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La Maurienne veut profiter du chantier de la LGV Lyon-Turin

Zoom | publié le : 05.01.2016 | Véronique Vigne-Lepage

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La Maurienne veut profiter du chantier de la LGV Lyon-Turin

Crédit photo Véronique Vigne-Lepage

Le groupement d’entreprises mandaté pour le premier chantier de la ligne à grande vitesse Lyon-Turin collabore avec les pouvoirs publics dans le cadre d’une démarche “Grand chantier”. Objectif : recruter au maximum localement.Pour l’heure, essentiellement en intérim.

Jusqu’à 350 emplois directs dès maintenant et 2 000 à 2 800 pendant au moins dix ans : dans la vallée de la Maurienne, le projet de ligne ferroviaire à grande vitesse (LGV) Lyon-Turin n’est plus une arlésienne. Depuis janvier 2015 et jusqu’à fin 2018, les équipes du groupement conduit par Spie Batignolles(1), retenu pour les 8 km d’ouvrage souterrain de reconnaissance, sont à pied d’œuvre à Saint-Martin-la-Porte (Savoie). Le gros chantier de creusement des 57 km de tunnel pour la voie ferrée suivra.

Pour « optimiser les effets » de ce projet sur le développement local, une démarche “Grand Chantier” a été impulsée par l’État et les collectivités locales. « Nous nous servons de ce chantier de Saint-Martin-la-Porte comme d’un laboratoire d’essai de la capacité des acteurs à agir », explique Patrick Dieny, sous-préfet de Savoie, chargé de son pilotage. Un “protocole d’accord pour l’emploi et l’insertion” a été signé en février 2015 par le maître d’ouvrage (Tunnel Euralpin Lyon Turin/Telt), le groupement d’entreprises, l’État, la région, le département de la Savoie et le service public de l’emploi. Objectif : inscrire des engagements réciproques (cependant non quantifiés) pour que les Mauriennais ou, à défaut, les Rhônalpins, soient privilégiés dans les recrutements externes. Ces partenaires ont commencé par identifier ensemble quels métiers seraient demandés et dans quelle proportion, et par mettre en regard les compétences existantes dans le bassin d’emploi. Avec l’idée de réduire l’écart éventuel grâce à des formations. Pour les chantiers de préparation (2002-2010), « 25 % à 30 % des emplois créés avaient été pourvus localement et 40 % à 50 % régionalement, poursuit le sous-préfet. Nous vérifions si ce taux reste atteignable ». Selon Jean-Michel Debethune, directeur administratif et financier d’Eiffage Infrastructures, détaché par le groupement, c’est actuellement le cas : 54 % des premiers arrivants sur le chantier sont originaires de Rhône-Alpes. « Nous avons élargi nos recherches progressivement, depuis la Maurienne jusqu’à la France. Mais, pour les métiers de pointe, où nous avons du mal à recruter, il s’agit même de l’Europe : conducteurs robot béton, tunneliers, électriciens qualifiés pour le souterrain… ». D’autant que le travail en équipes 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 rebute certains candidats, malgré différentes primes.

Actuellement, le groupement emploie sur place 291 personnes ; 111 sont des salariés en CDI détachés des entreprises du groupement. Les 180 autres (dont la moitié de Mauriennais) sont embauchés en intérim. « Pour répondre à une montée d’effectifs très rapide dans un domaine d’activité spécialisée, nous privilégions dans un premier temps les contrats intérimaires, explique Jean-Michel Debethune. Dans un deuxième temps, les personnes qui peuvent envisager un emploi sur plus d’un an se voient proposer un CDI de chantier (CDIC). Depuis six mois, c’est le cas pour plus de 30 d’entre eux. Après le Lyon-Turin, s’ils acceptent d’être mutés sur un autre chantier, leur contrat deviendra un CDI classique. »

Dès l’obtention du marché, le groupement a mobilisé en interne plus de 20 mécaniciens et électriciens. « Nous aurons besoin de 11 autres pour le montage du tunnelier, à partir de début 2016. Pour ceux-là, nous avons pu anticiper », explique-t-il. C’est là que le partenariat avec les pouvoirs publics a joué son rôle : une réunion d’information collective a été organisée par Pôle emploi à Saint-Jean-de-Maurienne pour les titulaires de BEP ou de bac pro électricité. « À notre grande surprise », glisse Jean-Michel Debethune, seulement 40 sont venus : juste de quoi sélectionner les 11 nécessaires. Puis ils ont suivi, dans le cadre d’un contrat d’aide et de retour à l’emploi durable (Cared), une formation de deux mois financée par la région à l’Afpa de Chambéry. Rémunérés par Pôle emploi, ils bénéficient d’un hébergement payé par leur futur employeur. Une seconde promotion est prévue en 2016.

Des publics fragiles valorisés

Un autre dispositif a été monté pour les postes peu qualifiés de compagnons nécessaires à l’usine de voussoirs (anneaux en béton qui constitueront le tube) inaugurée le 9 novembre dernier. L’information collective a, cette fois, attiré 120 candidats que Pôle emploi avait présélectionnés sur leur proximité géographique, leur expérience en industrie, ou encore leur motivation ; 11 ont été retenus. « Nous avons valorisé des publics fragiles qui, sinon, ne seraient jamais sélectionnés », explique Armel Gautron, directeur de Pôle emploi Saint-Jean-de-Maurienne. Certains sont aussi des salariés de MetalTemple, entreprise voisine qui licencie. Une période d’immersion d’une semaine a permis de confirmer leur motivation avant une action de formation préalable au recrutement (AFPR) de deux mois (sécurité, conduite d’engins, secourisme au travail). Pôle emploi les rémunère et finance les coûts pédagogiques ainsi que les futures heures de tutorat à l’usine, où leur contrat de travail sera porté, en intérim, par Randstad.

Une autre AFPR pourrait être mise en place courant 2016. « Mais on ne peut pas non plus trop anticiper, commente Armel Gautron. Car si les gens ne sont pas embauchés rapidement après leur formation, ils trouvent du travail ailleurs. Cet automne, nous avons accéléré les recrutements en prévenant les employeurs que les Mauriennais risquaient de partir faire la saison en stations. » De leur côté, les entreprises ont du mal à prévoir leurs besoins : « Nous savons qu’en juin 2016, lorsque le tunnelier commencera à creuser, nous devrons créer cinq nouvelles équipes, soit 90 à 100 personnes, explique Jean-Michel Debethune. Nous ferons appel à des recrutements locaux et européens. Mais nous privilégions les mutations internes de salariés venant de nos autres chantiers. Or nous ne savons pas précisément lesquels seront terminés en juin. »

Une GPEC territoriale à l’étude

« Pour l’instant, conclut Armel Gautron, cela se passe bien. Nous avons encore dans nos fichiers des publics à préparer et d’autres à former, pour faciliter le sourcing. Mais, pour le chantier du “vrai” tunnel Lyon-Turin, ce sera autre chose, du fait de l’ampleur des besoins. » Pour s’y préparer, il essaie de comprendre les raisons de chaque refus de candidature et développe, avec ses partenaires “Grand chantier”, la promotion des métiers concernés. De son côté, Patrick Dieny étudie, avec la CCI et l’Agence économique de Savoie, la possibilité d’une GPEC territoriale, qui « permettrait aux entreprises locales de s’adapter au changement d’échelle du chantier ».

Avec sa filiale Sotrabas, Eiffage Infrastructures et les sociétés italiennes Ghella Spa, CMC Di Ravenna et Cogeis Spa.

Auteur

  • Véronique Vigne-Lepage