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Les clés

Faire face aux contraintes du reporting

Les clés | publié le : 12.01.2016 | Marie-Madeleine Sève

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Faire face aux contraintes du reporting

Crédit photo Marie-Madeleine Sève

Organisation. Passage obligé pour les managers, les comptes rendus réguliers sur l’avancement des travaux et les performances de l’équipe restent un exercice aride, usant et vorace en temps. Et ils s’en plaignent ! Pour éviter la “prise de tête” sur les chiffres, mieux vaut en prendre son parti, s’organiser efficacement et… ruser. Conseils.

Des tableaux, Nicolas Agosse, directeur de division chez Umanis à Levallois-Perret (2 000 salariés), en a noirci plus qu’à son tour. Lorsqu’il était responsable du département industrie au sein de la SSII, il devait rendre un reporting d’activité commerciale chaque semaine, un reporting de production et la consolidation des chiffres commerciaux chaque mois. Sans compter les relances pour récupérer auprès des 50 consultants leurs “feuilles de temps” et auprès des trois commerciaux leur nombre de visites et de contrats, indispensables pour rédiger une synthèse qui ait du sens. En gros, 20 % à 25 % de son activité de manager était alors dédiée à ces tâches ingrates. « Plus le manager est près du terrain, plus les reportings sont fréquents et détaillés », observe ce directeur qui ne “reporte” plus qu’une fois par mois pour ses 210 collaborateurs, dans une visée plus stratégique. Au bas de la pyramide, les managers de proximité sont donc les premiers à alimenter la chaîne hiérarchique de données dûment compilées, digérées et commentées.

Les métiers du conseil, de l’informatique, des télécoms, de la fabrication, de la logistique et de la vente sont fort gourmands en la matière. Mais, de fait, nul manager n’échappe à la “quantophrénie”, selon un terme utilisé en sociologie, qui désigne la pathologie consistant à vouloir transformer des phénomènes sociaux et humains en langage mathématique. « Depuis vingt ans, la mesure quantitative s’invite dans les pratiques managériales au point de devenir omniprésente et banalisée, observe Marie-Anne Dujarier, sociologue du travail et des organisations à La Sorbonne Nouvelle et au Cnam-CNRS (1). Elle touche aux objectifs et résultats, mais aussi aux individus, à l’ambiance de travail, à la satisfaction des clients. Or le reporting est vécu comme chronophage et déconnecté de la réalité. » L’automatisation des remontées “intelligentes” des statistiques, via les ERP, bien répandue en 2015, soulage les cols blancs et bleus de saisies fastidieuses. Il leur reste néanmoins à comparer et à interpréter, puis à rédiger des analyses qualitatives claires, constructives, voire prédictives… et à justifier la situation.

Mieux vaut se plier à l’exercice de bonne grâce et s’y préparer mentalement avant de s’y atteler, préconise Michel Noiry, consultant en management chez Origa Consulting & Advisory. « Pour beaucoup, c’est une corvée. Mais le manager doit psychologiquement accepter le fait que rendre compte de la performance de l’équipe fait partie du contrat, même s’il a le sentiment d’être “fliqué”. » La bonne idée consiste à se planifier des rendez-vous dans son agenda pour ne pas occulter l’affaire, disent les coachs. « J’en fais la priorité des vendredis après-midi, expose Nicolas Agosse. Et je considère ce moment comme un temps d’introspection nécessaire pour prendre du recul sur l’activité, profitable pour moi et pour l’entreprise. » Toutefois, tout encadrant a intérêt à avoir préalablement récolté les informations utiles auprès de ses collaborateurs, pour ne pas être pris de court (lire Les conseils du coach). « L’important, c’est de respecter les délais de remise », insiste Yvon Berl, coach de dirigeants chez Zathinoé. Pour sa part, Véronique Plantard, directrice de l’agence immobilière Solvimo franchisée à Annemasse (Haute-Savoie), se saisit des réunions quotidiennes avec ses sept négociateurs pour actualiser et décortiquer en groupe les indicateurs de la veille. Rebelote le vendredi matin pour les indicateurs de la semaine. « On échange beaucoup, je recueille des précisions, des idées sur le “pourquoi” de telle ou telle tendance, ce qui nourrit mon tableau de bord que je remplis sur le champ. » Un précieux gain de temps !

Sélectionner les indicateurs

Le manager peut aussi alléger le fardeau et desserrer l’étau du surcontrôle en parlementant avec son chef. En lui proposant, par exemple, de s’en tenir aux seuls indicateurs parlants pour son équipe, triés avec discernement, quitte à les affiner ou à les construire ensemble. Un responsable d’unité dans une société de formation en a ainsi retenu trois avec son n + 1 : le prix à la journée, le taux de facturation, l’indice de satisfaction client, transmis par écrit, le reste relevant de l’oral. « Cela marche s’il y a une grande confiance entre le patron et son subordonné », constate Jean-Louis Muller, expert en management auprès de Cegos. Autre piste, remplir les cases les moins sensibles “à la louche”. « Inutile d’être précis sur ce qui n’a guère d’enjeu pour l’entreprise – niveau de propreté, le nombre de photocopies, etc. –, et encore moins sur les prévisions, poursuit l’expert. Des estimations à plus ou moins 10 % suffisent, à la différence des résultats sur le chiffre d’affaires, la marge, les taux de rebut ou la productivité, pour lesquels la rigueur s’impose. » Mais gare : si tordre légèrement le réel afin d’être conforme aux objectifs attendus peut passer – surtout si les écarts sont rattrapables –, le falsifier est évidemment à proscrire.

* Auteure du Management désincarné. Enquête sur les nouveaux cadres du travail, La Découverte, mai 2015.

Les conseils du coach

Yvon Berl

Fondateur et coach de dirigeants chez Zathinoé

1

Réaliser une matrice standard à l’avance

L’informatique et les outils ERP ne suffisent pas. Il faut collecter des données autour de soi, auprès de pairs ou de partenaires, afin de confronter les premiers enseignements et de valider les chiffres. Si vous n’avez pas de tableau maison déjà formaté – ou pour votre gouverne –, pensez à réaliser tôt un gabarit listant ces six marqueurs : points positifs et négatifs, points à améliorer et à faire disparaître, défis à lancer, initiatives clés. Élaborez une matrice voisine (sans les aspects confidentiels) pour vos collaborateurs. Distribuez-la bien en amont, en spécifiant à quelle date ils doivent rendre leur copie.

2

Sélectionner l’essentiel et viser la sobriété

Attention à l’exhaustivité. Trop de données risquent de détourner l’attention et de perturber la compréhension du message. Focalisez-vous sur les indicateurs pertinents pour votre entité et tirez-en une analyse concentrée. Évitez de surcharger le document de graphiques ou de couleurs. Les concepteurs de logiciels anglo-saxons utilisent le sigle Kiss (Keep It Simple, Stupid, “Fais ça simple, idiot !”) comme ligne directrice. Autrement dit, inutile de se compliquer la tâche. D’autant plus que votre hiérarchique lira très vite (ou pas du tout) votre littérature.

3

Devancer les critiques sur de mauvais chiffres

Il s’agit de déminer les remarques désagréables que vos supérieurs, découvrant des ventes en baisse, une qualité dégradée ou un turnover en hausse, ne manqueront pas de signifier. En ce cas, trouvez en amont les arguments rationnels qui les éclaireront sur ce qui s’est passé : un pépin soudain, des effectifs réduits, des postes mal calibrés, etc. Tout élément logique sera de nature à favoriser leur approbation et à les rassurer, tout comme vos suggestions d’ajustement.

Auteur

  • Marie-Madeleine Sève