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Travaux pratiques pour les branches

La semaine | publié le : 12.01.2016 | Virginie Leblanc

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Travaux pratiques pour les branches

Crédit photo Virginie Leblanc

Alors que les derniers décrets encadrant le compte pénibilité ont été publiés le 31 décembre 2015, la ministre du Travail appelle les branches professionnelles à construire des référentiels pour faciliter la vie des entreprises dans la mise en application du compte.

Très attendus, les derniers décrets relatifs au C3P (compte personnel de prévention de la pénibilité), publiés le 31 décembre 2015, permettent enfin de stabiliser le dispositif (lire l’encadré cidessous). La possibilité pour les entreprises de prendre en compte des référentiels de branche pour évaluer les expositions est notamment gravée dans le marbre. Pour autant, le patronat continue de combattre le dispositif et de dénoncer sa complexité. Mais Myriam El Khomri, ministre du Travail, et Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, ont clairement affirmé dans un communiqué commun qu’il appartenait « désormais aux organisations patronales de branche de se saisir de ces dispositions pour mener à bien l’élaboration des référentiels de branches, permettant aux entreprises de tirer pleinement profit des marges de souplesse ouvertes par la loi du 17 août 2015 ».

Sécurité de résultat.

Si elle n’est pas obligatoire, la construction de référentiels peut constituer une aide non négligeable pour les entreprises, surtout les petites, dans leur travail de mesure de l’exposition des salariés aux facteurs définis par décrets. De plus, « si l’employeur opte pour une évaluation collective de la pénibilité en adoptant le référentiel unique de sa branche, homologué par le ministère du Travail, il ne sera pas redevable de majorations de retard ou de pénalités financières en cas de contentieux avec un salarié. On considère qu’en ayant appliqué les recommandations du document, il remplit son obligation de sécurité de résultat », explique Clarisse Petit, consultante prévention des risques professionnels et ingénieure QSE pour Atequacy, cabinet de conseil en gestion des risques professionnels.

Une analyse complexe.

Si l’employeur opte pour une évaluation individuelle de la pénibilité, « le travail de mesure et d’analyse sera plus complexe mais plus proche du travail réel, poursuit la consultante. L’employeur pourra valoriser, dans son diagnostic, la mise en œuvre des mesures de prévention et ainsi limiter sa cotisation pénibilité. En cas de contestation d’un salarié, c’est la justice qui devra évaluer le cas, soit en se référant aux directives de la branche, soit en considérant le cas comme particulier ».

Au cas par cas.

Chaque entreprise devra analyser au cas par cas son intérêt pour ces deux options. « En effet, si elle retient un référentiel collectif, elle cotisera pour des emplois exposés à la pénibilité du fait de son appartenance à une branche, mais il ne sera pas nécessaire qu’elle ait en son sein des salariés exposés », explique Clarisse Petit.

Si les entreprises et les branches attendaient la publication des décrets pour avancer dans leurs travaux, certaines sont moins proactives que d’autres. La métallurgie, comme le Medef, persiste à dénoncer la complexité du dispositif, même si des guides de diagnostic avaient déjà été fournis pour aider les entreprises à appliquer les premières réglementations concernant la pénibilité.

Le BTP s’était engagé à construire un référentiel pour juillet 2016. « Chacun travaille un peu de son côté, affirme Éric Aubin, membre du bureau confédéral de la CGT, en charge des retraites. Certaines branches de la construction sont plus avancées, comme celle du machinisme agricole. » Cette branche avait déjà réalisé un travail approfondi de diagnostic avec le cabinet spécialisé en prévention santé Didacthem (lire Entreprise & Carrières n° 1226) mais attendait les décrets pour poursuivre ses travaux.

92 % de TPE-PME en chimie.

De son côté, la chimie a réfléchi à la méthode à adopter pour construire des référentiels et se donne le premier semestre 2016 pour y parvenir : « C’est un sujet important pour nous, notre tissu industriel est fait de 92 % de TPEPME, déclare Laurent Selles, directeur des affaires sociales de l’UIC. Nous y travaillons avec nos différents experts internes dans nos quatre secteurs, avec l’objectif d’aboutir à un document très simple d’utilisation. »

La Confédération française du commerce de gros et international (CGI) est la première organisation professionnelle à avoir présenté son projet de référentiel pour la mise en place du C3P (lire l’encadré ci-contre).

« Dans l’agroalimentaire, une seule branche a vraiment avancé sur ce sujet, celle des distributeurs de boissons », affirme Patrick Massard, secrétaire général de la FGA-CFDT. Un accord sur la prévention de la pénibilité et des risques professionnels et l’amélioration durable des conditions de travail était achevé fin décembre dans cette branche d’un peu moins de 10 000 salariés (avec beaucoup de petites entreprises) et n’attendait plus que les décrets pour être signé.

Les grandes lignes des décrets

Les décrets formalisent le report de six mois de l’entrée en vigueur des six derniers facteurs de pénibilité, et ils redéfinissent le facteur bruit ainsi que le facteur travail répétitif. Les textes précisent également les mesures de simplification adoptées dans la loi Rebsamen de juillet 2015. La fiche pénibilité est remplacée par une déclaration via la déclaration annuelle des données sociales (DADS) ou la déclaration sociale nominative (DSN). En outre, « un droit de rectification de la déclaration est instauré : une entreprise peut ajuster sa déclaration jusqu’au 5 ou 15 avril de l’année suivante, et au titre de l’année 2015, jusqu’au 30 septembre 2016 », détaille Clarisse Petit, consultante prévention des risques professionnels et ingénieure QSE à Atequacy, cabinet de conseil en gestion des risques professionnels. Les conditions d’homologation des référentiels de branche sont aussi détaillées.

Une première démarche de référentiel rendue publique

La Confédération française du commerce de gros et international (CGI, 400 000 salariés et 36 000 entreprises, surtout des PME et TPE) a présenté le 1er décembre la méthode de construction de son référentiel pour la mise en place du C3P. Ce sont surtout les métiers de la logistique (environ 30 % des effectifs de la branche) qui sont concernés par la pénibilité.

« Nous avons voulu proposer un outil simple et opérationnel, mais aussi sécurisé car homologué par l’administration », explique Marc Hervouet, président de la CGI, qui souhaite que le référentiel soit homologué d’ici à la fin juin 2016, soit avant l’entrée en vigueur de la deuxième vague des facteurs de pénibilité.

La solution logicielle utilisée a été conçue par le cabinet spécialisé en prévention santé Didacthem, en partenariat avec AG2R La Mondiale, Malakoff Médéric et Humanis. Après des observations faites sur le terrain, le cabinet peut construire des groupes homogènes d’exposition qui recouvrent des métiers, des postes de travail ou des tâches organisationnelles. Le cabinet s’attache à déterminer des échantillons de salariés et de métiers à analyser en fonction de similitudes d’exposition à des contraintes physiques. Pour les métiers de la logistique, par exemple, on peut analyser le travail de ceux qui réceptionnent des colis, de ceux qui contrôlent, de ceux qui gèrent les stocks, ou encore de ceux qui assurent l’expédition.

« Il est indispensable d’aller sur le terrain voir le travail réel, assure Bernard Cottet, de Didacthem, avec un professionnel de santé et un expert en prévention des risques. Les mesures sont intégrées dans l’outil logiciel et seront comparées aux seuils officiels. Enfin, aux facteurs sont associés des moyens de prévention. » Ainsi, pour la CGI, le cabinet s’est déplacé dans 38 entreprises. Cette mission de terrain devait se dérouler jusque fin janvier 2016.

Auteur

  • Virginie Leblanc