dillenseger, secrétaire général adjoint de l’Unsa ferroviaire, exprime sa crainte que les réductions d’effectifs n’obligent à revoir de manière trop brutale l’organisation du travail tout en se prononçant en faveur de certains changements face à l’arrivée inéluctable de la concurrence. En cas d’absence d’accord entre partenaires sociaux sur ce dossier épineux de la convention collective, le ministère des Transports devra prendre le relais pour trancher.

Place des contractuels.

Comparé à ce qui attend les partenaires sociaux de la SNCF en 2016, 2015 fera peut-être figure d’année faste. Le dernier accord en date, signé le 30 décembre par la CGT et SUD, portait sur la politique de recrutement et la mobilité. La direction s’y engage à recruter « prioritairement » ses nouveaux agents sous le statut cheminot. « Le terme “prioritairement” engage la SNCF, et la direction nous a fait savoir lors des discussions qu’elle ne dépasserait pas 25 % de recrutements de contractuels », explique Nathalie Bonnet, secrétaire fédérale SUD Rail, pour justifier son paraphe au bas de cet accord. « Aujourd’hui, les contractuels représentent 25 % des recrutements, contre moins de 10 % au début des années 2000. La direction doit s’engager sur la place des contractuels dans l’entreprise », insiste Rémi Aufrère, secrétaire général adjoint de la CFDT Cheminots, qui craint « une dislocation du statut de cheminot » si une limite n’est pas fixée. Faute d’engagement chiffré, la CFDT a donc refusé de signer l’accord. Les signatures de la CGT et de SUD suffisaient, les deux organisations représentant 51,16 % des suffrages à l’issue des élections du mois de novembre, marquées par une grande stabilité du paysage syndical. Au total, 24 accords nationaux ont été signés en 2015, dont 10 à l’unanimité et 14 majoritaires. Ils ont « permis de construire l’unité sociale du nouveau groupe public ferroviaire », souligne Jean-Marc Ambrosini, directeur général délégué cohésion sociale et ressources humaines.

Auteur

  • Frédéric Brillet